Annoncée depuis deux semaines et attendue avec impatience par le public, une conférence de presse de la police de London a fourni peu, voire pas de nouvel éclairage sur l’agression sexuelle alléguée qui serait survenue en marge d’un évènement de Hockey Canada en 2018. Le corps policier, toutefois, a offert ses excuses formelles à la victime pour la manière dont s’est déroulée l’enquête.

Une femme affirme avoir été agressée dans une chambre d’hôtel de London par des membres de l’équipe canadienne ayant remporté la médaille d’or au Championnat du monde junior 2018. Cinq hockeyeurs – Dillon Dube, Cal Foote, Alex Formenton, Carter Hart et Michael McLeod – font aujourd’hui face à des accusations d’agression sexuelle.

Peu de temps après l’évènement de juin 2018, la police de London a ouvert une enquête qu’elle a conclue, sans accusations, en février 2019. Ce n’est qu’en juillet 2022, après que l’affaire eut été révélée au public et que de « nouveaux éléments de preuves et de nouvelles informations » eurent été dévoilés, que l’enquête a été rouverte. Un an et demi après la réactivation du dossier, et cinq ans et demi après l’agression alléguée, des suspects sont accusés.

« J’offre mes sincères excuses à la victime et à sa famille pour le temps que ça aura pris pour atteindre ce point », a déclaré Thai Truong, chef de la police de London, lundi après-midi.

« Ça n’aurait pas dû être si long, a-t-il ajouté plus tard pendant le point de presse de quelque 45 minutes. Ça ne devrait pas prendre des années avant d’arriver à ce résultat. »

Aucune victime d’agression sexuelle ne devrait devoir attendre aussi longtemps.

Thai Truong, chef de la police de London

Il a toutefois refusé d’affirmer que le service qu’il dirige a commis des « erreurs » en 2018 et en 2019, et a précisé qu’il n’était « pas anormal », dans le cas d’actes criminels, que des dossiers soient fermés puis rouverts.

En 2022, une « révision » du dossier a été confiée à la sergente-détective Katherine Dann, de l’unité des agressions sexuelles et des abus contre les enfants. Cette « révision », jumelée à la divulgation de nouvelles informations, a mené à la réouverture formelle de l’enquête, à laquelle de nouvelles ressources ont été allouées. Les personnes affectées à l’enquête initiale « ne font plus partie de cette équipe en ce moment », a indiqué Thai Truong.

Peu de réponses

Malgré les multiples questions des représentants des médias, les deux agents de la paix ont fourni très peu de réponses concrètes sur le processus d’enquête, puisque l’affaire est désormais devant les tribunaux.

M. Truong comme Mme Dann ont répété à de multiples reprises qu’ils n’étaient pas en mesure de divulguer de détails additionnels autres que ceux qu’ils ont fournis dans leur allocution d’ouverture respective.

M. Truong a parlé d’un processus « long et complexe » ayant mené aux accusations d’agression sexuelle. Michael McLeod est en outre accusé « d’avoir participé à une infraction », soit d’avoir aidé quelqu’un à la commettre, a expliqué Mme Dann.

Avant que l’enquête criminelle ne soit rouverte, en 2022, la victime avait intenté une poursuite au civil contre d’ex-joueurs de la Ligue canadienne de hockey et Hockey Canada. La fédération avait alors prestement conclu une entente à l’amiable avec elle en échange d’une somme d’argent et d’une entente de confidentialité. Cette entente ne restreint toutefois pas le dépôt d’accusations au criminel. La victime, à l’époque, disait avoir été agressée par huit personnes.

Mme Dann n’a pas écarté que des accusations additionnelles soient portées plus tard, sans pour autant préciser le niveau de collaboration d’autres joueurs dans ce dossier.

Nous avons déposé des accusations en fonction des preuves que nous possédions.

La sergente-détective Katherine Dann

C’est par ailleurs cette poursuite au civil qui avait permis de connaître le fil des évènements, confirmé lundi par la police de London.

Le 18 juin 2018, après un banquet de Hockey Canada au cours duquel on a honoré l’équipe ayant remporté la médaille d’or au Championnat du monde junior, des joueurs se sont rendus dans un bar du centre-ville de London, où ils ont fait la rencontre de la victime. Celle-ci aurait accompagné l’un des joueurs dans un hôtel à proximité, où ils auraient eu une relation sexuelle. Des coéquipiers du premier joueur seraient alors entrés dans la chambre et auraient agressé la jeune femme avec lui.

