Vous faites une consommation astronomique de mousse à raser ces jours-ci? La colle blanche disparaît à vue d'oeil, vous êtes toujours à court de liquide à verres de contact et surtout de petits plats pour les lunchs? Pas de doute, vous avez de jeunes chimistes en herbe sous votre toit, sous l'emprise de l'obsession du moment: la slime. Huit choses à savoir sur cette substance gluante, visqueuse et surtout drôlement addictive.

HOMMAGE AUX GHOSTBUSTERS

Après les hand spinners, les Rainbow Loom et Pokémon, voici la folie qui sévit dans les cours d'école ces jours-ci : la slime (au masculin chez les Français, le slime - au féminin chez nous, parfois aussi appelée glu ou putty, quoique ces derniers n'aient pas tout à fait la même texture visqueuse), une substance gluante, à mi-chemin entre la pâte à modeler et... la bave. Son nom fait référence, vous l'aurez peut-être deviné, au personnage Slimer du film Ghostbusters des années 80, ce fantôme visqueux franchement dégueu.

LA RECETTE

Certaines entreprises ont évidemment flairé un filon, commercialisant toutes sortes de cacas de licornes et autres putties magnétiques, voire parfumés. Sauf que le secret de la popularité de cette bibitte, c'est qu'elle se concocte franchement facilement, avec toutes sortes de produits qu'on a généralement chez soi. Voici la nôtre, testée et approuvée, pour une slime élastique et aérienne à souhait.

Pour une poignée de slime...

Il vous faut : de la colle blanche, de la mousse à raser, du colorant alimentaire (et/ou des brillants, paillettes, boules de styromousse, au choix), et de la solution saline pour lentilles cornéennes.

1. Versez la moitié (ou moins, selon la quantité désirée) d'un pot de colle blanche dans un bol.

2. Ajoutez autant de mousse à raser et mélangez, jusqu'à obtention de la texture voulue.

3. Choisissez votre couleur. Quelques gouttes de colorant alimentaire suffisent. Mélangez à nouveau.

4. Ajouter l'équivalent d'une cuillère à table de solution saline. 

5. Mélangez encore, puis malaxez franchement avec vos mains. Voilà, le tour est joué !

HARO SUR LE BORAX

La recette originale de slime contient une cuillère à table d'acide borique (ou Borax), un composé chimique présent dans plusieurs produits ménagers. Or ce dernier peut provoquer des allergies, des rougeurs cutanées, voire carrément des brûlures, maux de gorge ou saignements de nez. Le quotidien The Independent a rapporté qu'une gamine de Manchester avait carrément eu des cloques, et ABC News a aussi fait état d'une fillette du Massachusetts brûlée au troisième degré. Les experts rappellent ici que le Borax peut s'évaporer dans l'air, qu'il ne faut donc pas l'inhaler. Mieux vaut aussi toujours se laver les mains après manipulation, jeter la slime après quelques jours, sans jamais évidemment l'avaler. Bonne nouvelle, toutes sortes de substituts du Borax existent, notamment la solution pour lentilles, ou encore la lessive liquide.

FOLIE DU DIY SUR INSTAGRAM

Les tutoriels de slime pullulent sur les réseaux sociaux. Certains publient, parfois plusieurs fois par jour, leurs recettes, à base de produits toujours plus variés : shampoing, lessive, fécule de maïs, bicarbonate de soude, toutes les réserves ménagères y passent. Une jeune fille de 16 ans de Toronto, Alyssa Jagan, a à elle seule plus de 600 000 abonnés sur Instagram. Son succès a fait le tour du monde, et elle a même fait l'objet d'un reportage à la prestigieuse BBC de Londres. Il faut dire qu'elle a lancé une petite entreprise, vendant carrément ses créations sur le web. « La seule raison pour laquelle je vends de la slime, c'est pour pouvoir faire encore plus de slime ! », témoigne-t-elle candidement dans l'entrevue.

Photo Ivanoh Demers, La Presse

De l'acide borique (ou Borax).

Nº 1 SUR GOOGLE

Tapez « comment » dans votre moteur de recherche et c'est « faire de la slime » qui apparaît systématiquement en premier. La question est arrivée en tête de toutes les questions posées à Google en 2017. La firme NPD Group en études de marché a aussi publié un article sur la question l'an dernier, affirmant que la substance était responsable d'une augmentation de 4 % des ventes de colle et de 12 % des ventes de colle à paillettes aux États-Unis, entre les mois de janvier et juin 2016. Ici aussi, les commerçants l'ont bien noté : la colle blanche fait fureur et le Borax, jusqu'ici méconnu, est désormais régulièrement demandé en pharmacie.

LA GRANDE QUESTION : POURQUOI ?

Les enfants vous diront que c'est amusant, tout simplement. Et puis un brin relaxant. Pétrissez la pâte et vous verrez, il y a un je-ne-sais-quoi de satisfaisant qui s'en dégage. La concoction n'est pas non plus inintéressante, les enfants pouvant explorer les différentes réactions possibles, si l'on ajoute plus de mousse à raser ici, un peu de bicarbonate de soude là, ou pourquoi pas différentes textures. Le magazine Les Débrouillards et Canal Vie en ont notamment fait une capsule pédagogique, expliquant comment la colle, un polymère (une macromolécule formée de plusieurs molécules plus petites, naturellement séparées les unes des autres), réagissait au Borax, la réaction chimique liant les molécules entre elles.

ORGASME CÉRÉBRAL ?

De là à attirer des millions de personnes sur Instagram et YouTube, il y a un pas que certains ont cherché à creuser. Car en plus des jeunes qui carburent à faire de la slime (21 millions de vidéos sur YouTube, et près de 7 millions de publications sous #slime sur Instagram), plusieurs carburent à regarder d'autres gens faire de la slime. Comment expliquer cette fascination ? Le New York Magazine souligne l'aspect quasi méditatif dans lequel nous transporte la manipulation de cette glu visqueuse (et l'observation de ceux qui s'y adonnent), les petits bruits agréables qu'elle produit, le côté relaxant du malaxage, bref, toutes sortes de sensations plaisantes qui s'apparenteraient au phénomène du l'ASMR (Autonomous sensory meridian response), mécompris par les chercheurs, quoique bien réel pour ceux qui l'éprouvent. Ce « frisson qui part du cou, descend dans le dos, et finit avec un agréable buzz... », cite aussi le magazine.

BIENTÔT LA FIN

N'empêche que s'il faut croire les experts en la matière, cette popularité tire peut-être à sa fin. Comme les bracelets scoubidou et les jouets bakugan, ces modes éphémères des cours d'école ont généralement une durée de vie de deux ans, affirme au Parisien la commissaire de Kidexpo, le salon des enfants à Paris. La slime fait toutefois partie d'un autre courant, peut-être plus « profond » : le retour du « loisir créatif », note le quotidien français. Comme quoi les réseaux sociaux ont du bon. De quoi, peut-être, vous faire pardonner la disparition récurrente de votre mousse à raser...

Remerciements : un gros merci à nos slimeuses, Marguerite et Alice Brébart, Edelweiss Moutier et Naomi Geiser, pour leur précieuse collaboration !

Photo Ivanoh Demers, La Presse

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