Sa fiche, ses adversaires, son championnat du monde: Jean Pascal a bien des raison d'être fier de sa carrière. Mais ce qui le rend le plus fier, c'est d'avoir inspiré des gens.

«Ce qu'on me dit, c'est que plusieurs jeunes, surtout plusieurs jeunes Haïtiens, ont commencé la boxe en raison de mes succès, a raconté Pascal lundi. On me dit que les gymnases de boxe de Montréal-Nord regorgent de petits Haïtiens qui m'ont vu réussir. Si j'ai pu réussir, eux aussi le peuvent. Je crois que j'ai représenté une possibilité de pouvoir s'en sortir, faire mieux. C'est une de mes plus grandes fiertés.»

Difficile de croire que la carrière de Jean Pascal est sur le point de prendre fin dans l'anonymat, face à un adversaire pratiquement inconnu au Québec, alors qu'il n'est âgé que de 35 ans. Chez les mi-lourds, dont il a été le champion du World Boxing Council de décembre 2009 à mai 2011, il n'est pas rare de voir des boxeurs sur le ring jusque dans la quarantaine, voire la cinquantaine, dans le cas exceptionnel de Bernard Hopkins.

Vendredi, il fera les frais de la finale du gala présenté au Hialeah Park Racing and Casino de Miami face à Ahmed Elbiali (16-0, 13 K.-O.), une jeune étoile montante du promoteur Leon Margules, un partenaire d'Al Haymon au sein de Premier Boxing Champions. Au fil de la discussion, Pascal laisse tomber une phrase qui laisse entendre qu'il n'a pas eu grand mot à dire dans cette décision.

«Je n'ai choisi mon adversaire, on m'a ordonné un adversaire que j'ai accepté. Ce serait donc tout un exploit (de repartir avec la victoire).»

En entendant ce grand champion parler ainsi, on ne peut s'empêcher de maugréer - encore - un peu contre Haymon, qui aura privé les amateurs québécois de plusieurs bons combats depuis qu'il s'est intéressé à la boxe. D'ailleurs, alors qu'il sera présenté gratuitement sur Fox Sports 1 aux États-Unis, ce n'est que par la télévision à la carte que les Québécois pourront voir les adieux de Pascal...

Pour l'Américain d'origine égyptienne de 27 ans, une victoire contre Pascal serait plus que souhaitée, compte tenu de la piètre qualité des adversaires dont il a disposés jusqu'ici. Aucune trace d'adversaires dignes des Hopkins, Sergey Kovalev, Carl Froch, Eleider Alvarez, Lucian Bute ou Diaconu que Pascal a affrontés. C'est d'ailleurs ce dont il voudrait que les gens se souviennent de lui.

«J'ai été un combattant qui a toujours relevé les défis, qui s'est toujours tenu debout devant l'adversité. J'ai toujours fait mon travail de mon mieux. C'est rare qu'on a quitté le Centre Bell et qu'on a été déçu de Jean Pascal. Même quand mon adversaire ne se présentait pas, moi, j'étais toujours là. J'espère qu'on va se rappeler d'un combattant du sport, mais d'un combattant de la vie aussi.»

On ne peut s'empêcher de penser, quand on tient compte justement de la qualité des adversaires des deux boxeurs, qu'une victoire de Pascal est plus qu'envisageable. Ne serait-il pas alors tenté de remonter une dernière fois dans le ring, à Montréal, pour ses partisans?

«Ça pourrait être tentant, mais en même temps, je pense que ce pourrait être la plus belle façon de sortir du ring, une belle victoire contre un espoir de 16-0, a-t-il philosophé. C'est certain que je veux quitter la tête haute, je ne veux pas faire comme Bernard Hopkins, qui a eu une belle carrière, mais dont le dernier combat s'est soldé par un K.-O., ou Miguel Cotto, qui a choisi son adversaire pour son dernier combat la semaine dernière et qui a perdu.

«Toute bonne chose à une fin. Je suis à la fin de ma carrière, pour commencer une nouvelle étape de ma vie.»

«Dans cette histoire, l'important, c'est de ne pas avoir de regret, ajoute son entraîneur des dernières années, Stéphan Larouche. Jean est extrêmement motivé par ce combat-là. Si ça allait toujours au mérite, oui, il aurait dû se battre à Montréal pour ce combat, mais la boxe fonctionne rarement au mérite. Jean livrera la performance la plus belle qu'il peut livrer, il fera de son mieux. C'est rare qu'un athlète peut arrêter sur une victoire. Si c'était le cas, tant mieux. Moi j'admire beaucoup ça. Je suis un gars qui aime les boxeurs qui arrêtent au bon moment.

«Il en a encore dans le réservoir, mais tu ne peux pas faire contre ta volonté. Toutes les raisons sont bonnes pour continuer, mais elles sont également toutes bonnes pour arrêter.»

«C'est un sport qui ne pardonne pas, a ajouté Pascal. Alors il ne faut pas arrêter quand le réservoir est vide, car c'est là que les dommages physiques et psychologiques peuvent apparaître. Je préfère arrêter quand le réservoir est encore plein.»

Des moments difficiles, mais pas de regret

Pascal l'admet: il a vécu des moments difficiles au cours de sa carrière. Celui qui lui vient le premier à l'esprit est sa deuxième défaite face à Kovalev.

«Ç'a été très dur à avaler, admet-il, mais je me suis relevé. Je me suis remis de ça. Parfois, on trouve chaussure à son pied. J'ai sûrement trouvé la mienne face à Kovalev.»

Il assure toutefois qu'il quittera sans regret le ring, vendredi.

«C'est certain que comme tout le monde, j'ai fait des erreurs, je suis tombé dans des pièges. Globalement, je m'en suis bien tiré. Dans les trois dernières années, j'avais moins de plaisir. C'était plus business. Là, j'ai retrouvé le plaisir. Je suis content d'avoir retrouvé la paix avec mon sport.»

Le combat sera présenté en finale du gala tenu au Hialeah Park Racing and Casino de Miami.