Un café qui vient d'ouvrir en Californie ne sert pas que des expressos serrés ou des capuccinos mousseux mais des leçons de vie sur l'un des thèmes les plus brûlants du moment: les réfugiés.

Fondé par Rachel Taber et Doug Hewitt, 1951 Coffee Company n'emploie que des réfugiés - venus de sept pays dont la Syrie, le Bhoutan, l'Afghanistan et l'Ouganda - qui tentent de reconstruire leur vie après avoir échappé aux guerres et aux persécutions.

Le café, situé à Berkeley, a ouvert quelques jours avant le décret controversé du président Donald Trump interdisant l'entrée aux États-Unis de ressortissants de sept pays à majorité musulmane. Dans cette ville universitaire, bastion progressiste aux États-Unis, son ouverture a été chaleureusement accueillie.

«Nous n'avions pas du tout planifié le moment de l'ouverture» mais depuis, «nous sommes débordés», se réjouit Rachel Taber, 34 ans, un matin, face à un flot incessant de clients.

«Normalement les cafés perdent de l'argent au début mais ça a été formidable pour nous de voir la réponse de la clientèle», ajoute-t-elle.

Elle et son partenaire ont tous deux travaillé pour l'association d'aide aux réfugiés International Rescue Committee (IRC), et elle souligne que leur petite entreprise - à but non lucratif - est une manière de mieux faire prendre conscience de la question des réfugiés.

Tout est pensé à cet effet, du nom du café évoquant la convention de l'ONU signée en 1951 et définissant le statut des réfugiés, au mur qui raconte sous forme de longue mosaïque le périple type d'un réfugié, jusqu'aux «baristas» derrière le comptoir.

«Humanisez-les»

«Je trouve le concept super», dit Susan Yeazel, 57 ans. C'est sa deuxième visite et elle estime que face à «tant de politique négative», venir soutenir les réfugiés en buvant du café «c'est un petit quelque chose de productif et positif que je peux faire».

Muriam Choudhery, 21 ans, étudiante en biologie, vient presque chaque jour avec des amis.

«En tant que Musulmans, nous devons nous aider les uns les autres, particulièrement de nos jours», dit la jeune femme voilée. «Beaucoup de gens ne savent pas grand-chose des réfugiés et ne les voient pas comme des personnes mais comme des terroristes. Avec un environnement comme cela, on les humanise», ajoute-t-elle.

Chacun des dix employés de 1951 suit deux semaines de formation pour se familiariser à l'art des expressos, lattes et autres macchiatos, ainsi qu'au service et relations avec la clientèle.

L'idée est de leur offrir la possibilité d'une carrière dans l'industrie du café alors que beaucoup rencontrent des difficultés pour gagner leur vie dans leur patrie d'adoption.

«Chaque torréfacteur et distributeur a un bureau dans la Baie de San Francisco et c'est un secteur qui ne requiert pas de formation coûteuse», fait valoir Mme Taber, sans parler du grand nombre de cafés branchés qui essaiment partout dans la région et ailleurs dans le pays.

Pour les employés, ce café offre un nouveau départ dans la vie.

«C'est un refuge pour moi» remarque Nicolas Webaza, 23 ans, qui a fui l'Ouganda et est arrivé à Berkeley il y a trois mois. «Je me sens à l'aise ici. C'est plus qu'un endroit paisible, c'est comme ma famille».

Rana, qui a fui la guerre en Syrie avec ses parents et trois frères et soeurs pour venir aux États-Unis il y a deux ans, n'arrive pas à croire au traitement des réfugiés par l'administration Trump.

«Quand le décret migratoire a été signé, j'ai eu très peur», raconte l'adolescente de 18 ans qui rêve de devenir médecin et a demandé à ce que son nom soit changé. «Si l'Amérique ne veut pas de nous, où pouvons-nous aller?».

La jeune femme, dont le père possédait une usine de textile qui employait 50 personnes avant la guerre dans son pays natal, souligne que le soutien enthousiaste des clients du 1951 est réconfortant.

«La communauté (de Berkeley) est très tolérante», et «comprend que nous sommes des gens comme eux», sourit-elle.