La victime a « pleinement collaboré » avec la police à partir du moment de la dénonciation « jusqu’à aujourd’hui », a noté Thai Truong.

En 2022, Hockey Canada et la Ligue nationale de hockey ont aussi ouvert des enquêtes sur cette même affaire. Dans les deux cas, aucune conclusion n’a encore été révélée au public. Ces processus parallèles ont « ajouté de la complexité au dossier », a avoué la sergente-détective Katherine Dann, sans s’avancer davantage. Elle a toutefois affirmé ne pas avoir eu de communications avec la LNH « au cours des derniers mois ».

Comparution

Les cinq accusés ont comparu devant la Cour de London, lundi matin.

PHOTOS MATT SLOCUM, NOAH K. MURRAY, PAUL SANCYA, COREY SIPKIN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Les cinq accusés, de gauche à droite : Alex Formenton, Cal Foote, Michael McLeod, Dillon Dube et Carter Hart

Aucun des cinq prévenus ne s’est présenté au palais de justice – ils s’étaient déjà rendus à la police au cours des derniers jours. Leurs avocats ont discuté avec la cour par vidéoconférence. Aucun plaidoyer n’a encore été déposé jusqu’ici, mais il est attendu que les cinq hommes plaident non coupables.

Selon les médias sur place, le juge a imposé un avis de non-publication sur l’identité de la victime et sur celle de deux témoins clés. La Couronne a déclaré disposer de preuves « substantielles », que ce soit par écrit ou sur bande audio, réunies par la police de London. Toutes les parties repasseront en cour le 30 avril.

Lisez « La suite des choses en cinq questions »

Quatre des cinq prévenus – Hart (Flyers de Philadelphie), Dube (Flames de Calgary), Foote et McLeod (Devils du New Jersey) – évoluaient dans la LNH jusqu’à tout récemment. Quant à Formenton, ses droits appartiennent aux Sénateurs d’Ottawa, mais aucun contrat ne le lie à l’équipe depuis juillet 2022. Il évolue depuis ce temps avec le HC Ambri-Piotta, en Suisse. Tous les joueurs ont obtenu, il y a quelques jours, un congé jusqu’à nouvel ordre de leur club respectif.

La semaine dernière, en marge de la présentation du match des Étoiles à Toronto, le commissaire de la LNH, Gary Bettman, a affirmé qu’il serait « surpris » que les accusés jouent de nouveau cette saison. Les quatre qui ont actuellement un contrat deviendront joueurs autonomes avec restriction l’été prochain : chaque organisation aura alors le choix de leur offrir une nouvelle entente, de retenir leurs droits sans contrat ou de couper les ponts avec eux en ne leur déposant pas d’offre qualificative.

Le commissaire a par ailleurs le pouvoir de les suspendre ou de résilier leurs contrats sur-le-champ en raison des accusations qui pèsent sur eux, mais M. Bettman n’a pas laissé entendre jusqu’ici qu’il se prévaudrait de cette option.

Les joueurs d’ECJ 2018 toujours suspendus par Hockey Canada

Hockey Canada a profité du point de presse de la police de London pour déclarer, dans un communiqué, que la fédération avait « collaboré pleinement » à l’enquête du corps de police et que « l’organisation continuera de soutenir le processus judiciaire ». Du même souffle, Hockey Canada rappelle que les conclusions de l’enquête qu’elle a commandée sur les évènements de 2018 font présentement l’objet d’un appel. Tant que cette procédure ne sera pas bouclée, on ne saura pas quelles sanctions seront imposées aux joueurs fautifs. « D’ici la conclusion du processus d’appel, tous les joueurs de l’équipe nationale junior 2018 demeurent suspendus de Hockey Canada et sont actuellement inadmissibles à titre de joueurs, d’entraîneurs, d’officiels ou de bénévoles au sein des programmes sanctionnés par l’organisation », écrit-on encore. Cette suspension a déjà empêché tous les joueurs d’Équipe Canada junior 2018 de participer au Championnat du monde le printemps dernier.