Un nouveau rapport de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) publié lundi n’a pas observé de répercussions significatives de la pandémie de COVID-19 sur la violence conjugale. Les intervenantes du milieu se désolent de lire un rapport « qui ne rend pas justice » à leur réalité.

« En le lisant, les deux bras me sont tombés par terre, affirme la directrice générale de la Maison Simonne-Monet-Chartrand (MSMC), Hélène Langevin, en entrevue avec La Presse. Ce rapport-là ne fait pas honneur au travail terrain qui a été fait et ça ne rend pas justice à notre réalité », dit-elle.

Les conclusions de l’INSPQ sont basées sur 35 articles publiés jusqu’en janvier 2021. « Les études n’ont pas permis de dégager de conclusions claires. Il semble qu’il y avait une hausse des signalements de violence conjugale, mais c’était contradictoire selon les études et les régions », indique un des auteurs de l’étude, Dave Poitras.

Depuis le début de la pandémie, les intervenantes sur le terrain ont plutôt observé une « détresse accrue » de la part des femmes. « Les femmes qui demandent de l’aide ont souvent vécu une violence plus sévère que ce qu’on voyait avant la pandémie. Il y a eu plus de violence physique », indique Louise Riendeau, coresponsable des dossiers politiques au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.

Les mesures sanitaires en place ont également complexifié le travail des intervenantes.

Le confinement et le couvre-feu ont fait que ç’a été extrêmement difficile de pouvoir avoir accès à ces femmes et d’avoir un lien avec elles pour qu’elles puissent exprimer leur demande d’aide.

Louise Riendeau, coresponsable des dossiers politiques au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale

« Au début de la pandémie, le téléphone ne sonnait plus. Les femmes étaient confinées avec leur conjoint violent, donc elles pouvaient difficilement demander de l’aide », renchérit Mme Riendeau.

Depuis le début de la pandémie, environ une personne sur dix est victime de violence conjugale, selon des sondages populationnels.

L’échantillonnage « pas adapté »

« Si on n’a pas réussi à saisir une augmentation de violence conjugale dans les études, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu une augmentation dans la population. L’augmentation que les centres remarquent, ce n’est pas toujours mesurable avec les données populationnelles », précise M. Poitras.

Le rapport se base sur « les connaissances provenant d’une recherche rapide de littérature ainsi que d’une analyse sommaire et non exhaustive des écrits scientifiques », indique l’INSPQ.

Mme Langevin estime que les données utilisées dans l’article ne sont pas représentatives du Canada. « J’ose espérer que les personnes qui vont lire l’étude vont faire la part des choses et vont reconnaître que l’échantillonnage n’est pas nécessairement adapté à la réalité canadienne et québécoise. »

Le rapport de l’INSPQ s’est basé sur des études provenant des États-Unis, de l’Australie, du Royaume-Uni, de l’Espagne, de l’Italie, du Japon, du Mexique, de la Norvège, de la Nouvelle-Zélande et des Pays-Bas. Seuls 2 des 35 articles ont été réalisés au Canada.

« Il n’y avait pas d’étude qui portait directement sur le Québec, donc on n’a pas pu savoir à quoi ressemblait le portrait au Québec », indique M. Poitras.

Devoir d’éducation

« Des efforts magistraux ont été faits sur le terrain pour soutenir les femmes, et c’est difficile de voir que ces efforts n’ont pas été soulignés dans un rapport comme celui-là », dit Mme Langevin.

Elle ne se décourage pas pour autant. « C’est déjà un bon départ de s’y intéresser, et j’espère que cette étude évoluera avec le temps et ira chercher davantage de données ciblées à notre réalité canadienne », dit-elle.

D’ici là, Mme Riendeau rappelle l’importance d’éduquer et de sensibiliser la population à cette problématique. « Si on veut un jour enrayer ce fléau-là, il faut enseigner dès l’enfance les relations égalitaires et le respect des partenaires. »