Peu connue au Québec, la Montréalaise Caroline Issa est devenue une véritable icône de mode, reconnue dans le monde entier. Partout où elle passe, son style attire l'oeil des plus grands photographes de mode de rue. Elle était récemment de passage à Montréal dans le cadre du Festival Mode & Design. Portrait.

Caroline Issa nous a donné rendez-vous dans une boulangerie de Griffintown. «Mes parents habitent le quartier», souligne-t-elle. Toujours très chic, elle porte une veste Marie Saint Pierre et les bijoux de la collection Pétale de chez Birks, dont elle est la nouvelle ambassadrice.

En 2015, elle figurait sur la prestigieuse liste des personnalités les mieux habillées du Vanity Fair, elle qui se fait photographier à chaque événement mode qu'elle assiste.

Malgré sa reconnaissance internationale, Caroline Issa n'est pas très connue ici, car elle habite à Londres depuis 16 ans. Son parcours professionnel est impressionnant: elle est directrice du magazine anglais de mode et de culture Tank, éditrice du magazine en ligne Because, consultante pour des marques comme Tod's et Escada, et elle a créé sa gamme de vêtements pour Nordstrom.

Née à Montréal d'une mère d'origine chinoise et d'un père libano-iranien, Caroline Issa a fréquenté le collège Marianopolis dans sa jeunesse. «Je vis à Londres, une ville que j'adore, mais j'aime revenir à Montréal. Il y a une belle énergie, il y a beaucoup de talent, de jeunes créateurs et je vois aussi qu'à Montréal, les gens sont très stylés et apprécient la mode. Il y a quelque chose de très particulier ici. Il y a un esprit un peu vintage dans la façon de s'habiller, mais aussi un esprit très créatif», remarque-t-elle.

Même si elle été mannequin pendant une très courte période lorsqu'elle avait 16-17 ans, rien ne la prédestinait à faire carrière dans la mode. Elle a étudié les finances à la Wharton School of Business, à Philadelphie, et a commencé sa carrière comme consultante aux États-Unis avant de traverser l'Atlantique pour rejoindre l'équipe de Tank.

«Je ne pensais jamais travailler dans le milieu de la mode et c'est peut-être pour cette raison que j'aime autant cela, parce que je viens du milieu des affaires.»

Elle pense d'ailleurs que c'est une force, car elle a un point de vue différent. «Les affaires et la mode sont intimement liées. Les artistes et designers ont envie de partager leurs créations dans le monde entier. Quand les créatifs et les gens d'affaires collaborent ensemble, il y a de grandes réussites.» Elle cite Tom Ford et le président de sa marque, Domenico de Sole, ainsi qu'Alessandro Michele, directeur artistique chez Gucci et son PDG Marco Bizzari.

Un style impeccable

Caroline Issa s'est fait remarquer par son style toujours très élégant. Elle qualifie son look de classique avec une petite touche originale ou décalée.

Elle aime les chemises blanches, les robes chics et féminines bien coupées, les costumes d'hommes, les couleurs vives, les ballerines et les imprimés. «Qui veut vivre dans un monde où on ne porte que du noir et du gris? demande Caroline Issa. J'aime beaucoup les imprimés animaliers qu'on voit beaucoup cet automne.»

«L'industrie de la mode est très importante dans la vie de beaucoup de gens, mais il y a encore trop de personnes qui pensent que c'est un sujet futile, sans importance, alors que c'est une industrie qui génère des milliards.»

En 2015, lorsque la chaîne de magasins américains Nordstrom lui a offert de collaborer, elle affirme avoir mis dans les huit collections de prêt-à-porter tout ce qu'elle a appris comme journaliste, éditrice, consultante et passionnée de mode. «J'ai conçu des vêtements que j'avais envie de porter, des ensembles pratiques, élégants. J'ai aussi compris les difficultés que vivent les créateurs, c'est difficile, car il y a tellement de marques qui se font concurrence et les femmes ont l'embarras du choix pour s'habiller.»

Elle a aussi créé une collection de chaussures pour la marque anglaise L.K. Bennett. «Theresa May, la première ministre britannique, les porte tout le temps. Je n'y crois pas! C'est fantastique!»

En transition

Caroline Issa croit que la mode vit une période de changements et de transitions. Elle évoque le rôle des journalistes qui, selon elle, va prendre de l'importance. «À titre d'éditrice ou de journaliste, on est là plus que jamais pour donner une opinion réfléchie sur la mode et faire des découvertes. C'est une époque fascinante, mais en même temps pleine de confusion», indique-t-elle. Même si on est en plein âge d'or des influenceurs, où on ne parle que de «followers» et de «likes», elle pense que le phénomène est éphémère ou, du moins, se transformera. «On opte pour la qualité de l'auditoire et des contenus. Les marques savent très bien que même si tu as 1 million de personnes qui te suivent sur Instagram, à cause des algorithmes, c'est seulement 5 % qui va voir ton contenu, car c'est Instagram et Facebook qui le contrôlent. Le public tout comme les marques souhaitent plus de transparence.»

Sa philosophie? «Depuis toujours, c'est d'acheter moins, mais mieux, et je pense qu'aujourd'hui, notre conscience de consommateur va enfin dans cette direction. Est-ce bien raisonnable que Burberry brûle et détruise pour 30 millions d'euros de produits invendus au nom de la protection de la marque? C'est choquant. Les consommateurs demandent plus de conscience écologique de la part des marques.»

«J'ai envie plus que jamais de voir qu'il y a encore des artisans qui confectionnent dans un petit atelier des vêtements magnifiques, qui dureront toute une vie.»

Même si on vit dans une société de l'instantané où en un clic on peut acheter une tenue vue sur Instagram, Caroline Issa pense que les magasins doivent offrir une expérience différente pour attirer la clientèle. «J'ai visité le magasin SSense à Montréal et c'est intéressant de voir qu'il n'y a presque pas de vêtements dans cette immense boutique dont l'architecte est David Chipperfield. SSense tente de redéfinir l'expérience du magasinage, car ils ont déjà une boutique en ligne qui est très efficace.»

Caroline Issa déplore que la mode actuelle soit au confort et attend le retour du glamour et de l'élégance. «Les horribles sneakers sont partout... Je comprends que les gens veulent du confort, mais vous ne me verrez jamais porter un pantalon de jogging, même un dimanche pour aller bruncher. Je suis très classique et old school à ce sujet.»

Sa phrase fétiche: «Feel the Fear and Do It Anyway»

«C'est un livre que ma mère m'a offert lorsque j'étais adolescente et j'ai vraiment appliqué cette phrase tout au long de ma vie. Ressentir un frisson de nervosité face à un nouveau défi, c'est la meilleure façon de vivre. Jusqu'à maintenant, ça a très bien marché!»