L'été, c'est l'occasion d'explorer de nouveaux passe-temps, comme l'astronomie. Les astronomes amateurs font toutefois face à deux défis: freiner la pollution lumineuse et inciter une nouvelle génération à s'intéresser à leur passion. Les deux enjeux sont liés.

Les amateurs québécois d'astronomie sont des gens particulièrement déterminés. Le climat du Québec ne leur facilite pas la tâche. L'hiver, il faut s'habiller très chaudement pour s'installer derrière un télescope. L'été, les nuits sont courtes.

«Autour du 21 juin, le ciel n'est très noir que pendant deux heures et trois quarts», note Louise Ouellette, membre de la Fédération des astronomes amateurs du Québec (FAAQ).

Les soirées de septembre et d'octobre sont les plus belles, affirme Philippe Moussette, cofondateur du Club d'astronomie Véga de Cap-Rouge. «Il ne fait pas trop froid, pas trop chaud, pas trop humide, énumère-t-il. Mais il ne faut pas qu'il y ait de nuages.»

Il faut également éviter les soirées de pleine lune, trop lumineuses. Bref, les fenêtres d'observation ne sont pas faciles à trouver. «Il faut vraiment être motivé pour faire de belles observations», lance Mme Ouellette.

Fermer les lumières

À ces difficultés climatiques s'ajoute un nouveau défi: la pollution lumineuse.

«Il faut s'éloigner de plus en plus des grandes villes pour faire de l'observation intéressante, déplore Mme Ouellette. Même dans un rayon de 100 km de Montréal, il y a encore de la lumière. À Hemmingford, si on regarde au nord, on voit le dôme lumineux de Montréal.»

L'éclairage est tout simplement mal conçu: on éclaire le ciel alors qu'on devrait diriger tout l'éclairage vers les rues et les trottoirs.

«Québec est aussi clair que Paris et Montréal est aussi clair que New York», affirme Phillippe Moussette, astronome amateur.

Le problème ne se pose pas uniquement près des grandes villes. L'éclairage de plusieurs petites villes et villages est aussi inadéquat.

«La région du mont Tremblant a un beau ciel, mais il y a des municipalités dans les environs qui font de la pollution lumineuse locale, affirme Mme Ouellette. Au Domaine Saint-Bernard, le ciel est beau si on regarde au zénith, au-dessus de notre tête, mais si on pointe le télescope plus bas à l'horizon, le fond est blanchâtre à certains endroits.»

La situation s'est détériorée au cours des dernières années, une tendance qui pourrait s'accélérer, craint Mme Ouellette.

«Les municipalités sont en train de remplacer leur système d'éclairage par des ampoules à DEL [diodes électroluminescentes], qui font un éclairage blanc-bleu épouvantable, soutient Mme Ouellette. Les astronomes amateurs sont en train de s'arracher les cheveux.»

Impliquer les plus jeunes

Cette situation n'aide pas les amateurs à faire face à un autre défi: le rajeunissement des clubs d'astronomie. À l'heure actuelle, c'est un peu un «sport de retraités», pour reprendre l'expression de M. Moussette.

«Nous essayons d'impliquer les gens plus jeunes, mais c'est difficile, affirme Mme Ouellette. Les jeunes sont préoccupés par la fin de leurs études, par leurs débuts dans le monde du travail, par les jeunes enfants dans la famille.»

Et maintenant, il y a la pollution lumineuse.

«On veut intéresser les jeunes à l'astronomie, mais s'ils lèvent les yeux vers le ciel et ne peuvent rien voir, on peut comprendre que ça ne les intéresse pas.»

Il y a cependant beaucoup d'espoir. Le monde de l'astronomie s'est mobilisé pour présenter des solutions de rechange aux communautés afin de réduire leur impact sur la luminosité du ciel. Aux alentours de l'Observatoire du Mont-Mégantic, on a réussi à retrouver la même qualité de ciel qu'il y a 25 ans. L'Astrolab du Mont-Mégantic a d'ailleurs conçu un guide pratique sur l'éclairage qui est diffusé en ligne. Pour sa part, avec divers partenaire, la FAAQ prépare des séances d'information pour les gestionnaires de l'éclairage dans les municipalités.

