Ales Hemsky ne se souvient pas du coup en particulier, mais il se souvient du résultat. Il se souvient de la suite, pénible, difficile, trop longue pour lui. Il se souvient des heures, des journées à se demander si ce n'était pas la fin pour lui. La fin des arénas, la fin des matchs, la fin du hockey.

Ces temps-ci, l'attaquant de 34 ans se sent mieux. Il a repris l'entraînement, toujours avec un chandail d'une couleur différente, pour rappeler aux autres qu'il ne peut pas être frappé. Trop dangereux. Mais il qualifie ce chandail gris de « pas en avant », ce qui est déjà mieux que ce qu'il a vécu en octobre, en novembre et en décembre, quand cette commotion cérébrale subie le 20 octobre à Anaheim torpillait ses jours et ses nuits.

«Ça fait 15 ans que je joue dans cette ligue, ce n'est pas ma première commotion cérébrale, explique-t-il à La Presse. Je ne sais pas combien, mais j'en ai eu quelques-unes auparavant...»

Il ne sait pas combien, et il ne sait pas non plus qui l'a frappé exactement ce soir-là à Anaheim (Josh Manson et Corey Perry l'ont pincé assez violemment), mais il se souvient d'avoir subi d'autres mises en échec assez percutantes lors des matchs précédents. Contre les Ducks, ce fut celle de trop. «J'ai continué à jouer quand même, et après le match [à Anaheim], c'était terminé pour moi, je ne pouvais plus continuer.»

Déprime

Au moment de devoir abdiquer, Hemsky connaissait déjà des ennuis sur la glace, avec aucun point en sept matchs dans le chandail tricolore. Mais cela allait s'avérer bien minuscule en comparaison de ce qui allait suivre. De ce qu'il allait vivre dans un monde de solitude. 

«Après Anaheim, je suis rentré à la maison et je n'étais plus capable de rien faire, enchaîne-t-il. Je ne pouvais même plus sortir de la maison. On ne peut pas savoir ce que c'est si on ne l'a pas vécu, mais je peux vous dire que c'est déprimant, et ce n'était pas plaisant pour personne, pour ma femme, pour moi-même, pour les membres de la famille.

«Quand tu te retrouves dans une telle condition, tu ne veux plus parler à personne. Parce que tu es tout le temps déprimé. C'est difficile à expliquer, mais tu te retrouves à vivre une autre vie. Tu n'es plus le même. Tu croises les autres gars de l'équipe, ils te demandent si ça va, mais tu n'es plus là. Ta vie devient différente, tu n'agis plus comme tu le faisais avant. Tu as le moral dans les talons. Un jour, tu te sens mieux et le lendemain, ça ne va plus.

«Au moins, quand tu as une main cassée ou que tu dois être opéré à la hanche, tu sais à quoi t'en tenir. Avec les commotions cérébrales, tu peux avoir l'air de bien aller, mais en réalité, ça ne va pas du tout. Tout le monde te demande comment tu te sens, et tu te sens comme de la merde.»

«Rien d'amusant»

À un certain moment, il ne se souvient plus trop quand, Hemsky s'est mis à avoir des doutes sur sa carrière.

«Chaque jour, je me disais que ma carrière était finie. C'est comme ça; chaque jour, les pensées négatives t'envahissent. Il n'y a rien à faire, tu peux seulement espérer prendre du mieux. Les sautes d'humeur sont régulières, tu te retrouves à te chicaner avec des gens. Sans arrêt, chaque jour. Ce n'est rien d'amusant. Tu essaies de sortir dehors, mais tu te mets à avoir d'autres migraines, alors tu retournes à la maison parce que tu n'as plus envie d'être là, où il y a du bruit et des gens qui parlent.»

Dans ces conditions, on devine que l'attaquant tchèque n'a pas dû apprécier les récents commentaires du directeur général Marc Bergevin, qui l'a désigné parmi les déceptions cette saison dans le camp montréalais.

Hemsky, rappelons-le, avait dit oui à un contrat d'une saison pour 1 million de dollars avec le Canadien, début juillet. «Je ne joue pas, alors je n'aide pas l'équipe. C'est comme ça que ça fonctionne, c'est ça le sport. Je comprends ça. C'est cruel, mais c'est comme ça.»

Hemsky a fait le voyage avec le reste de l'équipe en direction de Boston, là où le Canadien va affronter les Bruins ce soir. Il ne jouera pas, c'est encore bien trop tôt pour ça. Mais il se rapproche d'un retour au jeu, et à ce chapitre, sa seule présence dans l'entourage de l'équipe est à ses yeux un genre de petite victoire.

«Je me sens assez bien maintenant, je vois enfin la lumière. Mais je ne suis pas rendu là. Pas encore...»