La Turquie a rejoint dimanche le club des pays interdisant de fumer dans les cafés et restaurants, dans l'espoir, malgré les protestations des restaurateurs, de briser une tradition bien ancrée de tabagie.

L'interdiction, défendue par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, fervent ennemi du tabac, est entrée en vigueur à minuit quand les cendriers ont été retirés des tables et les fumeurs priés de sortir.

«L'expression "fumer comme un Turc" appartient dorénavant au passé», a écrit le quotidien Radikal en Une, assimilant cette interdiction à une révolution dans un pays où il était permis de fumer dans les bus il y a encore 15 ans.

Le quotidien populaire Aksam titrait simplement «La fin», à côté d'une photo d'un fumeur exhalant un nuage de fumée.

Cette mesure est une extension d'une interdiction de fumer dans les bureaux et bâtiments publics qui date de mai 2008 et a permis de diminuer de 7% le niveau de tabagie, selon le ministre de la Santé, Recep Akdag.

De récentes enquêtes montrent que l'opinion soutient largement cette interdiction: un sondage réalisé par l'institut Quirk Global Strategies auprès de 600 personnes montre que 95% des Turcs y sont favorables.

Néanmoins, les professionnels de la restauration protestent en invoquant le risque d'une baisse d'activité dans un contexte déjà difficile de crise économique.

Leurs appels pour obtenir la permission de créer des espaces fumeurs et un délai pour l'application de l'interdiction ont été rejetés par le gouvernement.

«Ils n'ont pas de raison d'être inquiets. Les seuls à souffrir vont être les producteurs et les vendeurs de cigarettes», a déclaré récemment M. Akdag.

Une association de propriétaires de cafés a malgré tout annoncé qu'elle envisageait une action en justice contre l'interdiction.

«95% des clients des cafés fument. L'interdiction signifie que les gens ne vont plus fréquenter ces établissements, les forçant à mettre la clé sous la porte un par un», a déclaré Huseyin Menekse, un dirigeant de l'association, à l'agence de presse Anatolie.

Dans le centre d'Ankara, des bars du quartier de Sakarya arboraient des affiches portant les mots: «Nous sommes contre la cigarette et contre l'interdiction de fumer».

Malgré les efforts du gouvernement pour mettre fin à une coutume mortelle, il devrait être difficile de faire appliquer l'interdiction uniformément à travers le pays.

Alors que dans les villes, les bars et restaurants vont être soumis à des inspections régulières, il n'en sera sans doute pas de même dans les cafés des campagnes, où les hommes tuent le temps en buvant du thé et en fumant.

Les restaurateurs sont désormais censés avertir les clients qui insistent pour allumer une cigarette, puis refuser de les servir et prévenir la police en dernier recours.

Un fumeur têtu encourt une amende de 69 livres (45 dollars) tandis que l'établissement qui l'accueille devra payer de 560 livres turques (366 dollars) pour une première infraction, à 5 600 livres (3 665 dollars) en cas de récidive.

Les autorités locales ont détaché 5 000 agents pour contrôler l'application de la loi.

Selon les statistiques officielles, près d'un Turc adulte sur trois fume, un taux qui atteint 48% chez les hommes et

place la Turquie au 10e rang mondial pour la consommation de cigarettes.

Les maladies liées au tabac sont responsables de 100 000 morts par an en Turquie, selon l'association de défense de la santé Yesilay.