Des jeunes ont commencé à jouer un rôle dans cette bataille. Deux membres de la section jeunesse du Club d'astronomie Véga de Cap-Rouge, Arnaud Larue et Nicolas Isabel, ont présenté à l'Expo-sciences de 2015 un projet sur la pollution lumineuse qui montrait clairement la détérioration du ciel sur une période de cinq ans.

«Si on n'agit pas, on ne pourra plus observer le ciel, affirme Arnaud Larue. Actuellement, on peut prendre des filtres antipollution lumineuse, mais si [celle-ci] augmente encore, ça ne sera plus suffisant.»

Il se montre toutefois optimiste et entend entretenir encore longtemps sa passion pour l'astronomie.

«À 18 ans, je passerai dans la section régulière du club et je vais continuer: on peut toujours en apprendre plus.»

De la théorie à la pratique

D'ailleurs, la passion d'un grand nombre d'astronomes amateurs d'aujourd'hui a pris naissance dans leur enfance ou leur jeunesse. Dans le cas de Louise Ouellette, c'est une encyclopédie qui a soulevé son intérêt. Par la suite, elle a eu la chance de faire un camp scout-guide avec une cheftaine passionnée d'astronomie. L'Expo 67 a ravivé cet intérêt.

«Quand j'ai pris ma retraite, je me suis dit que c'était bien, la théorie, mais qu'il était temps de passer à la pratique.»

C'est le passage de trois comètes, Halley en 1986, Hyakutake en 1996 et Hale-Bopp en 1997, qui a déclenché la passion de Philippe Moussette, au point de fonder un club d'astronomie à son cégep et à Cap-Rouge.

Petit guide d'initiation à l'astronomie

Voici comment devenir un astronome amateur en trois étapes faciles (et pas trop coûteuses).

Cherche-étoiles

La Fédération des astronomes amateurs du Québec (FAAQ) suggère aux néophytes de ne pas trop investir au début. «On va recommander aux gens de se munir d'un cherche-étoiles pour apprendre à connaître le ciel à l'oeil nu et à observer les constellations, déclare Louise Ouellette, de la FAAQ. Déjà, c'est intéressant. Ensuite, on recommande d'acheter de bonnes jumelles, qui pourraient aussi servir à l'observation des oiseaux et des animaux.»

Club

La FAAQ suggère aux néophytes de se joindre à un club d'astronomie.

«La plupart des gens sont passionnés, affirme Louise Ouellette. Ça leur fait plaisir d'initier les nouveaux et de leur montrer comment utiliser leurs jumelles. Ils vont également leur permettre d'observer à travers leur télescope.»

Cela permettra notamment aux débutants de connaître les différents types de télescopes et de décider quel instrument pourrait leur convenir.

La FAAQ regroupe 41 clubs dans pratiquement toutes les régions du Québec.

Télescope

Une règle de base: ne pas acheter un télescope dans un grand magasin. Il sera de si mauvaise qualité qu'il sera pratiquement inutilisable.

«J'avais reçu un télescope à Noël, se rappelle Philippe Moussette, du Club d'astronomie Véga. Je n'ai jamais rien vu dedans. Il a foutu le camp dans le garde-robe et j'ai continué à la jumelle.»

Il faut aller dans une boutique spécialisée et se faire conseiller selon ses besoins et son budget. «Initialement, on peut dépenser entre 600 et 1000 $ pour un télescope, indique Louise Ouellette, de la FAAQ. Après, il n'y a pas de limites.»

Certains, comme M. Moussette, voudront faire de l'astrophotographie. La facture peut grimper vite.

Photo fournie par Philippe Moussette

Une galaxie croquée par l'amateur Philippe Moussette.