(Ottawa) Le B’nai Brith soutient que l’antisémitisme a explosé l’année dernière au pays, alors que la guerre que mène Israël dans la bande de Gaza aurait été utilisée pour « justifier » les attaques contre les Juifs au Canada.

Le plus récent rapport de l’organisme sur l’antisémitisme au Canada était publié alors que le monde soulignait lundi « Yom HaShoah », ou jour du Souvenir de l’Holocauste, et que la montée de l’antisémitisme était un élément clé des discours prononcés par le premier ministre Justin Trudeau et le chef conservateur, Pierre Poilievre, lors d’une cérémonie au Monument national de l’Holocauste à Ottawa.

« Depuis le 7 octobre, les communautés juives du Canada et du monde entier sont confrontées à une montée inquiétante de l’antisémitisme. Cette situation est inacceptable et ne doit pas durer », a indiqué M. Trudeau.

Sur la base des incidents signalés au B’nai Brith, notamment grâce à la collaboration avec la police, 5791 « actes de violence, de harcèlement et de vandalisme » visant des Juifs ont été documentés en 2023, soit plus du double des 2769 incidents documentés en 2022.

« En 2023, nous sommes entrés dans une période de crise », a soutenu Richard Robertson, directeur de la recherche pour B’nai Brith Canada.

Henry Topas, directeur régional pour le Québec, a expliqué en conférence de presse lundi que les incidents ne pouvaient être attribués à un groupe de la société en particulier. « Les incidents antisémites survenus au Canada peuvent être attribués à l’extrême gauche, à l’extrême droite et à ceux qui agissent à la demande d’acteurs étrangers, a-t-il expliqué. Le Canada peut faire mieux. »

Pour M. Robertson, « ce qui est clair, c’est que la situation est intenable et nécessite une intervention urgente ».

L’an dernier, 77 incidents violents ont été enregistrés au Canada, soit plus de trois fois le nombre de 2022. « Cela signifie qu’en moyenne, un Juif canadien a été menacé ou agressé tous les quatre jours en 2023, résume M. Robertson. Ces chiffres sont horribles et justifient une action immédiate de la part de tous les intervenants de la société, tant gouvernementaux que non gouvernementaux. »

La police de Winnipeg a enquêté concernant des coups de feu sur une résidence juive en octobre, considérant l’incident comme un geste haineux. À Montréal, la police a ouvert une enquête après que deux écoles juives ont été la cible de coups de feu pendant la nuit, en novembre 2023, et une autre enquête a été ouverte lorsqu’un cocktail Molotov a été lancé sur une synagogue.

À Toronto, la police a arrêté trois personnes après que des élèves d’une école secondaire juive ont été menacés en octobre.

Surtout du harcèlement en ligne

Il y a eu 462 actes de vandalisme en 2023, selon B’nai Brith. Mais la grande majorité des incidents antisémites enregistrés – 4847 – ont pris la forme de harcèlement en ligne. Les messages comprenaient des menaces selon lesquelles « vous et votre famille allez mourir », exprimaient leur joie face aux morts causées par le Hamas le 7 octobre et déclaraient leur intention d’éradiquer Israël ou les Juifs.

Plus de la moitié des incidents se sont produits dans les trois mois qui ont suivi les attentats du 7 octobre, lorsque des terroristes du Hamas ont tué 1200 personnes en Israël et pris plus de 200 otages.

Israël a répondu avec force, lançant une attaque aérienne incessante sur la bande de Gaza qui a déplacé plus d’un million d’habitants, tué environ 35 000 personnes et infligé une crise humanitaire avec des pénuries de nourriture, de médicaments et d’eau.

Moins d’une semaine après le 7 octobre, la Gendarmerie royale du Canada a appelé à « redoubler de vigilance » après une augmentation évidente des menaces antisémites en ligne.

Le nombre total d’incidents antisémites au Canada l’année dernière a été le plus important enregistré en une seule année depuis que B’nai Brith a commencé à produire un décompte annuel en 1982. Les chiffres correspondent aux rapports de plusieurs corps policiers municipaux, dont ceux de Toronto, d’Ottawa et de Vancouver, au sujet d’une augmentation exponentielle des incidents motivés par la haine visant les Juifs l’année dernière.

M. Robertson a déclaré qu’à cause de cette « radicale montée de l’antisémitisme », les Juifs canadiens se sentent déshumanisés, « ostracisés et abandonnés ».

« La nature systémique de l’antisémitisme a forcé les Juifs canadiens à remettre en question la vitalité continue des communautés juives du pays, a-t-il déclaré. C’est peut-être la première fois qu’il y a eu une véritable préoccupation quant au fait que le récit juif canadien […] risque d’être effacé. »

« La rhétorique haineuse des nazis »

M. Poilievre a déclaré lundi qu’étant donné le temps écoulé depuis l’Holocauste, certains souvenirs commençaient à s’estomper et certaines des mêmes « idéologies totalitaires » qui ont guidé les nazis en Allemagne sont revenues « avec la même rhétorique haineuse et, dans certains cas, les mêmes gestes précurseurs se déroulent aujourd’hui ».

M. Poilievre a souligné une rhétorique antisémite sur les campus universitaires et le ciblage des bâtiments juifs. Selon lui, les Juifs canadiens prennent maintenant « la décision déchirante » de ne pas porter l’étoile de David ou la kippa, ou de retirer la mézouza sur le montant de leur porte. « Au Canada, il est absolument inacceptable que vous soyez confrontés à ce dilemme », a-t-il déclaré.

M. Poilievre a rappelé que les Juifs canadiens devraient pouvoir vivre « sans peur et fièrement » et que « c’est la responsabilité de chaque Canadien, juif ou autre, de défendre ce droit ».

M. Trudeau a déclaré dans son discours que « les attaques terroristes brutales du Hamas contre Israël ont été les plus meurtrières contre le peuple juif depuis l’Holocauste », et visaient ceux qui utilisent le « sionisme » pour exprimer leur haine.

« Dans un pays comme le Canada, il devrait être possible et il doit être sécuritaire de se déclarer sioniste, juif ou non, a déclaré le premier ministre. Le sionisme n’est pas un gros mot ou quelque chose avec lequel quiconque devrait être d’accord. C’est la conviction la plus simple que le peuple juif, comme tous les peuples, a le droit de déterminer son propre avenir. »