Lorsque Danièle Sauvageau parle du « summum » que représente la création, enfin, d’une ligue professionnelle permettant à des femmes de gagner leur vie avec le hockey, elle ne lance pas ce mot à tout hasard.

Depuis presque 30 ans, elle a vu joueuses et entraîneures se battre pour défendre leur légitimité et celle de leur sport. Elle y compris : aussi surprenant que cela puisse paraître, celle qui vient d’être nommée directrice générale de l’équipe de Montréal dans la nouvelle Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF) décroche du même coup son premier emploi à temps plein avec une équipe.

Lorsqu’elle est devenue la première femme à apparaître derrière le banc d’une équipe junior canadienne en 2000, et encore lorsqu’elle a mené la formation canadienne à la médaille d’or aux Jeux olympiques de Salt Lake City en 2002, elle menait en parallèle une carrière de policière.

C’est donc à plusieurs rêves que Sauvageau touche ces jours-ci. Celui d’une ligue aux reins solides ; celui d’une équipe à Montréal ; et celui d’un rôle de gestion en bonne et due forme.

Jamais, a-t-elle confié vendredi en visioconférence, elle n’oubliera l’appel téléphonique qui lui a confirmé, il y a quelques jours, sa nomination comme directrice générale du club naissant de la métropole. C’est Jayna Hefford, qui a joué sous ses ordres avec l’équipe nationale et qui occupe aujourd’hui le poste de vice-présidente aux opérations hockey de la LPHF, qui lui a transmis la nouvelle. Depuis, la nouvelle DG avoue flotter sur une espèce de nuage.

« Je ne peux pas décrire ce que je ressens avec des mots, a-t-elle raconté. Je me sens fière, privilégiée. »

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Danièle Sauvageau derrière le banc des Canadiennes de Montréal, en 2018

Il serait prétentieux d’affirmer que la fonction lui revenait. Mais Danièle Sauvageau présentait assurément une candidature incontournable. Depuis deux décennies, elle fait figure de sage du hockey féminin au pays. C’est aussi elle qui a mis sur pied le Centre de haute performance 21,02, lieu d’entraînement situé à l’auditorium de Verdun et vers lequel ont convergé des joueuses de l’équipe nationale au cours des dernières années. L’organisation fournit aussi des ressources pour des équipes féminines de tous les calibres. Un modèle inédit.

L’administratrice ne s’en cache pas : à la base du Centre 21,02, dont le nom réfère à la date du triomphe olympique de 2002, il y avait l’idée de soutenir une équipe montréalaise dans une ligue à créer. Or, « pour les joueuses, c’est bien de s’entraîner quotidiennement, mais elles doivent jouer », a rappelé Mme Sauvageau. C’est ce qui arrivera à compter de janvier prochain, lorsque seront disputés les premiers matchs de la LPHF.

La DG délaissera d’ailleurs ses fonctions de gestionnaire du Centre ; d’une part pour se consacrer à temps plein à sa nouvelle équipe, et d’autre part pour éviter les apparences de conflit d’intérêts, alors que la formation s’entraînera vraisemblablement à Verdun. Il ne faudrait pas se surprendre non plus qu’on y présente aussi des matchs locaux.

Danièle Sauvageau conserve néanmoins son rôle de directrice générale des Carabins de l’Université de Montréal qui, malgré son libellé, représente surtout un mandat de soutien et de mentorat pour le programme qu’elle a contribué à mettre sur pied.

Bientôt Poulin ?

La LPHF a présenté vendredi les quatre directrices générales et deux directeurs généraux qui prennent les rênes des six formations du nouveau circuit. Le nom le plus surprenant st possiblement celui de Pascal Daoust, qui devient patron à New York, après avoir été le DG des Foreurs de Val-d’Or de 2016 à 2023. Gina Kingsbury (Toronto), Michelle Marmer (Boston), Natalie Darwitz (Minnesota) et Michael Hirshfield (Ottawa) complètent la liste.

Quelques minutes à peine après la longue rencontre de presse virtuelle, le marché des joueuses autonomes s’est ouvert. Chaque équipe a maintenant 10 jours pour s’entendre avec jusqu’à trois joueuses, en attendant le repêchage d’expansion du 18 septembre.

On pourrait donc savoir très vite où aboutiront les plus grandes étoiles de la planète.

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Marie-Philip Poulin et Ann-Renée Desbiens

La joueuse la plus courue sur le marché sera certainement l’attaquante Marie-Philip Poulin. Sans rien promettre, Danièle Sauvageau a dit avoir « confiance » de s’entendre avec la capitaine de la sélection nationale. On peut présumer qu’Ann-Renée Desbiens, considérée comme la meilleure gardienne de la planète, recevra un coup de téléphone rapidement.

À Montréal comme dans les autres marchés de la LPHF, tout reste encore à bâtir. Aucun club n’a encore de nom, encore moins de logo. Sauvageau n’exclut pas de ressusciter le nom des Canadiennes, encore qu’elle ne sache pas si c’est même possible de le faire. « On verra au cours des prochains jours, des prochaines semaines, des prochains mois », a-t-elle dit, prudemment. L’identité de celui ou celle qui prendra le rôle d’entraîneur-chef sera aussi dévoilée sous peu, comprend-on. Cette personne a déjà été choisie, a indiqué la DG, sans ouvrir son jeu.

