Près de la moitié des Québécois pauvres souffrent de précarité énergétique, selon une nouvelle étude de l’Université McGill.

« La précarité énergétique est mal connue », explique Mylène Riva, géographe à l’Université McGill, qui est l’auteure principale de l’étude publiée à la mi-février dans le Canadian Journal of Public Health. « Et pourtant, elle touche beaucoup de gens et suscite un stress important. Avoir froid et ne pas pouvoir payer ses factures d’énergie est une composante importante de la précarité. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ MCGILL

Mylène Riva, géographe à l’Université McGill

Un foyer est en précarité énergétique s’il dépense plus que deux fois la médiane canadienne, par rapport à son revenu, en énergie domestique. Les Canadiens dépensent environ 3  % de leur revenu en énergie, ce qui signifie que le seuil se situe à 6 %.

Au Québec, un foyer sur huit dépasse le seuil de précarité énergétique. Et un sur dix dépense plus de 10 % de ses revenus en énergie domestique. La précarité énergétique augmente avec l’âge – 20 % des plus de 65 ans dépassent le seuil – et les ménages à faibles revenus. Dans le quintile le plus pauvre, la précarité énergétique est de 54 %, et dans le deuxième quintile, de 23 %.

L’essentiel du problème est lié au chauffage. « C’est le poste le plus important de la facture d’électricité au Québec, dit Mme Riva. En deuxième lieu arrive l’eau chaude. »

L’électricité au Québec est la moins chère au pays (6,5  cents par kilowattheure pour le bloc patrimonial, contre 8,7 à 18,2 cents par kilowattheure en Ontario selon le moment de la journée).

Le bloc patrimonial d’Hydro-Québec, techniquement appelé « première tranche du tarif D », couvre les 40 premiers kilowattheures de consommation par jour. Environ 16 % des clients résidentiels consomment davantage que ce seuil à chaque période de facturation et 78 % au moins une fois par année, selon Hydro-Québec.

Essence

D’autres mesures de la précarité énergétique incluent l’essence. Un rapport publié l’automne dernier par l’Institut Fraser estimait que pour le quintile de revenus le plus bas, la précarité énergétique double si on inclut aussi l’essence.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Des fenêtres trop vieilles doivent parfois être recouvertes de plastique l’hiver pour réduire les coûts de chauffage.

Les programmes publics d’aide à la précarité énergétique au Canada visent surtout l’amélioration de l’efficacité énergétique des maisons, pour diminuer leurs coûts de chauffage, selon Mme Riva. « Mais pour les locataires, il est difficile d’améliorer l’efficacité énergétique de leur logement sans la collaboration de leur propriétaire. »

Selon Cendrix Bouchard, relationniste à Hydro-Québec, l’aide à l’efficacité énergétique pour les ménages à faibles revenus s’est élevée à 1  million de dollars en 2023, alors que l’aide directe s’est élevée à 29 millions, dont 18 millions en radiation de dette, pour plus de 17 000 clients.

Hydro-Québec a revu l’an dernier à la hausse son aide aux locataires qui peinent à payer leur facture de chauffage, selon Émilie Laurin-Dansereau, responsable du dossier à l’ACEF-Nord, un OSBL d’aide à la gestion des finances personnelles. « Les seuils de revenus admissibles ont été haussés de 100 % à 175 % du seuil de faibles revenus. Mais on ne sait pas si cette mesure de 2023 va être reconduite. » M. Bouchard confirme que ce seuil plus élevé est une « mesure temporaire ».

Les compagnies électriques municipales, par exemple à Coaticook et à Sherbrooke, sont souvent plus sévères, selon Mme Laurin-Dansereau. Énergir a aussi un programme d’aide au paiement de factures de gaz. Il n’existe pas de programme pour le chauffage au mazout.

Chauffage au mazout

Aux États-Unis, l’aide publique pour les foyers frappés par la précarité énergétique est presque 10 fois plus élevée, toutes proportions gardées. Le Programme d’aide à l’énergie domestique pour les ménages à faible revenu (LIHEAP) du gouvernement fédéral a fourni en 2023 une moyenne de 1000 $ US (environ 1350 $ CAN) à près de six millions de foyers.

Le LIHEAP couvre aussi le chauffage au mazout. « C’est un programme administré par les États, pour tenir compte des conditions locales », explique Sarah Johnston, une économiste de l’Université du Wisconsin qui a publié une étude sur le sujet en 2022 dans le Journal of Environmental Economics and Management. « Les barèmes sont les mêmes que pour l’aide alimentaire [food stamps], 150 % du seuil de pauvreté. Mais il y a deux fois moins de foyers qui utilisent LIHEAP que l’aide alimentaire. »

Cette aide permanente au chauffage pour les ménages à faibles revenus n’est pas une solution à long terme, selon Mme Laurin-Dansereau. « Même si on aidait davantage les locataires à payer leur facture de chauffage, si le logement est mal isolé, il fait quand même froid. »

En savoir plus
  • 50 %
    Proportion de la consommation d’électricité résidentielle qui va au chauffage au Québec
    SOURCE : Hydro-Québec