(Montréal) Entourés de très nombreux policiers, une centaine d’opposants au couvre-feu en vigueur depuis une semaine ont bravé la neige pour dénoncer samedi après-midi la mesure de santé publique qui a, selon eux, un « effet symbolique » tout en dégradant réellement le « filet social » et qui crée « un climat de peur ».

La manifestation, qui s’est déroulée à Montréal, dans l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, était organisée par le collectif « Pas de solution policière à la crise sanitaire » afin de réclamer la fin des mesures « liberticides ».

Dès le début du rassemblement, les policiers ont demandé aux manifestants via un camion-flûte de porter le couvre-visage et de respecter la distanciation physique, comme l’avaient déjà fait les organisateurs dans leur communiqué.

Les militants estiment que « le gouvernement encourage la délation, la recherche de bouc-émissaires et la culpabilisation individuelle, se dédouanant ainsi de toutes responsabilités ».

  • PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

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Un manifestant, Zy St-Pierre-Bourdelais, réclamait une amnistie pour les itinérants. « C’est faux que ces gens ont suffisamment de places dans les refuges, a-t-il dit. Je trouve que c’est déraisonnable que les gens puissent avoir des contraventions et des sanctions parce qu’ils vivent dans la rue à cause d’un couvre-feu. »

Kaella, une travailleuse de rue qui a refusé de donner son nom de famille, est également venue pour réclamer la fin des « mesures contraignantes qui ne servent strictement à rien », comme de « donner une contravention à une personne en situation d’itinérance ».

« Je trouve ça profondément décevant et frustrant », a-t-elle dit alors que les policiers retiraient de force une personne de la manifestation. « Les policiers ne doivent pas avoir une carte blanche de gros bon sens parce que souvent ils ne font pas preuve de gros bon sens. »

Quelques minutes plus tôt, un homme assis dans le parc qui ne faisait « clairement pas partie de la manifestation » et qui « était en détresse ben raide » a été également été retiré de la manifestation parce qu’il ne porte pas de couvre-visage, a raconté Chantal Poulin, un témoin visuel de l’évènement.

Deux constats d’infraction de 1550 $ ont été remis pour non-port du couvre-visage, a confirmé l’agent Jean-Pierre Brabant, un porte-parole du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), insistant que ces personnes avaient été prévenues au haut-parleur.

Au moins une dizaine de manifestants ont refusé de répondre aux questions de La Presse Canadienne, l’un d’eux a expliqué que « les gens n’ont pas une formation pour parler aux médias et que les médias déforment ce qu’on dit ».

Le jeune homme, non « formé » en la matière, a cependant confié que les policiers casqués, « c’est toujours intimidant », même qu’il les « surveille », puisqu’il garde un mauvais souvenir de manifestations étudiantes du printemps 2012 qui ont « viré plus violentes ». Il a refusé de fournir son nom pour se « protéger de potentielles répercussions ».

Après quelques discours, les manifestants ont entamé leur marche dans les rues enneigées de la métropole, forçant constamment les dizaines de policiers casqués – certains tenant même un bouclier et des fusils permettant de projeter des gaz lacrymogènes – à se réajuster alors que les marcheurs zigzaguaient constamment dans les rues pendant plus d’une heure et jusqu’à la tombée du jour.

« Ils se sont fait avoir », s’est amusé à crier un manifestant alors que les marcheurs ont tourné à la dernière minute vers une petite rue, des policiers poursuivant leur chemin à l’avant.

Les organisateurs avaient annoncé qu’ils n’entendaient pas coopérer avec la police de Montréal pour assurer la sécurité de l’évènement, estimant qu’il s’agit d’une « responsabilité collective ».

« Je suis solidaire avec vous autres », a lancé une femme depuis son balcon d’un immeuble à logements, alors que la foule scandait « Financez la santé, pas les policiers ».

Les manifestants se réclamant de la gauche du spectre politique ont précisé qu’ils se dissocient « fermement » des autres manifestations contre le couvre-feu qui mettent de l’avant des « discours conspirationnistes ou idéologies d’extrême droite ». Les antimasques et anti-vaccins n’étaient d’ailleurs pas les bienvenus, avaient-ils précisé.

Le couvre-feu est en vigueur de 20 h à 5 h jusqu’au 8 février. Il vise à empêcher les rassemblements.