Avec le retour du beau temps peut aussi venir l'envie de s'envoyer en l'air au grand air. Il vaut mieux prendre ses précautions, parce que se faire prendre en flagrant délit, c'est un délit.

Le temps est bon, le ciel est encore bleu et cette balade romantique au parc fait soudain monter des envies pas très «disneyesques». Hop! Sans lâcher la main calée dans la vôtre, vous sortez des sentiers battus et, en moins de temps qu'il n'en faut pour dire «mais, mais... qu'est-ce que tu fais?», vous vous retrouvez les fesses à l'air. Et si vous vous faisiez prendre?

L'option numéro un est sans doute de tenter le sourire épais ou - si vous êtes vraiment audacieux - le clin d'oeil complice. Et de prendre la poudre d'escampette en se rhabillant. Sauf que si la personne qui vous surprend porte un uniforme de police, les seules options possibles seront probablement le sourire épais et le rire nerveux...

S'envoyer en l'air en public «répond à la définition de l'action indécente», telle que définie par l'article 173 du Code criminel, précise l'avocate Véronique Robert.

«Quand il y a des gens autour qui pourraient voir le couple, il est pas mal garanti que les policiers vont porter des accusations.»

Les amants ne seront pas «emmenés tout nus» au poste de police, croit Me Robert, mais ils devront sûrement signer une promesse de comparaître ou recevront une sommation à comparaître.

L'action indécente peut être résumée comme un comportement déplacé du point de vue social, commis en public en présence d'une ou plusieurs personnes ou même ailleurs si ce comportement vise à «insulter ou offenser quelqu'un». «Ce n'est pas parce que c'est un geste de nature sexuelle qu'il va nécessairement choquer», nuance toutefois Me Christian Desrosiers. Et toutes les actions indécentes ne sont pas d'ordre sexuel.

Entre le 1er janvier 2015 et le 26 mai dernier, 116 accusations ont été déposées à la cour municipale de Montréal pour action indécente (article 173.1 du Code criminel). Elles visent «en grande majorité» des gestes faits par une personne seule. «Masturbation dans un véhicule, un parc, toilettes publiques, etc.», écrit Gonzalo Nunez, relationniste pour la Ville de Montréal. Il ne s'agit pas non plus de cas d'exhibitionnisme (article 173.2), puisque ces accusations sont comptabilisées à part: 10 pour les 16 mois en question.

Mis à l'amende

Combien de ces accusés ont été reconnus coupables? L'information n'est pas disponible. Quels sont les risques pour les amants audacieux? Tout dépend du contexte et de la personne qui commet le délit. «De façon générale, les tribunaux imposent des amendes aux délinquants n'ayant pas d'antécédents et n'ayant pas fait de victimes», répond Gonzalo Nunez.

Ces dossiers peuvent être très complexes. «Il faut prendre en considération tous les faits, la norme de tolérance de la société et les circonstances», précise Me Desrosiers. Où ces gens étaient-ils? Derrière un monument public en plein après-midi? Dans le métro? La notion de «gros bon sens» s'applique, selon l'avocat. Et s'il y a des enfants à proximité? «Le contexte est plus indécent, disons-le comme ça», dit-il.

Me Robert souligne qu'il y a quelque chose d'«hyper subjectif» dans les crimes contre la moralité. Ainsi, selon les circonstances, un policier, un procureur de la Couronne ou un juge pourrait juger qu'il n'y a pas matière à poursuite ou à procès. «Plus ces personnes prennent des mesures pour ne pas être vues, plus grandes sont les probabilités qu'elles ne soient pas poursuivies», rapporte encore Gonzalo Nunez.

Me Robert croit en effet que si un policier tombait sur des gens en pleine action dans le fond d'un stationnement où il n'est pas vraiment possible de les voir, il leur dirait simplement de rentrer chez eux. Christian Desrosiers insiste: le contexte constitue un élément clé dans ce type de dossiers. «Et la prudence voudrait qu'on puisse s'assurer d'un minimum d'intimité pour être à l'abri des problèmes», ajoute l'avocat.

Et si le témoin est un enfant?

Se faire prendre les culottes baissées en public est une chose. Se faire surprendre par un enfant dans ces circonstances, c'est peut-être plus fâcheux. «Là, la différence est immense, souligne Me Robert. Si c'est un enfant qui voit ça, l'accusation qui pourrait être portée, dépendamment du contexte, c'est celle d'incitation à avoir des contacts sexuels.» Me Desrosiers n'est pas d'accord. «Il ne faut pas exagérer», dit-il. À moins que ce geste ait été volontaire. Les deux avocats s'entendent néanmoins sur une chose: s'exhiber près d'une école est une très mauvaise idée. Les peines, selon les accusations, pourraient être autrement lourdes.