L'été dernier, Tony Germain est parti de Shawinigan à Rio pour vivre son rêve olympique. Cet arbitre de boxe avait été sélectionné pour officier aux Jeux olympiques. Au Brésil, il s'est plutôt retrouvé plongé au centre d'un scandale qui a éclaboussé la boxe.

Germain, qui n'a pas été impliqué dans les combats les plus controversés à Rio, a reçu une autre tuile jeudi: il a appris, en même temps que le reste du monde, qu'il était suspendu jusqu'à nouvel ordre. L'AIBA a en effet annoncé la suspension des 36 officiels présents au tournoi olympique, en attendant les conclusions d'une enquête interne.

«J'ai lu le communiqué ce matin. C'est certain que je ne peux pas être heureux de la décision de l'AIBA. Mais je peux comprendre cette décision. Ils veulent analyser la situation», a dit à La Presse Tony Germain, qui n'a reçu aucune communication de la part de la fédération relative à sa suspension.

«Pour ma part, je peux affirmer que j'ai eu un bon tournoi à Rio. J'ai été très actif tout au long du tournoi, et ce, jusqu'à la fin», a ajouté M. Germain, qui a servi d'arbitre à Rio pour 12 combats et a été juge dans 52 autres.

On rappellera que devant la fronde suscitée par certaines décisions des juges, l'Association internationale de boxe amateur (AIBA) avait suspendu une poignée d'officiels en plein tournoi. M. Germain n'était pas parmi eux.

L'officiel de 44 ans avait manqué de justesse les Jeux de Londres. Il partait pour Rio pour vivre le sommet de sa carrière d'officiel à la boxe. Mais au Brésil, avec un nouveau système de pointage en place, le tournoi a tourné au vinaigre.

Un pas dans la bonne direction

Une image a cristallisé le fiasco: le boxeur irlandais Michael Conlan, sûr de gagner mais déclaré perdant, brandissant deux doigts d'honneur à l'intention des juges. D'autres combats ont connu des dénouements pour le moins surprenants. Deux boxeurs canadiens ont d'ailleurs fait les frais de jugements douteux, dont la Québécoise Ariane Fortin.

«Je pense que la suspension des officiels est un pas dans la bonne direction, a réagi jeudi Fortin. Mais il faut aller plus loin. Il y a une bonne partie du problème qui se trouve plus haut, au sein de l'AIBA elle-même.»

Ariane Fortin fait montre d'empathie pour Tony Germain. «Clairement, ce n'est pas lui, la source du problème. Il n'a pas été l'un des juges scandaleux. Je pense que ça ne servirait à rien de le descendre.»

Fortin croit que la décision de l'AIBA «est un choix malin, parce qu'il fait reposer toute la responsabilité de ce qui s'est passé à Rio sur les épaules des officiels».

Pourtant, plusieurs signes laissent croire que le problème se trouve au-dessus de la tête des juges et arbitres. Dans un article publié juste avant les Jeux par The Guardian, des sources proches de l'AIBA prévenaient que le tournoi de Rio serait marqué par la corruption.

Le juge irlandais Seamus Kelly a dit au Guardian qu'un système truqué était en place dans les grands tournois, par lequel les juges s'entendaient sur l'identité du vainqueur avant même le son de la cloche. Kelly a dit l'avoir dénoncé à l'AIBA, laquelle a choisi de l'écarter.

«Tout le monde se tait parce que si on est juge, on sera tassé et on n'ira pas aux Jeux olympiques. Quant aux dirigeants, ils ont peur que les boxeurs de leur pays soient pris en grippe», dénonçait Kelly.

Après les Jeux, Boxe Canada avait demandé que la fédération internationale prenne des mesures urgentes. Jeudi, l'organisation s'est réjouie de l'annonce.

«Nous n'avons pas caché notre grande déception après les Jeux de Rio, a dit le président de Boxe Canada, Pat Fiacco. Alors l'annonce de l'AIBA est bien accueillie. Espérons que l'enquête va trouver des réponses pour que quelque chose comme ça ne se reproduise plus. Attendons de voir le rapport qui sortira de tout ça.»