Que celui qui n'a jamais eu le moindre écart de conduite jette la première pierre. Tous les jours, une femme trompe un homme; un homme, une femme, et parfois, pour mille et une raisons, s'installe une relation. Une relation secrète, en cachette. Une double vie.

Officiellement, ils sont ensemble depuis 14 ans. Officieusement? 38. Faites le calcul: ils ont donc vécu plus de 20 ans dans le secret, l'illégitimité, mais surtout, l'amour. Récit d'une double vie où la passion a eu le dessus sur la raison.

Non, leurs 24 années n'ont pas été de tout repos. Oubliez le long fleuve tranquille. Il y a eu des ruptures, des déchirements, des retrouvailles aussi. Mais toujours, une certitude: ils s'aimaient. À la folie. Incapables de se passer l'un de l'autre, même si la raison et la sagesse leur dictaient clairement de se séparer. De s'oublier.

On comprend que les deux baby-boomers, bronzés, heureux, visiblement amoureux, aient préféré taire leur identité. Pas parce qu'ils ont honte, tout le contraire. Ni parce qu'ils veulent cacher quoi que ce soit. Mariés depuis cinq ans, ils vivent désormais leur amour au grand jour. Mais pour les enfants. Leurs enfants. Parce qu'ils en ont eu. Et si tout le monde s'entend aujourd'hui, entre les fils de l'ex et la fille de la maîtresse, l'équilibre est encore fragile. D'où l'importance de le protéger.

Rencontrés dans leur coquette maisonnette de la Rive-Sud, les deux tourtereaux ont accepté de nous faire le récit - anonyme, donc - de leur double vie. Et c'est avec un plaisir évident qu'ils se remémorent leur première rencontre, leurs premiers émois.

«Je ne m'attendais pas pantoute à ça!»

Il faut dire qu'ils venaient de deux mondes. Deux univers. Deux milieux complètement opposés. Lui: un riche homme d'affaires, éduqué, marié, père de deux jeunes enfants. Elle: serveuse, célibataire, avec une 7e année. «Mais j'ai une belle personnalité!» souligne-t-elle en riant. Ils auraient pu (dû ?) ne jamais se croiser. Mais lors d'un après-midi de golf (où monsieur jouait, madame travaillait) tout naïvement, ils se sont mis à jaser. Et ça a cliqué. 

«Ça a fini dans un bar, à 5 heures du matin...»

Non, madame ne savait pas que monsieur était marié. Comment aurait-elle pu deviner? Au deuxième rendez-vous, il a fini par tout lui avouer. «J'étais très déçue», se rappelle-t-elle. Elle se souvient d'avoir «tout garroché» à table («est-ce que la bouteille était tombée par terre?»), mais le mal était fait. «Je savais que j'étais déjà embarquée...» Amoureuse, par-dessus le marché.

Quelques semaines plus tard, coup de théâtre. Alors qu'elle croyait ne jamais être capable d'avoir d'enfant, verdict de médecin, madame tombe enceinte.

«J'étais la plus heureuse du monde! Je voulais tellement avoir un enfant!»

Non, monsieur n'a jamais, le moindre instant, songé ici quitter sa femme pour sa maîtresse. Jamais. Même s'il l'appelait tous les jours, même s'ils se voyaient plusieurs fois par semaine (en prenant soin d'éviter sa Rive-Sud, privilégiant Montréal et Laval), en prétextant des rendez-vous tardifs, boulot oblige, le divorce ne lui est «jamais passé par la tête».

«J'avais une femme, deux enfants, une vie bien remplie. [...] Je ne me posais pas trop de questions, mais je savais que je ne pouvais pas me passer d'elle.»

Et il ne se le cache pas: monsieur avait ici le meilleur des deux mondes. «Absolument», reconnaît-il. «Et moi, je me serais sentie coupable s'il avait quitté sa femme. Ça faisait mon affaire, aussi, d'être libre...»

Alors oui, pendant longtemps, «je les ai aimées les deux», reprend monsieur. Même si, de toute évidence, la connexion sexuelle était très forte avec sa maîtresse, «beaucoup, oui, beaucoup», conviennent-ils en pouffant comme des enfants.

Du coup, monsieur a vécu «la double vie», se comportant en bon père de famille (le genre de papa qui coache l'équipe de hockey de son gars), tout en assistant, en parallèle, à l'accouchement de sa maîtresse, au baptême de sa fille, même à sa première communion.

Mais la relation a été tumultueuse. Contexte oblige. Plusieurs fois, ils se sont quittés. Pour mieux se retrouver.

«Si ça n'avait pas été de la petite, probablement qu'on n'aurait pas fini ensemble. Mais la petite a toujours été là. Et ça nous a rapprochés...», souligne monsieur.

Évidemment (ça devait arriver), sa femme a, un jour, tout compris: l'existence d'une «deuxième» femme, d'un autre enfant, d'une deuxième vie, quoi. Et même si ça a «bardé», monsieur est resté. À un détail cocasse près: s'il est resté chez sa femme, il y a accueilli, en prime, sa fille. Oui, la fille de l'autre. Sa mère, la maîtresse, est partie vivre sa vie dans son Nouveau-Brunswick natal. Deux ans, il a vécu ainsi avec ses fils et sa fille, toute la gang sous le même toit. Non, ça n'était pas nécessairement toujours l'harmonie, mais ça a permis de tisser des liens. La preuve: aujourd'hui, sa fille et ses fils ont une belle «complicité». «Avec ses frères, c'est merveilleux», dit même madame.

Et puis, un beau jour, monsieur a fini par se rendre compte qu'il n'était plus heureux. «Je n'étais pas bien. Pantoute. Ça a été une période vraiment pas l'fun...» Sa femme a fini par le mettre dehors - ou est-ce lui qui a proposé de partir? Peu importe. Toujours est-il qu'il est allé directement chez sa maîtresse («la meilleure décision de ma vie!») et qu'ils ne se sont plus jamais quittés depuis.

«Mais moi, je n'étais pas prête! J'ai capoté ben raide.» Les deux pouffent, se souvenant de leurs premiers moments ensemble en toute légitimité. 

Et puis, il y a cinq ans, les deux amoureux se sont mariés. Avec deux témoins de choix: un fils d'un côté, une fille de l'autre. «J'ai toujours su que c'était lui. Je me suis toujours dit: à 50 ans, je vais être avec un homme et il va me faire rire. Et c'est à 50 ans qu'on a finalement été ensemble.»