Les sondages sur le sexe retiennent toujours notre attention. Où, quand et comment faites-vous l'amour? C'est ce qui nous intéresse. Mais la question qui inquiète les couples qui ont quelques années au compteur et de jeunes enfants, c'est celle de la fréquence des relations sexuelles.

Plusieurs fois par semaine? C'est ce qu'avaient affirmé 44 % des répondantes (tous âges confondus) à un sondage du magazine Coup de pouce en 2011. Et pour 15 % des Canadiens, Never Enough, d'Eminem, pourrait être la chanson qui qualifie le mieux leur vie sexuelle, selon un sondage Léger Marketing pour Sun Media en 2012. Pouvons-nous douter de ces résultats?

La sexologue Jocelyne Robert affirme que pour les couples avec de jeunes enfants, avoir des relations sexuelles deux fois par semaine paraît irréaliste. «Il y a une baisse du désir pour les femmes qui sont souvent fatiguées par la gestion et l'organisation domestique. Cette panne d'intérêt et de disponibilité n'est que temporaire. Ça revient, mais la libido et l'érotisme, ça prend du temps», dit-elle.

À l'arrivée des enfants, les priorités changent et l'organisation de la famille devient vite le centre de l'attention.

Brigitte, 44 ans, en couple depuis 21 ans, est la mère d'une fille de 12 ans. Au-delà des hauts et des bas que comporte toute relation, elle se souvient qu'à la naissance de sa fille, elle était comblée. «C'était carrément une jouissance de découvrir mon bébé. Mon mari, je n'y pensais plus! Je vivais une relation fusionnelle avec ma fille, j'avais d'autres préoccupations.» Le sexe n'occupait absolument pas ses pensées. «Ça a pris quelques mois pour que l'envie revienne, mais le rythme d'avant la naissance, lui, n'est jamais revenu. Il s'écoule parfois un mois avant qu'il ne se passe quelque chose», confie Brigitte.

Selon elle, l'usure du couple est aussi responsable de la diminution de la fréquence des relations sexuelles. «Avec les années, le couple a pris une dimension différente. Une amitié s'installe. Je ne dis pas ça avec regret, car notre relation s'est enrichie, mais il est vrai qu'il faut réanimer le désir. Il faut prendre du temps pour soi et pour son amoureux.»

Toutes différentes, au lit comme ailleurs

Nathalie, 33 ans, explique pour sa part que son appétit sexuel n'a pas été touché par la maternité. En couple depuis 12 ans, avec deux enfants de 3 ans et demi et 11 mois, elle note que si la fréquence de leurs relations sexuelles n'a pas diminué, ce sont plutôt les possibilités qui sont devenues rares. «Il faut trouver des moments, très tôt le matin avant que les enfants se lèvent, pendant leur sieste ou encore le soir. Je dirais que nous faisons l'amour deux ou trois fois par semaine.»

Nathalie est toutefois consciente qu'elle n'est absolument pas représentative de la majorité des couples. «Ce que j'entends autour de moi, c'est nettement moins. Et les gars se plaignent en disant que ce n'est plus pareil.»

Le manque de sommeil des jeunes parents est un des facteurs qui causent le ralentissement sexuel. «C'est un choc de ne plus dormir quand le premier enfant naît. Vous allez rire, mais j'étais insomniaque avant, j'ai toujours fonctionné avec peu de sommeil, alors ça ne me dérange pas!», explique Nathalie.

Jocelyne Robert s'indigne devant notre propension à toujours parler de la quantité. «Pourquoi a-t-on le culte du quantitatif, alors que c'est la qualité et la complicité érotique qui compte? Notre rapport à la sexualité s'apparente à celui que nous entretenons avec la consommation: combien de fois, combien de positions, combien de partenaires, combien d'orgasmes? C'est de la frénésie, alors que ce qui importe, c'est l'estime de soi.»

La confiance peut être ébranlée chez une jeune mère de famille quand les rapports sexuels sont de plus en plus espacés. Caroline, 37 ans, se posait des questions. À la naissance de son deuxième enfant, elle a ressenti une immense fatigue. Elle ne pensait plus qu'à dormir. «Suis-je normale? J'aurais pu être au lit à côté de Brad Pitt, ça n'aurait rien changé, je me serais assoupie!»

Avec ses deux enfants de 4 ans et 1 an et une vie bien remplie, Caroline ne ressentait pas le besoin d'avoir des relations sexuelles. Tranquillement, avec le temps, le désir est revenu. «On est passé de presque rien à une fois par mois... Puis, maintenant que notre deuxième fille a 1 an, la fréquence augmente.»

Maman avant tout

Dans la hiérarchie des désirs, le sexe n'occupe pas le premier rang. Marc Savard, psychologue et sexologue, voit des couples en consultation depuis 25 ans. «La femme est en mode maternel à la naissance d'un enfant. De plus, l'allaitement ne favorise pas le désir sexuel, puisque la progestérone sécrétée est une hormone anti-désir», rappelle-t-il.

Il explique aussi que la sexualité des jeunes parents peut être différente, plus rapide par exemple, par manque de temps et de disponibilité. «À 3 h du matin, quand un enfant s'est réveillé, puis rendormi, ça peut être un bon moment, l'occasion de se détendre.»

Par ailleurs, certains couples acceptent que leur sexualité prenne le bord pendant un moment. «Il ne faut surtout pas que la femme ait l'impression que faire l'amour est une contrainte et une tâche supplémentaire. Tout est une question de communication, on ne le dira jamais assez», conclut le psychologue.