La direction du Canadien a été fidèle à sa parole. La phase de rajeunissement de l’équipe est massive. Pour le match d’ouverture, mercredi soir, le CH comptera sept joueurs de 23 ans ou moins dans sa formation, soit presque le tiers de l’équipe, et quinze ont 27 ans ou moins.

Seuls Brendan Gallagher, Evgenii Dadonov, Mike Hoffman, David Savard, Chris Wideman et Jake Allen ont atteint la trentaine, mais Dadonov est le plus vieux à 33 ans, et il ne sera plus à Montréal après la date limite des échanges.

Le pari est surprenant en défense. Kent Hughes avait pourtant manifesté sa volonté de ne pas envoyer plus de deux recrues au front. Il y en aura quatre pour ouvrir la saison : Kaiden Guhle, 20 ans, Jordan Harris, 22 ans, Arber Xhekaj, 21 ans, et Johnathan Kovacevic, 25 ans.

La blessure à Joel Edmundson change évidemment la donne, mais un gestionnaire prudent aurait sans doute gardé de défenseurs dans la mi-vingtaine comme Corey Schueneman et Otto Leskinen à Montréal, malgré leur potentiel limité, pour permettre à Harris et Xhekaj, par exemple, de se développer à leur rythme dans la Ligue américaine.

On mise sur Martin St-Louis, avec sa pédagogie et son intelligence émotionnelle, pour permettre à ces jeunes de s’épanouir malgré les rigueurs de la LNH. On garde ces jeunes même s’ils n’ont pas prouvé hors de tout doute qu’ils appartenaient à la Ligue nationale.

Guhle a probablement été le seul en défense à montrer l’étoffe d’un joueur établi. Harris a été supérieur à Justin Barron, et ses instincts offensifs ne font pas de doute, mais il a eu des difficultés par moment à bien répondre à l’échec-avant soutenu de l’adversaire. Mais il s’est amélioré au fil des matchs préparatoires et semble nettement plus à l’aise à gauche.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Kaiden Ghule

Xhekaj apporte une dimension différente au Canadien. Il est monstrueux, à 6 pieds 4 pouces et 238 livres. Et très mobile pour un défenseur de sa taille. Il n’est pas dénué d’habiletés individuelles non plus. Et cruel à souhait.

Lors du dernier match préparatoire, l’entraîneur D. J. Smith a employé trois durs à cuire et reposé la plupart de ses stars entre autres en raison de la présence de ce jeune colosse. Quand vous modifiez le plan de match de l’adversaire, vous avez un impact certain.

Il y a encore plusieurs failles dans le jeu de Xhekaj, jamais repêché, ni dans les rangs juniors, encore moins dans la LNH, mais on le fait passer de l’école secondaire à l’université en raison de sa progression fulgurante.

Même stratégie à l’attaque. On aurait aisément pu envoyer Juraj Slafkovsky, 18 ans, entamer sagement la saison à Laval, dans la Ligue américaine. On lui a plutôt donné toutes les chances possibles de se distinguer, de façon à le garder à Montréal.

Le jeune homme n’a pas marqué, mais il s’est distingué par ses batailles le long des rampes et une vision du jeu étonnante. Non seulement le garde-t-on avec l’équipe, on écartera des vétérans, sans doute Jonathan Drouin, et Michael Pezzetta, un régulier l’an dernier, pour lui faire une place dans la formation mercredi.

On a même donné un match complet à Cayden Primeau, 23 ans, vers la fin du calendrier préparatoire. Mais le jeune homme n’a pas réussi à prouver sa supériorité sur Samuel Montembeault, après de brillantes séries éliminatoires dans la Ligue américaine.

La stratégie du Canadien ne fait pas l’unanimité. Certains spécialistes estiment qu’on pourrait miner le développement de ces jeunes en les envoyant trop tôt dans la gueule du loup.

On verra bien. Peu importe, avec des jeunes ou des vétérans de deuxième ordre, la saison sera difficile quand même. Une chose est sûre, elle ne sera pas dépourvue d’intérêt, grâce à l’audace de cette direction.

Éviter les parallèles Kotkaniemi et Galchenyuk

Certains observateurs craignent voir Juraj Slafkovsky entamer sa carrière dans la LNH à 18 ans en soulevant l’exemple négatif des deux autres récents choix dans le top trois du Canadien. On les comprend de faire de telles associations, mais elles ne sont pas plausibles.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Jesperi Kotkaniemi

Galchenyuk a été repêché au troisième rang en 2012 et il a entamé sa carrière à 18 ans lui aussi. Mais il a connu une progression constante à ses premières années, et même marqué 30 buts, et 56 points, à sa quatrième saison à Montréal. Ses 44 points en 61 matchs l’année suivante lui en auraient donné 59 au prorata d’une saison complète et il a obtenu 51 points à sa sixième saison, à 24 ans. Il faudrait plutôt se demander ce qui a mal tourné par la suite, pas remettre en question le fait d’avoir entamé sa carrière à 18 ans.

Jesperi Kotkaniemi a lui aussi mérité un poste à Montréal à 18 ans, après avoir été repêché au troisième rang lui aussi, en 2018. Il méritait sa place après un camp d’entraînement étincelant. Une production de 34 points à sa première année constituait un rendement supérieur à deux premiers choix au total à leur année recrue, Jack Hughes et Alexis Lafrenière.

Son développement a été inégal lors de ses trois années suivantes et le Canadien l’a perdu à la suite d’un coup fourré, mais l’une des meilleures équipes de la LNH, les Hurricanes de la Caroline, favoris selon certains pour remporter la Coupe Stanley, lui confie le centre du deuxième trio, à 22 ans, derrière Sebastian Aho.

Il faudra attendre avant de tirer des conclusions, mais parler d’une carrière gâchée à cause d’une entrée précipitée dans la LNH ?

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