Bien qu’une évidente logique géographique associe Ann-Renée Desbiens à l’équipe de Montréal dans la nouvelle Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF), il n’est pas exclu que la gardienne fasse ses valises. La Québécoise a en effet reçu des offres de quatre des six équipes du circuit, a appris La Presse.

Deux clubs canadiens et deux autres situés aux États-Unis ont démontré « un grand intérêt » à son égard, confirme son agent, Nicola Riopel, sans toutefois révéler lesquels. Les équipes de la LPHF seront établies à Montréal, Ottawa, Toronto, Boston, New York et St. Paul, au Minnesota. Le clan Desbiens prendra une décision « très, très prochainement ».

« Très tôt », après l’ouverture du marché, vendredi dernier à 13 h, le téléphone de Riopel a sonné. Et ce, alors que « beaucoup de gens pensaient qu’il y aurait peu de gardiennes sollicitées ». Il y en a en tout cas une qui retient l’attention. Ce qui n’est pas surprenant : à 29 ans, la native de Charlevoix est considérée comme la joueuse la plus dominante du monde à sa position.

Pour former leur équipe, les directeurs généraux ont jusqu’à dimanche prochain pour embaucher trois joueuses autonomes. On peut s’attendre à ce qu’une série de signatures soient confirmées au cours des prochains jours. Un repêchage d’expansion de 15 tours sera ensuite tenu le 18 septembre.

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Ann-Renée Desbiens aux plus récents Jeux olympiques

Sur le plan salarial, la marge de manœuvre des administrateurs n’est pas très élevée. Les 23 joueuses de chaque équipe devront empocher une somme moyenne de 55 000 $ US, l’équivalent de quelque 75 000 $ CAN. Neuf athlètes au maximum pourront gagner le salaire minimum de 35 000 $ US (un peu moins de 48 000 $ CAN), et au moins six joueuses devront empocher 80 000 $ US et plus (quelque 109 000 $ CAN). L’Association des joueuses devra bientôt trancher à savoir si les salaires individuels seront rendus publics ou non.

Stratégies

Les joueuses autonomes appartiendront évidemment au groupe des mieux payées. Et les contrats de la braquette supérieure devront être valides pour une durée de trois ans.

Sans entrer dans les détails, Nicola Riopel, président de la firme Propulsion, souligne qu’il y a une certaine disparité entre les offres qu’a reçues sa cliente. Or, sans surprise, personne n’a allongé une somme astronomique non plus, vu les contraintes avec lesquelles doivent travailler les organisations.

« Ce qu’on veut, c’est maximiser la compensation, sans prendre une trop grosse pointe de la tarte », poursuit l’agent. Sans comparable existant, Desbiens et lui s’intéressent particulièrement à la « structure », ou à la stratégie, que souhaite mettre en place chaque directeur général ou directrice générale. Par exemple, une équipe voudra-t-elle miser toutes ses billes sur des attaquantes ? Ou d’emblée bâtir sur une défense et une gardienne solides ?

C’est ce type de questions qui fait dire à Karell Émard, agente de la firme Quartexx, que le repêchage sera « très intéressant ».

« Ça va donner beaucoup d’informations [sur la philosophie des DG], croit-elle. Ce sera vraiment emballant. »

Son téléphone n’a pas dérougi du dernier week-end, affirme-t-elle, et certaines de ses clientes ont déjà des ententes en poche. Bien qu’elle se garde de dévoiler leur identité, soulignons que des olympiennes canadiennes et américaines sont au nombre des clientes de Quartexx.

Spencer Gillis, qui représente une douzaine de joueuses issues de la défunte Premier Hockey Federation (PHF), notamment les Québécoises Élizabeth Giguère et Ann-Sophie Bettez, s’attend à voir les membres des sélections nationales être embauchées en priorité. Les échanges qu’il a eus jusqu’ici avec les directions des clubs lui laissent toutefois croire qu’il y a un « grand intérêt » envers les anciennes de la PHF. « Ils veulent les meilleures joueuses, point », dit-il.

Lui aussi s’attend à ce que le marché des joueuses autonomes offre d’emblée une idée de l’identité que les DG veulent donner à leur formation.

Rondement

Malgré le défi que représente la négociation des premiers contrats d’une ligue naissante, les choses se déroulent ici rondement, assure Karell Émard. Particulièrement en raison de la clarté de la convention collective et du principe fondamental de l’équité qui la soutient : hormis les sommes versées, toutes les joueuses auront une entente identique sur le plan des conditions de travail et des avantages sociaux. Toutes seront admissibles à une allocation de logement atteignant 1500 $ US par mois (quelque 2000 $ CAN), aux mêmes assurances, aux mêmes bonis de performance.

Émard, qui vient tout juste de mettre fin à sa carrière sur la glace, a été impliquée dans l’association des joueuses de la défunte Ligue canadienne, dissoute en 2019, puis dans l’Association des joueuses professionnelles, qui a mené à la création de la LPHF. Elle parle donc en connaissance de cause lorsqu’elle évoque le « modèle d’affaires solide » que rend possible cette convention collective « historique », qu’elle utilise aujourd’hui au nom de ses clientes.

« Peu de gens nous croyaient quand on disait qu’on allait enfin avoir une ligue professionnelle digne de ce nom », rappelle-t-elle. C’est pourtant arrivé.

« Les joueuses sont surexcitées, abonde Spencer Gillis. Tout le monde est optimiste avec ce qui s’en vient. Elles voudraient que ça commence demain. »

Il faudra toutefois attendre jusqu’en janvier.