Les choses ont changé du tout au tout cette saison pour Katherine Stewart-Jones. Comme s’il y avait eu un déclic. La meilleure version d’elle-même pourrait réécrire l’histoire du ski de fond canadien, car elle a choisi de se faire confiance. Et ce n’est que le début.

Stewart-Jones était fatiguée après avoir livré la meilleure course de sa carrière. Elle l’était tout autant le lendemain, en raison des contrecoups d’avoir tout laissé sur la piste.

À peine 24 heures s’étaient écoulées depuis sa 11e place à l’épreuve du 20 kilomètres style libre lorsque la fondeuse a décroché pour répondre à l’appel de La Presse. Le soleil était couché depuis des heures à Davos.

Ce résultat obtenu par l’athlète de Chelsea, en Outaouais, est le meilleur pour une fondeuse canadienne en Coupe du monde depuis la 10e place de Perianne Jones en janvier 2014. Le meilleur pour une Québécoise depuis la 6e place de Marie-Andrée Masson en mars 1985.

La saison 2022-2023 de Stewart-Jones est un véritable conte de fées. Enfin, ses vœux se réalisent. Au cours des trois dernières saisons, elle avait réalisé sept top 30 lors d’épreuves individuelles. Elle en a six en sept courses depuis le début du calendrier, dont quatre top 20. Son attitude, sa dégaine et son aplomb en piste semblent inébranlables.

À 27 ans, elle est en train de faire de la lumière dans l’ombre. Du bruit en silence. Son visage peut-être méconnu pourrait devenir celui du ski de fond canadien avant longtemps.

Faire ses propres choix

« Pour moi, la constance à l’entraînement a toujours rimé avec la constance en course », a révélé Katherine Stewart-Jones au sujet de sa transformation. À son avis, ses brillants résultats sont le fruit d’une implication sans relâche à l’entraînement.

Le dévouement de cette travailleuse acharnée est remarqué par ses coéquipiers. « Elle est à 100 % dans son entraînement, raconte Antoine Cyr. Elle est vraiment déterminée et elle a toujours été comme ça. »

La seule différence étant qu’aujourd’hui, elle décide elle-même de la nature de ses entraînements.

J’ai toujours voulu avoir le contrôle sur mon entraînement. Je fais presque tout mon plan toute seule.

La fondeuse Katherine Stewart-Jones

Elle est épaulée par ses entraîneurs, mais elle se sent davantage en contrôle. Elle connaît ses besoins mieux que quiconque et cette nouvelle manière de procéder fait déjà ses preuves.

Elle évoque « plus de responsabilités » quand elle tente d’expliquer pourquoi elle connaît tant de succès, soudainement. « Je voulais avoir plus de contrôle sur mon propre succès. J’ai commencé à mettre mes idées dans mon plan d’entraînement. Ça favorise la motivation », souligne-t-elle.

Changer de perspective

Son rendement actuel lui permet de rêver. Elle s’est hissée parmi les meilleures fondeuses au monde, alors de facto, ses objectifs ont évolué en ce sens.

« En fin de semaine, je me disais qu’un top 20 serait cool, mais un top 15 serait encore mieux, parce que je sais que j’en suis capable. »

Pour la deuxième période de la saison, y compris le Tour de ski, elle vise un top 10.

Pour y arriver, « il [lui] manque juste un peu de forme ». Les meneuses au classement skient plus de 800 heures par année depuis 10 ans, précise Stewart-Jones. Étant donné qu’elle a commencé à s’entraîner à temps plein « plus tard dans [sa] vie », accéder à un éventuel podium demandera plus de temps.

Elle n’a pas la chance d’avoir une base et des ressources semblables à celles de Jessie Diggins ou Frida Karlsson, mais la Québécoise est patiente. Principalement, parce qu’elle a le privilège de vivre de sa passion. « Ça m’a pris quatre ans pour passer du top 30 au top 20, mais là, ça va me prendre quelques années pour me rendre au podium. »

Seule, ensemble

Force tranquille et coéquipière estimée, à l’image de son modèle Sadie Bjornsen, la 15e skieuse au monde en distance pourra assurément compter sur l’appui de sa famille d’ici à son premier podium.

Son frère aîné Andrew vit à Terrace, en Colombie-Britannique, son autre frère Patrick habite à Halifax, en Nouvelle-Écosse, et sa sœur jumelle Emilie réside à Whitehorse, au Yukon. Malgré tout, toute la famille la suit à distance, d’un océan à l’autre. Son père, toujours en Outaouais, « est un gros fan de ski de fond » : « Il m’appelle après chaque fin de semaine pour parler des courses. »

La saison est encore jeune, mais Stewart-Jones est déjà bourrée de confiance. « Mentalement, je suis à une bonne place. » Elle passe le temps des Fêtes en Suisse, question de reprendre des forces pour la suite.

Même si elle admet être « contente, mais jamais pleinement satisfaite » de ses courses, elle est consciente de son excellent rendement et de ce fameux déclic. Néanmoins, à 27 ans, elle refuse de croire qu’elle est à son apogée. « En fait, je pense que c’est juste le début. »