Lucian Bute était tout sourire dimanche matin au moment de rencontrer les journalistes. Dans un perfecto noir, avec sa gueule d'acteur immaculée, sans même un petit bleu qui trahisse sa profession de boxeur, le Montréalais a fait le point sur le combat de la veille: une soirée presque parfaite.

Son face-à-face contre Glen Johnson (51-16-2, 35 K.-O.) s'est soldé samedi par une victoire par décision unanime des juges. Sa domination de Johnson - un vieux routier qui semblait tétanisé devant le boxeur de 31 ans - a été diffusée à la télévision aux États-Unis, où Bute (30-0, 24 K.-O.) espère se battre dès l'année prochaine.

Comment juge-t-il sa performance? Lorsqu'il s'est réveillé dimanche, Lucian Bute est resté au lit quelques instants pour «visualiser le combat». Il a expliqué ce processus au détour d'une phrase, sans plus, mais c'était pour montrer que la réponse avait été longuement mûrie.

«Je suis très content de ma performance d'hier soir. J'ai gagné tous les rounds et j'ai pris de l'expérience. Johnson est un adversaire dur à boxer. Je l'ai touché solidement au premier round et j'ai senti qu'à partir de ce moment il a ralenti. Je m'attendais à un Glen Johnson plus agressif.»

«J'ai senti à la fin du combat que les gens n'étaient pas excités parce que je ne l'avais pas mis K.-O., mais ça arrive, à la boxe, des choses comme ça», a ajouté le champion IBF des super-moyens (168 livres), qui en était à la neuvième défense consécutive de son titre.

Le combat de samedi mettait un terme à une semaine de boxe frénétique dans la vieille capitale. Pas un jour ne s'est passé sans que les radios, les journaux et les télés de Québec ne parlent de ce combat de championnat au Colisée. Les attentes étaient élevées et il ne fallait pas aller loin dimanche pour trouver des mécontents.

À l'employé d'un hôtel qui lui demandait en matinée si le combat avait été bon, un client, bagages en main, n'a pas hésité: «Non. Le gars, Johnson, n'est pas venu pour se battre. S'il était venu pour se battre, il y aurait eu un K.-O. Il faut être deux pour danser le tango.» L'homme a réglé puis est reparti pour Montréal, pour le Saguenay, qui sait, mais il est reparti déçu.

L'entraîneur du champion a été le premier à sentir cette lourde pression. «C'est la première fois qu'on n'est pas super excités après un combat de Lucian, parce qu'il n'y a pas eu de K.-O.», a reconnu Stéphan Larouche.

«On avait deux choix hier: on avait le choix de faire une guerre avec Johnson et de donner le spectacle de la mort au risque de perdre, ou de boxer intelligemment, de lui donner une leçon de boxe et d'y aller pour le K.-O. s'il se présente, a expliqué l'entraîneur. C'est cette option qu'on a choisie.»

Mais le K-.O. ne s'est pas présenté. Dans la foule de 15 306 personnes au Colisée, plusieurs tenaient au knockout. Certains vont à la boxe en pensant qu'ils vont à la boucherie. Larouche a rappelé qu'il y avait aussi de la beauté dans un combat de 12 rounds, dans une maîtrise technique et tactique.

«Lucian a écrit la formule, il a écrit un livre, hier, sur comment battre un gars dangereux sans que ce soit dangereux», a dit Larouche.

«La performance de Lucian, c'est un peu une oeuvre d'art.»

Froch dans la ligne de mire

Le combat de samedi vient clore une année faste pour Lucian Bute. Il s'est battu trois fois en 2011 et a obtenu autant de victoires. L'un de ces combats a eu lieu en Roumanie: «C'était un rêve de longue date que j'ai réalisé», a dit le boxeur.

Pour 2012, Bute espère réaliser un autre rêve, celui de boxer aux États-Unis. Son promoteur, Jean Bédard, d'InterBox, suggère la ville de New York. «C'est près de notre marché, a-t-il expliqué. Plusieurs Québécois seraient prêts à faire sept heures de voiture pour aller voir Lucian.»

Mais le Québécois d'origine roumaine pourrait aussi se battre en Angleterre. L'Anglais Carl Froch semble le choix privilégié d'InterBox. Le promoteur laissait déjà entendre que Bute devrait affronter le gagnant du Super Six, un tournoi opposant les meilleurs boxeurs de 168 livres.

Mais dimanche, Jean Bédard a avancé que Carl Froch serait un excellent adversaire même s'il perdait la finale du tournoi contre Andre Ward, le 17 décembre. Ward «vend bien peu de billets» et son promoteur «est un gars bien gourmand», a dit Bédard.

Les spéculations peuvent commencer. Lucian Bute, lui, va se reposer.

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Glen Johnson était blessé

Au lendemain de son combat contre Lucian Bute, Glen Johnson a expliqué pourquoi il n'avait pas mis plus de pression sur le boxeur québécois. L'Américain de 42 ans dit s'être blessé à la main droite au quatrième round. «Bute est dur à battre à deux mains, à une main c'est impossible», a-t-il dit.

Sans amertume, Johnson a salué la victoire de son ancien partenaire d'entraînement. «J'ai beaucoup de respect pour Bute, c'est un bon dude

Johnson a déjà livré un combat serré à Carl Froch, le possible prochain adversaire du Bute. Selon lui, lequel des deux remporterait un duel? «Bute. Je ne pense pas que Froch soit un très bon boxeur.»