Plutôt que de se perdre dans les détails, Danièle Sauvageau préfère se réjouir du « beau cadeau qu’on nous offre aujourd’hui ». « J’ai hâte, surtout, au premier match, a-t-elle lancé. Tout ce que j’ai en tête, c’est de voir l’officiel laisser tomber la rondelle sur la patinoire. »

Il y a, d’ici là, encore beaucoup de travail à accomplir. Afin que le rêve devienne pleinement réalité. Pour de bon.

En bref

Pas de surenchère en vue

Un journaliste a demandé à Danièle Sauvageau si elle s’attendait à une surenchère entre les équipes pour mettre la main sur Marie-Philip Poulin ou sur une autre grande vedette. La directrice générale a indiqué que non, invoquant notamment des règles établies dans la convention collective ratifiée par les joueuses. Chaque équipe doit en effet conserver une moyenne salariale de 55 000 $ par joueuse, avec un maximum de 9 joueuses payées au salaire minimum de 35 000 $. Personne ne pourrait donc déposer une offre démesurée sans déséquilibrer son budget. Gina Kingsbury, nouvelle DG à Toronto, a néanmoins dit, qu’elle se risquerait à un appel à Poulin afin de s’enquérir de son intérêt de déménager dans la Ville-Reine. Son sourire amusé trahissait ses faibles chances de succès.

Montréal aura les 6e et 7e choix

La LPHF a dévoilé l’ordre des sélections au repêchage de 15 tours qui aura lieu le 18 septembre prochain. Le hasard a attribué au Minnesota le tout premier choix du premier tour, et à Montréal, le sixième. Puisque l’ordre sera inversé à chaque tour, Montréal s’exprimera immédiatement après, soit au septième rang. Toronto et Boston ont obtenu, respectivement, le deuxième et le troisième choix au total. En cette saison inaugurale, les équipes ne pourront s’échanger de choix au repêchage.

Gina Kingsbury quitte Hockey Canada

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Gina Kingsbury

En acceptant le poste de DG à Toronto, Gina Kingsbury a dû démissionner de son poste chez Hockey Canada, où elle dirigeait le programme national féminin depuis cinq ans. La séparation a été harmonieuse, a-t-elle assuré, mais elle souhaite qu’elle ne soit pas éternelle. Kingsbury espère en effet demeurer à la tête de la sélection qui prendra part aux Jeux olympiques de 2026 à Milan. « Du côté masculin, pour les Jeux [ou les championnats du monde], les directeurs généraux viennent de la LNH, a-t-elle rappelé. Nous sommes en discussions. » Si Hockey Canada l’acceptait, les gestionnaires ou les entraîneurs de la LPHF pourraient ainsi décrocher des mandats temporaires. Des pauses seront par ailleurs prévues dans le calendrier à l’approche des grands rendez-vous mondiaux que les athlètes puissent y participer.

Nomination étonnante à Ottawa

Les questions des journalistes sont restées polies, mais convergeaient vers un même objectif : déterminer de quelle manière Michael Hirshfield, nouveau directeur général à Ottawa, est la personne la plus qualifiée pour former l’équipe qui défendra les couleurs de la capitale fédérale. Car si cet avocat de formation est dans le monde du hockey depuis plusieurs années, notamment par son récent rôle de directeur de l’Association des entraîneurs de la LNH, il n’a strictement aucune expérience comme entraîneur, recruteur ou DG d’une équipe. Le gestionnaire de carrière ne s’est toutefois pas défilé. Conscient de ses attributs et de ceux qu’il n’a pas, il ne s’est jamais gêné, dit-il, pour s’entourer de personnes capables de l’aider à atteindre ses objectifs. Déjà, il a parlé à André Tourigny (Coyotes de l’Arizona), Guy Boucher (Maple Leafs de Toronto) et D. J. Smith (Sénateurs d’Ottawa), qui lui ont prodigué des conseils. Et il s’est adjoint un groupe de personnes, dont il n’a pas révélé l’identité, pour l’aider à mener à bien le repêchage et l’embauche de joueuses autonomes. « Mon approche, comme leader, mise sur la collaboration, a-t-il résumé. Je n’ai pas peur de poser des questions. Nous ne serons pas désavantagés par rapport aux autres équipes. »

L’équipe d’Ottawa jouera à la Place TD

Michael Hirshfield a par ailleurs été le seul à dévoiler le futur aréna qui hébergera son équipe. Il s’agit de la Place TD, domicile des 67s, dans la Ligue junior de l’Ontario. L’amphithéâtre de 6500 places assises est attenant au terrain où jouent les Redblacks, dans la Ligue canadienne de football, à un jet de pierre du canal Rideau. Les femmes joueront donc beaucoup plus près du centre-ville que le font les Sénateurs, prisonniers du Centre Canadian Tire, à Kanata, à plusieurs kilomètres de là.