On dit souvent qu'un couple sur deux se sépare. Et on  les voit partout: couples divorcés, familles éclatées, gardes partagées. Mais ceux qui restent, ces irréductibles qui durent, eux, qui sont-ils? Surtout: comment font-ils?

Célèbrent leurs 20 ans ensemble cet été.

Rencontrés au travail.

Kathryn Peterson (45 ans) et Stéphane Roy (49 ans).

Cela fait bientôt 20 ans. Deux décennies et deux enfants plus tard, Kathryn et Stéphane se parlent, s'écoutent, se touchent et se regardent comme de tout jeunes tourtereaux. La complicité en prime. Rencontre avec un vieux jeune couple.

Vous allez fêter vos 20 ans ensemble cet été. Pensiez-vous que votre couple allait durer si longtemps?

Ils échangent un regard et, complices, répondent en choeur: «Non, vraiment pas!» Quoi? «Nous, on est un couple un peu atypique», explique Kathryn. Oubliez la lune de miel. Ici, les deux premières années ont été «extrêmement houleuses». «Le plus grand défi d'un couple, c'est d'associer deux histoires, explique Stéphane. On part avec un bagage. On ne part pas de rien.» D'un côté, Kathryn, «enfant du divorc », avait la «gâchette facile», résume-t-il. Et lui? «Moi, c'est tout le contraire. Il y avait une grande dichotomie entre les deux et une profonde insécurité des deux bords.» Comment s'en sont-ils sortis? «Ce qui nous aide, c'est qu'on est des êtres de communication, avance-t-il. Les deux, on vient du domaine social. On a des outils. La base, c'est de savoir communiquer, c'est d'avoir cette capacité d'introspection individuelle.»

On dit souvent que les enfants mettent en péril la vie de couple. Or, vous avez eu votre premier très vite. Comment avez-vous protégé la relation?

«Après un an ensemble, je suis tombée enceinte, répond Kathryn. Ce n'est pas un détail. On a été seulement deux ans sans enfant.» Stéphane renchérit: «Dès le début, on s'est dit qu'il était important de se donner du temps.» Du temps «non négociable», précisent-ils. «Très tôt, on a éduqué les enfants: avant d'être des parents, on est un couple», explique la femme de 45 ans.

Depuis toujours, ils ont aussi une gardienne toutes les deux semaines, un moment après le souper, chaque soir, en toute intimité, pour se raconter leur journée («on ferme la porte!»), et des semaines de travail de quatre jours («un choix de vie pour avoir du temps»). «Ç'a probablement sauvé notre couple», croit Stéphane.

On dit aussi que la routine tue le couple. Comment y survivez-vous?

«Moi, je ne suis pas allergique à la routine dans le couple, mais dans le travail, oui. Alors je me suis trouvé un travail pas routinier!», répond Kathryn, qui fait de la formation en entreprise. Stéphane, de son côté, est plutôt un «gars de routine», malgré un emploi plein d'imprévus lui aussi (il est intervenant en toxicomanie). «Alors quand je me retrouve dans ma vie familiale, j'apprécie que ce soit simple!»

Le magazine Psychologie a déterminé six clés du bonheur dans le couple: la tolérance, les valeurs communes, le lien d'amitié, la bonne communication, l'entente sexuelle et les projets communs. D'après vous, laquelle est la plus importante?

«Moi, je choisirais les valeurs, répond Kathryn. Je ne pense pas que je pourrais être avec quelqu'un de très différent sur le plan de l'éducation des enfants, des choix de vie.» Stéphane abonde dans le même sens: «Il y a une grande cohérence dans les valeurs qu'on transmet. C'est la base. Mais pour supporter ces valeurs-là, ça prend aussi une bonne communication! Les projets aussi, on en a continuellement!» Finalement, toutes les clés sont essentielles, concluent-ils.

Pensez-vous qu'on attend généralement trop du couple?

«Absolument», s'entendent-ils. Parce qu'un conjoint ne peut pas être à la fois «amant, bon père de famille et ami, il faut avoir la capacité d'aller chercher de l'aide à l'extérieur». Kathryn est du coup allée consulter à plusieurs reprises durant le courant de leur relation, et ce, pour toutes sortes de raisons: la famille, le travail, etc. «Mais chaque fois, ça débordait sur la vie de couple, confie-t-elle. Et chaque fois, ça nous a amenés à avoir des discussions, des réflexions, à faire des trouvailles, pour mieux prendre soin l'un de l'autre.» Mieux se connaître, pour mieux aimer l'autre, finalement. Parce qu'au bout du compte, «on est deux êtres avec des besoins différents, poursuit Stéphane. Kathryn est beaucoup dans l'interaction, moi, j'ai besoin de ma caverne». La clé? «Rester dans le respect ! Même si on est foncièrement différents, on ne s'est jamais éloignés, parce qu'on s'est toujours respectés dans nos fragilités», explique l'homme de 49 ans.

Diriez-vous qu'il faut travailler son couple?

«Dans le sens de faire des efforts? Oui», répond Kathryn. «Il n'est pas suffisant d'être juste un bon gars. Il faut continuellement travailler sur soi. Travailler son couple», ajoute Stéphane. On discute ensuite d'intimité, de l'art d'être à la fois amis et amants («pas un défi», disent-ils), et tout à coup, c'est comme s'ils avaient oublié notre présence. Ils se regardent. Stéphane rougit et dit: «Le couple, c'est quand le temps s'arrête.» Les yeux de Kathryn se remplissent d'eau. On se sent vraiment de trop...

Les cinq clés de leur bonheur

Le couple au premier plan

Avec les lundis ensemble, tout particulièrement, «on nourrit notre couple, on n'est pas juste dans la routine du quotidien». Que ce soit pour régler des «guéguerres» («on en a tous!») ou juste se dire «maudit qu'on est ben!», «on a besoin de cet espace!».

Un bon réseau social

On n'y échappe pas. Avec des enfants, ça prend de l'aide. «Des parents, des grands-parents,  un réseau qui va te donner de l'énergie!»

Une vie intéressante

«Pour avoir quelque chose à dire autre que: j'ai acheté des céréales», résume Kathryn. «Un travail valorisant, immanquablement, ç'a un impact sur le bonheur, et dans le couple, ça va mieux», ajoute Stéphane.

La reconnaissance

Pendant tout l'entretien, Stéphane le dit et le répète: «Je suis un privilégié de la vie.» «J'ai un métier que j'aime, une femme qui m'aime, des enfants en santé, qu'est-ce que je pourrais vouloir de plus?» Au quotidien, ils se disent aussi régulièrement «merci» pour tout et pour rien. «Il n'y a pas non plus une journée où on ne se dit pas "je t'aime"».

Faire plaisir

Que ce soit un lift par-ci, un déjeuner dans la belle-famille par-là, tous les deux font particulièrement attention l'un à l'autre. Et ça paraît. «Tu veux commencer, non toi, vas-y, réponds, t'aimes tellement la raconter, celle-là...»