Non content de dominer son sport, Georges St-Pierre a lancé hier son premier livre. Le sens du combat raconte le long chemin qui l'a mené au sommet: l'intimidation, la pauvreté, la détermination. Un ouvrage où le champion de l'UFC se révèle, mais garde sa part d'ombre. La Presse s'est entretenue avec St-Pierre hier.

Q: Pourquoi écrire une autobiographie à seulement 31 ans?

R: En fait, j'avais 30 ans quand j'ai commencé à travailler sur ce projet. Après mon opération à un genou, je ne pouvais pas bouger, j'étais dans mon lit. Tant qu'à me tourner les pouces... J'avais une histoire à raconter, et on a choisi de prendre ce moment-là pour le faire.

Q: Le livre aborde l'intimidation que tu as subie durant ton enfance. Tu écris: «Sans les tyrans, lestrous de cul et les petits crétins, je ne serais jamais devenu ce que je suis aujourd'hui».

R: De l'intimidation, j'en ai subi toute ma vie, pas juste à l'école. Ce sont toutes ces personnes-là, celles qui m'ont rabaissé ou ont douté de moi, qui m'ont donné la motivation de leur prouver le contraire. Ma mère a lu le livre deux fois. Elle a été très émue, elle a versé des larmes. Elle me dit qu'elle a compris des choses sur moi qu'elle ne comprenait pas à l'époque. Elle a compris ce que j'avais ressenti.

Q: L'intimidation était la conséquence de ton manque de confiance en toi, mais aussi de ton apparence physique. Tu écris que jeune, tu ressemblais à un «clown miniature».

R: J'avais un tic en hiver. Je me léchais les lèvres sans arrêt et ça devenait tout rouge autour. C'était vraiment laid. Mais c'est aussi la façon dont je m'habillais. Des fois, je vois des photos prises dans ma jeunesse et je dis à mes parents: "Je n'arrive pas à croire que vous me laissiez sortir comme ça!"

Q: Aujourd'hui, tu es millionnaire, mais ça n'a pas toujours été le cas. Tu as déjà fait plein de petits boulots pour survivre, tu as même été éboueur.

R: J'étudiais en kinésiologie et j'avais trois boulots en même temps. J'ai été vidangeur pour payer mes droits de scolarité. J'ai beaucoup de respect pour ces gens-là. C'est un travail dur. J'ai aussi travaillé dans des boîtes de nuit, auprès de délinquants dans un programme pour la jeunesse, j'ai travaillé dans un magasin de couvre-plancher. J'ai réinvesti tout l'argent que j'ai fait dans ma formation de combattant, parce que j'avais un rêve: devenir meilleur.

Q: On dirait que tu veux garder une part d'ombre. Dans le livre, tu ne parles jamais d'histoires d'amour par exemple.

R: Ce n'est pas une biographie. Un jour, je vais la sortir, ma biographie, parce qu'à l'heure actuelle, il y a plein de choses que je ne peux pas dire à propos de moi. Il y a des choses qui sont en train de se passer dans ma vie, des choses assez... des choses dont je ne veux pas parler. Ce n'est pas le moment pour moi de sortir ça. Je pourrais le faire, je ferais de l'argent, mais je ne me sentirais pas bien avec ça. Peut-être qu'un jour je le ferai. Parce que c'est quand même délicat. Ce livre-là est davantage un plan de vie, il raconte la méthode que j'ai prise pour arriver où je suis.

Q: Est-ce que tu aimes autant t'entraîner qu'avant?

R: Ce qui est le plus difficile dans ma carrière, ce n'est pas l'aspect physique, mais mental. Physiquement, je suis en pleine forme, je pourrais faire ça jusqu'à 50 ans. Mais au niveau mental, c'est tellement de stress, tellement de pression. Surtout mes deux derniers combats à Montréal. Je me sentais coincé. C'est important pour moi maintenant de prendre du temps de repos pour revenir plus fort.

Q: Est-ce toi qui as demandé que ton prochain combat soit à Las Vegas?

R: Non. Je n'ai pas demandé à Dana White d'aller me battre ailleurs. De toute manière, rien n'est officiel et peut-être que ça va être à Montréal. Je sais que Dana aimerait que j'aille me battre aux États-Unis ou ailleurs dans le monde. Le contrat n'est pas encore signé, et le combat aura sûrement lieu après l'été.

Q: Tu sembles avoir beaucoup d'admiration pour des boxeurs comme Lennox Lewis ou Joe Calzaghe, qui ont pris leur retraite au sommet de leur carrière. Combien te reste-t-il de combats?

R: Je ne sais pas. C'est vrai que mon but est de partir au sommet de ma carrière. Par contre, quand un combattant part au sommet, il se fait critiquer. Le monde dit: "Il aurait encore pu faire ça, encore pu faire ci, il part parce qu'il a peur de tel gars..." Mais de partir au sommet de sa carrière, c'est le secret. En partant trop tard, comme bien des boxeurs l'ont fait - comme Muhammad Ali ou Roy Jones - on prend des coups et ce n'est pas bon pour la santé. Moi, dans la vie, j'ai d'autres buts. Un jour, j'aimerais me marier et avoir plusieurs enfants, fonder une famille et tout ça. Dans les conditions dans lesquelles je vis, c'est quasiment impossible. Pour le moment, c'est ma carrière et un jour, ce sera autre chose.

Q: Tu te vois à Montréal après ta carrière?

R: C'est sûr et certain que je vais rester à Montréal. Ma famille est ici, ma culture. Je ne déménagerai pas, ça me surprendrait beaucoup, même s'il ne faut jamais dire jamais. Je pense vraiment que je vais rester au Québec.