Tomate, ail, thym.... De délicieux effluves accueillent le visiteur: bienvenue au «Bon repas», une cantine pour les plus démunis, promue par des restaurants et épiceries fines à Rome, pour lutter à la fois contre la crise et le gaspillage alimentaire.

«Bien sûr que c'est bon! C'est une cantine «VIP»: on mange entrée, plat et dessert. C'est comme une trattoria», raconte Alessandro, un sans-abri moldave en achevant son sorbet.

Depuis la naissance de «Bon repas», la petite cantine de San Benedetto, une église du sud de la capitale, propose des menus exquis: tous les matins, son petit fourgon blanc livre des colis provenant de Volpetti, l'une des épiceries les plus célèbres de Rome.

Tous les produits qui n'ont pas été vendus la veille -- pizza, pain, pâtes, viande, poisson -- sont là. Et, «selon ce que l'on reçoit, les cuisinières décident le menu du jour», raconte Patrizia, la secrétaire de Don Fabio Bartoli, prêtre de l'église.

Dans la grande cuisine, s'affairent trois femmes, bénévoles, qui coupent, réchauffent et remplissent les plats pour 35 personnes démunies.

Née à Gênes en 2007 et arrivée à Rome depuis quelques mois, l'association «Bon repas» veut répondre à un paradoxe de plus en plus criant: le nombre de personnes qui ne parviennent pas à se nourrir augmente, alors que le gaspillage alimentaire ne cesse de croître.

En 2013, les Italiens ont dû réduire leurs dépenses alimentaires de 3%. Et chaque année, 6 millions de tonnes de denrées alimentaires sont jetées à la poubelle.

L'association commence par contacter un restaurant et lui signaler une paroisse ou une cantine de rue des alentours. Le commerçant se met ensuite d'accord avec la communauté pour lui livrer les «denrées alimentaires saines invendues», une ou plusieurs fois par semaine.

Pour l'heure à Rome, une trentaine de restaurants, bars, épiceries, crèmeries, et cercles sportifs ont adhéré au projet. Parmi eux, des lieux connus de tous les Romains: la pâtisserie Pompi, reine du tiramisu, le restaurant du Tiro al Volo, un club sportif né à la fin du XIX siècle, ainsi que Gargani et Volpetti, deux épiceries fines de Rome.

«Cette initiative est très importante: elle canalise la générosité des commerçants et les besoins des plus pauvres», explique Don Fabio, dans le jardin dépouillé de l'église.

Chacun donne selon ses possibilités et ses souhaits: Strabbioni, un restaurant à la mode du centre-ville prépare trois fois par semaine six repas pour les sans-abris de la gare Termini. Le restaurant du Tiro al Volo, donne tous les lundis matins, à la cantine de l'église de San Bellarmino, les restes des buffets du dimanche soir.

«Mais parfois ce n'est pas assez, alors j'ai demandé de préparer exprès deux plateaux de biscuits», raconte le président du club, Michele Anastasio Pugliese.

Volpetti a décidé de le faire tous les jours: le soir, avant de baisser les rideaux, les employés mettent dans des paquets tout ce qui n'a pas été vendu.

«Ça ne nous coûte rien, seulement un peu de temps. Mais aujourd'hui c'est nécessaire: les pauvres sont de plus en plus nombreux», explique Donato Sarzarulo, employé de l'épicerie.

De fait,  comme le constate le président du Bon repas, Gregorio Fogliano, «aujourd'hui, dans les cantines de rue, la moitié sont des clochards, les autres des ''nouveaux pauvres''». Son objectif est de distribuer 110 000 repas par an à Rome.

Dans la petite cantine de Saint Benoît, Donato, 58 ans, est l'un de ces «nouveaux pauvres italiens».

«J'étais bijoutier, mais, couvert de dettes, maintenant j'ai tout perdu. Depuis deux ans, je dors dans ma voiture. Le jour je mange ici et le soir je vais dans les supermarchés et, sans me faire voir, je vole du pain».