Il y a des hommages à un adversaire plus vibrants que d'autres.

Même s'il a été dominé par Billy Joe Saunders samedi soir et que certains observateurs osent désormais ranger le Britannique dans la catégorie des Gennady Golovkin et Canelo Álvarez, David Lemieux s'en est tenu à un minimum, hier, lors de son point de presse à la Place Bell.

Saunders était au sommet de sa forme, a-t-il admis en résumé, mais la blessure à l'épaule a eu un impact énorme sur le combat et Saunders n'a cherché qu'à se «sauver» pendant dix rounds.

«Je l'aurais battu si j'avais été à 100%», a-t-il affirmé, en réponse à une question d'un confrère, après une brève hésitation.

Le Québécois ne portait presque plus de marques au visage de son éprouvant combat de championnat du monde. Mais il semblait encore psychologiquement ébranlé par sa défaite par décision unanime contre le Britannique.

Lemieux a tout de même reconnu que son adversaire avait été plus fort qu'il ne l'avait prévu.

«J'ai eu plus de difficulté contre lui que contre Golovkin, a-t-il expliqué. J'ai dû lui courir après. Je n'avais pas eu d'ampoules aux pieds après mon combat contre Golovkin. Je peux vous montrer mes pieds en ce moment.» 

«C'est un très bon boxeur, il n'est pas facile à toucher. On l'avait bien étudié. Mais il a été encore meilleur que je ne le croyais.»

Il a beaucoup été question au cours de cette rencontre de presse de cette blessure à l'épaule subie en début de combat. Lemieux a admis qu'il s'agissait d'une vieille blessure qui a refait surface.

«On avait identifié au début du camp d'entraînement qu'il fallait se rendre rapidement à Saunders, a analysé l'entraîneur Marc Ramsay, l'un des trois hommes à la table avec Lemieux et le promoteur d'Eye of The Tiger Management, Camille Estephan. On devait bien couper le ring. Pour ça, ça prend un jab. On ne veut pas dire qu'il aurait gagné s'il n'avait pas eu sa blessure, mais les approches auraient été plus simples parce qu'on n'était pas en mesure de cadrer Saunders sans ce jab. C'était beaucoup plus facile pour lui de contre-attaquer et de se déplacer de gauche à droite.

«On a demandé à David à compter du sixième de l'attendre en contre-attaque à son tour, a poursuivi Ramsay. Le surprendre hors garde. Mais notre arme numéro un, le crochet de gauche, était aussi handicapée par cette blessure, c'était problématique.»

HBO

Au-delà de la blessure, l'équipe de Lemieux a identifié des choses à améliorer, dont le positionnement sur le ring et la distance avec l'adversaire.

«Il est clair qu'il faut rendre à César ce qui appartient à César, a dit Ramsay. D'emblée, Billy Joe Saunders a offert une belle performance, il a bien utilisé ses atouts pour gagner le combat. On doit aussi être critiques envers nous-mêmes. Après les victoires, on a tendance à recevoir les flatteries des gens et il y a un danger à être sur le pilote automatique dans ce genre de victoire là. Ce qui est important, c'est d'être très réalistes, de ne pas se faire d'accroires, de savoir qui on est, d'où on vient et où on s'en va. Quand on regarde le passé de David Lemieux, le profil psychologique est en place pour surmonter les plus grandes montagnes. Je suis encore persuadé qu'il a tout ce qu'il faut pour remonter.»

Lemieux est toujours dans les plans de HBO, assure Estephan. «HBO est toujours derrière nous à 100%. Ils ont compris très vite que le gars, sans lui enlever du crédit, ne voulait pas se battre. Elisrandi Lara a fait ça contre Canelo [en 2014] et on ne l'a plus jamais revu sur les ondes. Et pourtant Canelo l'avait battu par un fil seulement. Ils recherchent de l'action, de l'"entertainement". On est déjà en discussion, avec HBO, entre autres. On va laisser passer le temps des Fêtes, on va voir ce qui se passe avec son épaule, mais je suis convaincu que son prochain combat sera sur HBO.»

Estephan reconnaît toutefois qu'on peut ranger Saunders dans la catégorie des Golovkin et des Álvarez. «Je trouve que Saunders a sa place. Il a été très impressionnant, son jeu de pieds est incroyable. Mais est-ce que HBO va vouloir le voir? Car il est "plate" à voir...»

Lemieux s'est braqué quand on lui a demandé de répondre aux critiques qui le qualifient de boxeur unidimensionnel qui a atteint ses limites.

«Quelles limites? Courir après quelqu'un? Il a bien fait sa tâche de s'enfuir. C'est difficile d'utiliser plusieurs dimensions contre un adversaire de ce style-là. J'ai encore beaucoup d'outils à montrer.»

Lemieux restera chez les poids super-moyens, à en croire son entourage. On lui donnera sans doute certains combats un peu plus faciles en 2018 pour lui permettre de reprendre confiance en ses moyens.

«La motivation est très grande chez moi, a affirmé Lemieux. On va tout faire pour revenir sur la route du championnat du monde. Je vais prendre des vacances, me reposer un peu, puis on va reconstruire. Je vais avoir 29 ans dans quelques jours, je me sens encore très jeune dans le sport, j'ai encore beaucoup de choses à accomplir. À mes fans, restez avec moi, vous n'avez pas vu la fin. Je n'ai pas offert ma meilleure performance, mais je vous promets de meilleures soirées de boxe.»

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Estephan le philosophe

«On est déçus, mais aucunement découragés. On a un plan en place et on sait exactement ce qu'on veut faire. C'est une défaite d'équipe. Chaque fois qu'on est tombés, on s'est remis debout encore plus forts. Il y a un proverbe japonais qui dit qu'on apprend peu dans la victoire, mais beaucoup dans la défaite. On l'a prouvé à nous-mêmes dans le passé. C'est vrai qu'on a peu appris dans les victoires récentes. Parfois, on a besoin d'une défaite, même si on ne veut jamais perdre. J'ai appris beaucoup plus dans cette défaite que dans n'importe quelle victoire par le passé avec David.»

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Photo Bernard Brault, La Presse

Camille Estephan, promoteur d'Eye of The Tiger Management

Ulysse et Saunders, un style semblable?

Yves Ulysse Jr s'est attiré les éloges de HBO avec un jeu de pieds impressionnant, une contre-attaque et une défense très efficaces. Billy Joe Saunders également, diront certains. Pourquoi alors reprocher au Britannique de ne pas avoir voulu se battre?

«Il a quand même envoyé le gars quatre fois au tapis en début de combat, répond Marc Ramsay. Il y avait une transition entre la défense et l'attaque beaucoup plus marquée dans le cas d'Ulysse. Si son adversaire était hors d'équilibre, il attaquait. L'autre [Saunders], il continuait à reculer même quand il atteignait David solidement. De façon à ne prendre aucun risque. Il y a une nuance entre les deux. Saunders s'est battu selon ses termes à lui et on le savait avant le combat. Dominic Ingle [son entraîneur] est un gars assez brillant pour lui dire de ne pas se planter devant Lemieux et échanger coup pour coup.»

Photo Bernard Brault, La Presse

Yves Ulysse Jr