Des soubrettes dépoussièrent la rampe de l'escalier au plumeau, les grooms en casquette se tiennent bien droit devant quatre cages d'ascenseur aux grilles dorées: Bienvenue à l'hôtel Vuitton, le défilé va bientôt commencer.

Un bruit de sonnette et l'ascenseur s'ouvre sur les premiers modèles coiffés de casquettes à visière vernie et au logo de la marque, vestes et pardessus transparents resserrés à la taille par de larges ceintures en cuir. Des chemisiers noirs à petit col claudine dentelé en cuir blanc rappellent l'uniforme des femmes de chambre et se portent avec de petits gants très courts mettant en valeur la délicatesse du poignet.

«Je passe une bonne partie de ma vie dans les hôtels et j'aime observer leur vie secrète, notamment le ballet des call-girls, maîtresses et épouses», explique en coulisse le styliste Marc Jacobs, particulièrement attentif à ce que «portent les femmes le lendemain, autre chose ou la même tenue que la veille au soir»

La collection Vuitton pour l'hiver prochain tourne autour du fétiche, «pas forcément sexuel, mais plutôt l'obsession folle qu'ont certaines clientes pour un sac «iconique», ce désir souvent irrationnel pour les objets que nous fabriquons», explique Marc Jacobs.

Une obsession soigneusement entretenue par la marque qui fait défiler chaque mannequin avec un sac de taille et de couleur différente.

L'équipe de création s'est ainsi intéressée «au porno des années 1940, avec son fantasme de la soubrette» délurée, l'hôtel étant le lieu «du scandale, de l'adultère». Mais, insiste Marc Jacobs, tout cela est «très second degré, on s'amuse»: «La mode est par définition un jeu de rôles où l'on peut inventer des personnages».

Un mannequin portant un imperméable transparent, avec une impression du logo maison, a ainsi les mains attachées par de petites menottes en cristal. «Délicieux, non?», commente Marc Jacobs, une cigarette à la main.

Les vêtements sont plutôt sages, les jupes tombent systématiquement sous le genou et les cols sont fermés sous le cou. Mais le styliste choisit aussi de faire défiler un bon nombre de modèles en culotte, avec de simples bas, forçant le regard à se concentrer sur une seule pièce, chemisier ou veste.

«C'est grivois et presque innocent à la fois», souligne le styliste américain. «J'avais envie que les filles soient couvertes, qu'elles ne montrent pas leur peau. J'aime cette idée d'avoir quelque chose à dévoiler, de ne pas tout montrer tout de suite. Pour le défilé, soit elles portent des jupes plutôt «prudes», soit elles n'en portent pas du tout!», plaisante-t-il.

D'autres arrivent aussi en mini-short, comme la top-model Kate Moss qui ferme la marche du défilé, en veste de dentelle noire épaisse aux volumineuses manches en fausse fourrure, fumant langoureusement une cigarette pour les photographes.

Comme pour la veste de «Kate», Marc Jacobs multiplie les gros boutons en plastique noir, mais aussi les épaules rondes et les proportions exagérées pour donner aux mannequins «un côté poupée, un peu irréel». Comme ces jodhpurs exagérés, peu flatteurs pour la silhouette, ou ces petits tailleurs gris ou vert forêt dont la veste près du corps souligne la poitrine grâce à des pinces.