Selon l'Association canadienne de santé publique, l'âge légal pour boire devrait être rehaussé à 19 ans partout au pays. Des experts vont même jusqu'à dire qu'il devrait plutôt passer à - êtes vous bien assis? - 21 ans. Leurs arguments? Un consensus scientifique démontrant un impact positif majeur sur l'abus d'alcool et les accidents mortels - même en sachant qu'une telle loi serait régulièrement enfreinte. Explications en 7 mythes.

1er mythe: les lois interdisant aux moins 21 ans de boire de l'alcool, comme celles en vigueur aux États-Unis, sont des échecs risibles.

Les données sont claires: les jeunes Américains sont moins nombreux que les jeunes Canadiens ou les jeunes Européens à consommer de l'alcool à l'adolescence, un comportement lié à des problèmes de développement et à un risque accru de consommation abusive à l'âge adulte.

«La littérature scientifique sur le sujet est volumineuse, et conclut que l'âge légal pour boire aux États-Unis a protégé et continue de protéger les jeunes», explique en entrevue David Jernigan, expert en politiques sur l'alcool à l'Université Johns-Hopkins.

Le Dr Russ Callaghan, professeur spécialiste des politiques sur l'alcool à l'Université du nord de la Colombie-Britannique (UNBC), est du même avis. «Les lois sur l'âge légal pour boire comptent parmi les moyens les plus efficaces pour réduire les problèmes causés par l'alcool dans la société, comme l'abus d'alcool et la mortalité due aux blessures ou aux accidents automobiles, dit-il en entrevue. Même si la consommation demeure considérable chez la population plus jeune, elle est moins élevée que si vous abaissiez l'âge légal à 18 ans.»

2e mythe: les jeunes Européens ont développé un rapport plus sain à l'égard de l'alcool.

«Tout le monde aime imaginer un pays où l'alcool fait partie des moeurs, où les abus sont rares et isolés, explique David Jernigan. Malheureusement, ce pays n'existe pas. En Europe, contrairement à l'idée répandue, l'approche permissive ne crée pas moins de problèmes d'abus d'alcool chez les jeunes, elle en crée davantage.»

3e mythe: les préadolescents canadiens se soûlent moins que les préadolescents américains.

Les adolescents canadiens sont plus susceptibles que les adolescents américains de commencer à se soûler à 13 ans ou plus tôt:

États-Unis

• 7 % des filles de 15 ans rapportent s'être déjà soûlées à 13 ans ou plus tôt

• 10 % des garçons de 15 ans rapportent s'être déjà soûlés à 13 ans ou plus tôt

Canada



• 16 % des filles de 15 ans rapportent s'être déjà soûlées à 13 ans ou plus tôt

• 16 % des garçons de 15 ans rapportent s'être déjà soûlés à 13 ans ou plus tôt

Source: Monitoring the Future (MTF), 2007

4e mythe: les jeunes ne respecteront pas la loi de toute façon.

On entend souvent dire qu'instaurer un âge minimum à 19, 20 ou 21 ans est irréaliste, car les jeunes vont trouver le moyen de boire - et souvent de boire beaucoup - peu importe ce que dit la loi. «Les recherches dans les pays où des lois restrictives sont en vigueur ont montré que ce n'est pas le cas, explique M. Jernigan. La consommation d'alcool chez les jeunes existe toujours, bien sûr, mais elle est plus basse qu'ailleurs.»

Le Dr Callaghan remarque quant à lui que les impacts négatifs causés par l'alcool chez les jeunes Canadiens sont plus importants en Alberta, au Manitoba et au Québec, les trois provinces où l'âge légal pour acheter de l'alcool est de 18 ans (contre 19 ans ailleurs au Canada). «Dans un monde idéal, je ferais passer l'âge légal à 21 ans, mais politiquement ça ne serait pas possible, dit-il. J'aimerais au minimum que l'âge passe à 19 ans partout au Canada.»

5e mythe: les États-Unis sont les seuls à imposer un âge minimum élevé.

La Suède interdit la vente de produits contenant plus de 3,5 % d'alcool aux moins de 20 ans, la Norvège a fixé l'âge minimum à 20 ans pour les spiritueux, tandis que l'Islande interdit tout alcool avant 21 ans. Les trois pays ont, comme les États-Unis, une prévalence plus faible de consommation d'alcool chez les jeunes de 15 et 16 ans.

6e mythe: abaisser l'âge légal pour boire de 20 à 18 ans n'a aucune incidence sur les comportements dangereux.

Au début des années 2000, la Nouvelle-Zélande a abaissé l'âge minimum pour consommer de l'alcool de 20 à 18 ans. Quatre ans plus tard, en comparaison avec le groupe témoin des 20-24 ans, les accidents de la route impliquant l'alcool avaient augmenté:

• + de 14 % chez les adolescents âgés de 15 à 17 ans

• + de 24 % chez les adolescentes âgées de 15 à 17 ans

• + de 12 % chez les jeunes hommes âgés de 18 et 19 ans

• + de 51 % chez les jeunes femmes âgées de 18 et 19 ans

Source: American Journal of Public Health, Université Johns-Hopkins

7e mythe: les campagnes de sensibilisation sont très efficaces pour prévenir les abus.

Selon les experts, c'est d'abord et avant tout le prix et l'accès à l'alcool qui déterminent sa consommation chez les adolescents. À elles seules, les campagnes d'éducation ne suffisent pas à renverser la vapeur. «Le problème avec les campagnes de sensibilisation, c'est que notre environnement regorge de messages qui sont beaucoup plus sophistiqués et puissants, note M. Jernigan. Les plus grands talents publicitaires du monde travaillent à faire la promotion de l'alcool. C'est très difficile pour une campagne de sensibilisation de faire le poids.»

Ce qu'en pense Éduc'alcool

Le directeur général d'Éduc'alcool, Hubert Sacy, est contre l'idée de hausser l'âge minimum pour acheter de l'alcool. «Plus on commence à boire à un âge avancé, mieux cela vaut, dit-il. Or, on sait que la loi n'est pas garante des comportements des gens. Au Québec, à l'âge de 16 ans, il y a 92 % des jeunes qui ont consommé de l'alcool. Notre rôle est de faire de l'éducation, car on sait que les jeunes boivent déjà.»