Alors qu’un contenant de lait sur cinq comporte des fragments de virus responsable de la grippe aviaire aux États-Unis, les autorités canadiennes n’envisagent toujours pas de tester le lait pasteurisé. Mais l’Agence canadienne d’inspection des aliments a demandé à Santé Canada d’évaluer si le virus pourrait se retrouver sous forme contagieuse dans les fromages au lait cru.

Doit-on s’inquiéter de la présence de virus dans le lait ?

Non, mais les résultats du département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) publiés cette semaine montrent qu’une grande proportion des vaches du pays sont porteuses du virus responsable de la grippe aviaire hautement pathogénique H5N1, mais n’ont pas de symptômes, selon Richard Webby, spécialiste de la grippe aviaire de l’hôpital St. Jude, au Tennessee.

À l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), la vétérinaire Geneviève Toupin explique que ces fragments de virus de la grippe aviaire ne sont probablement pas contagieux. « La pasteurisation élimine des virus beaucoup plus résistants que le H5N1. »

Mercredi, l’ACIA a indiqué au Toronto Star qu’elle ne faisait pas pour le moment de tests sur le lait canadien parce qu’aucune vache n’a eu un test positif au H5N1. La Presse a demandé vendredi si cette politique avait changé, et l’ACIA ne pouvait pas répondre.

Pour être certain que le virus ne peut se transmettre par la consommation de lait pasteurisé, l’USDA est en train de faire des tests plus poussés sur ces fragments de virus détectés dans le lait commercial. Ces tests plus poussés consistent à mettre les fragments de virus présents dans le lait dans divers milieux de croissance, pour voir s’ils sont inertes ou s’ils peuvent croître.

Selon Daniel Lucey, infectiologue du Collège Dartmouth, au New Hampshire, qui s’intéresse au H5N1 depuis plus de 25 ans, les deux milieux de croissance utilisés par l’USDA pour confirmer que les fragments de virus ne sont pas infectieux sont des œufs contenant des embryons de poulets, et des bouillons de cellules de rein canin. « S’il est infectieux, le virus va croître dans ces deux environnements », dit le Dr Lucey.

L’Union des producteurs agricoles du Québec a préféré ne pas commenter la question des tests H5N1 visant le lait pasteurisé, dirigeant La Presse vers les Producteurs laitiers du Canada, qui à leur tour ont dirigé La Presse vers l’ACIA.

Pourquoi s’inquiéter des fromages au lait cru ?

Chez la vache, le virus est surtout présent dans les glandes mammaires, explique la Dre Geneviève Toupin. « Il se transmet peut-être entre vaches à l’occasion de la traite. » Alors il pourrait, sans pasteurisation, se transmettre à l’humain.

« Nous avons demandé à Santé Canada si l’acidification qui survient lors de la production de fromage au lait cru détruit le virus », dit la Dre Toupin.

Santé Canada ne pouvait pas dire vendredi quand elle aurait terminé son analyse, selon le relationniste André Gagnon.

Les producteurs de fromage au lait cru québécois sont-ils inquiets ? « Nous surveillons la situation de près », dit Adèle St-Jacques, du Conseil des industriels laitiers du Québec.

Est-ce que la présence de H5N1 dans les glandes mammaires est une nouveauté ?

« Ce n’est pas si surprenant, dit la Dre Toupin. Des collègues sont en train de faire une revue de littérature et ça a été mentionné pour d’autres souches de la grippe. »

Quel type de surveillance est faite au Canada ?

La grippe aviaire a été détectée chez les vaches américaines, d’abord au Texas fin mars, à cause d’une baisse anormale de la production laitière.

L’ACIA a demandé aux vétérinaires du pays de faire un test H5N1 chez les vaches produisant moins de lait, mais seulement après avoir éliminé les autres causes. L’ACIA ne pouvait vendredi préciser combien de tests H5N1 avaient été faits chez des vaches canadiennes.

Il n’y a pas non plus de restriction aux importations de viande bovine et de bovins vivants, même si jeudi, la Colombie a annoncé de telles restrictions pour les bovins américains.

« On considère que les exigences d’importation sont efficaces, dit la Dre Toupin. Une des exigences d’importation est que l’animal ne montre aucun signe clinique de maladie et que dans les 60 jours avant l’importation, il n’ait pas fait partie d’un troupeau où il y avait une maladie. »

Cette semaine, l’USDA a rendu obligatoires des tests H5N1 pour tous les bovins passant d’un État américain à un autre. « Nous pensons que ça s’applique aussi à l’exportation vers le Canada, dit la Dre Toupin. Nous sommes en train de le vérifier. »

L’USDA a aussi rendu obligatoire la déclaration des cas bovins de H5N1. « C’est déjà le cas au Canada pour toutes les espèces animales », dit la Dre Toupin.

Cette déclaration obligatoire devrait faire bondir le nombre de troupeaux infectés recensés aux États-Unis, selon le DWebby.

Le Canada pourrait être protégé par le fait que les vaches y passent moins de temps dehors en hiver et au début du printemps que dans le sud des États-Unis, où ont été détectés la plupart des cas, selon Jean-Pierre Vaillancourt, de la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal. « Et les élevages au Québec comptent moins de vaches, moins de 100 en moyenne, contre plusieurs milliers dans certains États américains », relève-t-il.

En savoir plus
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    Nombre de troupeaux, dans huit États, où le virus H5N1 a été détecté aux États-Unis
    Source : département de l’Agriculture des États-Unis
    300 804
    Nombre de bovins américains importés au Canada en 2023
    Source : statistique Canada