La NASA a donné jeudi le feu vert au premier vol habité de la capsule Starliner de Boeing, le 6 mai. L’astronaute canadien Joshua Kutryk le supervisera de Houston. Les problèmes que Boeing connaît avec ses avions de ligne suscitent de nombreux doutes à propos de Starliner.

« Starliner n’a rien à voir avec les problèmes actuels de Boeing », a répondu l’astronaute Butch Wilmore, lors d’une conférence de presse jeudi midi à son arrivée en avion T-38 au centre spatial Kennedy. Le numéro 2 de la NASA, Jim Free, et la directrice des vols, Emily Nelson, ont eu la même réponse à la même question lors d’une conférence de presse téléphonique à la fin de l’après-midi.

M. Wilmore fera le vol avec Suni Williams. Tous deux sont pilotes de la marine américaine.

Si son vol habité vers la Station spatiale internationale (SSI) est un succès, Starliner amènera M. Kutryk au début de 2025 vers une mission de six mois sur la SSI.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’AGENCE SPATIALE CANADIENNE

Joshua Kutryk

La capsule de Boeing était en concurrence avec le Crew Dragon de SpaceX quand la NASA a attribué en 2014 aux deux entreprises des contrats d’une valeur totale de plus de 7 milliards US pour développer des moyens de transport pour ses astronautes. Après la mise à la retraite de la navette spatiale en 2011, la NASA dépendait des capsules russes Soyouz pour se rendre à la SSI.

Le suspense a duré jusqu’en mai 2020, quand SpaceX a réussi son premier vol habité. Boeing a failli franchir le fil d’arrivée en premier, mais a connu des problèmes d’horloge lors de son test inhabité en décembre 2019. La compagnie venait de voir ses 737 Max cloués au sol après deux écrasements. Les problèmes de Starliner, qui a dû refaire un autre vol de test inhabité, en 2022, étaient aussi à l’époque juxtaposés à ceux des avions de ligne de Boeing.

Dragon Crew a déjà une douzaine de vols habités vers la SSI à son actif. SpaceX y a notamment convoyé des missions privées de la société Axiom.

Parachutes

Les deux conférences de presse ont suscité beaucoup d’autres questions sur des scénarios-catastrophes. Steve Stich, directeur du programme des vols habités commerciaux de la NASA, a dû détailler les problèmes de Starliner sur lesquels l’agence travaille toujours. Une valve d’oxygène doit être remplacée et testée et des doutes subsistent sur ce qui se passerait si l’un des deux parachutes-pilotes de Starliner ne se déployait pas correctement lors de la rentrée dans l’atmosphère.

Plus tôt dans la journée, Butch Wilmore était plus combatif face aux doutes des journalistes. « Lors de notre dernière simulation lundi, nous avons fait un scénario d’interruption de la mission avant d’arriver en orbite. Il nous suffisait d’appuyer sur un bouton pour choisir d’atterrir en Irlande. On a ajouté un autre pépin, il a fallu faire certaines manœuvres manuellement. Et malgré tout, nous avons atterri à moins de 200 mètres de l’endroit prévu en Irlande. Il n’y a aucune capsule au monde qui a plus de redondance. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DE LA NASA

Suni Williams et Butch Wilmore lors d’une simulation de Starliner en 2022

Suni Williams a ajouté que Starliner était très semblable à la capsule lunaire Orion. « Si j’étais une jeune astronaute qui a l’ambition d’aller sur la Lune, je voudrais voler sur Starliner », a dit Mme Williams.

M. Wilmore était tout aussi enthousiaste face à la fusée Atlas V de l’entreprise United Launch Alliance, qui amènera Starliner en orbite le 6 mai. Le dernier vol habité d’une fusée Atlas remonte à 1962. « Il n’y a aucune autre fusée non réutilisable à laquelle je me fie davantage, a dit M. Wilmore. Atlas V a un système de détection précoce des problèmes qui peut sauver des vies. »

Interruptions

Lors de son trajet vers la SSI, Starliner fera plusieurs essais d’interruptions de dernière minute, notamment lors de l’arrimage à la SSI. Mme Williams et M. Wilmore vont rester dans la station pendant une semaine avant de retourner vers la Terre. Des tests de retour manuel d’urgence seront faits pendant la rentrée dans l’atmosphère.

Une douzaine de vols de Starliner vers la SSI sont prévus jusqu’en 2030, notamment avec des cosmonautes jusqu’en 2028, année où la Russie devrait se retirer du programme international. Boeing a dû assumer des dépassements de coût de plus de 1 milliard US dans le programme Starliner, ce qui a mené le Washington Post l’automne dernier à prédire que Starliner ne serait pas rentable après la fin des contrats de la NASA vers la SSI.

Les contrats commerciaux de la NASA avec SpaceX et Boeing ont permis de réduire de moitié les coûts de l’envoi d’un astronaute vers la SSI, par rapport à la navette spatiale. Utiliser Soyouz coûtait légèrement moins cher, 80 millions US par astronaute contre 88 millions US pour Dragon Crew.

En savoir plus
  • 280
    Nombre d’astronautes qui ont séjourné sur la SSI depuis 2001
    Source : NASA