Georges St-Pierre est la tête d'affiche de l'Ultimate Fighting Championship (UFC) depuis des années. Il défend le titre de champion de l'organisation depuis cinq ans maintenant. Il doit à l'UFC son pain et son beurre.

Mais depuis que St-Pierre s'est mis en tête de se soumettre à des contrôles antidopage sérieux en vue de son prochain combat, le Québécois se sent abandonné par l'UFC. Jamais l'organisation n'a démontré le moindre enthousiasme devant son initiative. Pire, son président l'a même critiqué à mots couverts.

«Je pense que la prochaine étape pour que mon sport grandisse encore, c'est de miser sur un sport propre, a expliqué St-Pierre, lundi, lors d'une longue entrevue avec La Presse. On manque le bateau en ce moment. La seule chose, c'est que je ne sais pas s'ils sont prêts à me soutenir. Je pensais qu'ils étaient prêts à me soutenir, mais j'ai été déçu, très déçu, de la tournure des événements.

«Il y a des choses que je ne peux pas dire. Je ne veux pas me mettre l'UFC à dos parce que c'est mon employeur. Cependant, je ne prends pas les journalistes pour des cons. Ils sont capables de lire entre les lignes. Ils sont capables de voir ce qui se passe.»

Ces propos viennent de la bouche d'un professionnel calme et réfléchi qui n'a jamais mordu la main qui le nourrissait. Pourquoi St-Pierre se sent-il trahi? Quelle est «la tournure des événements» dont il fait mention?

«Un peu bizarre»

L'affaire remonte à cet été, lorsque St-Pierre a invité son prochain adversaire à se soumettre à des contrôles antidopage stricts en vue de leur combat du 16 novembre, à Las Vegas. Lui et Johny Hendricks n'allaient pas se limiter aux contrôles habituels et très critiqués de la Commission athlétique du Nevada (NSAC) - qui teste les combattants une seule fois, uniquement après le combat -, mais ils allaient plutôt engager une agence indépendante chargée de recueillir des échantillons avant même le combat.

Les combattants qui utilisent des drogues de performance le font surtout durant leur entraînement. St-Pierre voulait donc des tests capables de déceler cette pratique. Il a suggéré d'engager la Voluntary Anti-Doping Association (VADA) et de payer lui-même les 16 000 $ que coûteraient les contrôles. Hendricks n'aurait pas un sou à débourser.

La VADA mène des contrôles inopinés et affirme s'attaquer aux substances bannies par l'Agence mondiale antidopage (AMA). Elle se spécialise dans les sports de combat. Les boxeurs Manny Pacquiao et Nonito Donaire figurent parmi ses clients.

St-Pierre espérait, par ce geste, laver son nom de tout soupçon. Certains de ses adversaires l'ont accusé de dopage par le passé. Il voulait aussi protéger l'intégrité de son sport. «Il y a du dopage dans mon sport, ne soyons pas dupes», dit-il.

L'athlète demandait donc des tests plus sévères et proposait de les payer de sa poche (16 000 $). Il s'attendait à être appuyé. «On ne peut pas être contre la vertu, note St-Pierre. En tout cas, c'est ce que je me disais.»

Mais le président de l'UFC, Dana White, a qualifié «d'un peu bizarre» l'initiative de St-Pierre. Jamais il n'a salué ses efforts. Jamais il n'a invité Hendricks à entrer dans la danse.

Dans le passé, Dana White n'a jamais montré d'enthousiasme devant les efforts de la VADA. L'agence a déjà forcé l'annulation de combats de boxe dans la foulée de tests positifs. Pour l'UFC, un cas semblable le 16 novembre entraînerait des millions de dollars en perte.

Hendricks se rebiffe

De son côté, le clan de Johny Hendricks, après avoir affirmé être prêt à subir les contrôles de la VADA, s'est ravisé. Hendricks voulait maintenant des tests bonifiés menés par la Commission athlétique du Nevada (NSAC). Cette demande était inattendue. Hendricks a dévoilé en entrevue que la main de l'UFC était derrière ce changement soudain.

L'entourage de St-Pierre s'est mis à poser une série de questions sur ce nouveau programme de la NSAC à son directeur, Keith Kizer. Ce dernier s'est braqué. Lorsque le gérant de St-Pierre, Rodolphe Beaulieu, a finalement accepté de se soumettre aux contrôles de la Commission, Kizer a refusé. L'entourage de St-Pierre posait trop de questions à son goût. L'échange de courriels s'est retrouvé sur des sites spécialisés, et le conflit a éclaté au grand jour.

«Je voulais faire VADA parce que je pense que c'est la meilleure agence. L'UFC m'a dit de faire la Commission athlétique plutôt, explique Georges St-Pierre. J'ai dit que j'allais faire les deux. Mais je n'ai jamais reçu les papiers de la Commission athlétique et je les attends encore.»

Résultat? GSP se soumet seul au programme de la VADA. Il a déjà reçu la visite de deux inspecteurs, une fois chez lui et l'autre fois dans le célèbre gymnase de Freddie Roach, à Los Angeles. Johny Hendricks va, quant à lui, se contenter de subir le contrôle habituel d'après-combat.

«Ça me dérange un peu de combattre contre des gars qui utilisent des produits dopants, parce que ce n'est pas juste. Ça fait une méchante différence à l'entraînement, fait valoir Georges St-Pierre. Il y en a qui disent: "Le dopage, ça ne me dérange pas." Moi, ça me dérange. Mais je vais le faire quand même, le combat. Sans accuser personne, s'il y en a qui ne veulent pas faire les tests, je vais le faire, le combat. Ce ne sera pas la première fois. Mais c'est juste que je commence à être fatigué un peu.»

St-Pierre a réussi à populariser son sport auprès du grand public. Il a réussi à défendre huit fois d'affilée son titre UFC des mi-moyens. Mais en s'attaquant à la culture du dopage, Georges St-Pierre pourrait avoir entrepris un combat plus difficile que tous ceux qu'il a livrés dans l'octogone.