Caroline Ouellette n'est pas la dernière venue. La joueuse de hockey, quatre fois médaillée d'or olympique, était capitaine de l'équipe canadienne à Sotchi. Elle a livré son lot de matchs intenses et de batailles dans les coins de patinoire. C'est une guerrière, et elle n'a jamais reculé sur la glace.

Pourtant, elle n'a pas sursauté lorsqu'elle a lu dans La Presse, la semaine dernière, les recommandations de l'Association des neurologues du Québec. Interdire les mises en échec avant l'âge de 15 ans dans le hockey mineur masculin? Une bonne idée, selon elle.

«Le hockey est malheureusement en baisse de popularité. Les parents ne veulent pas que leurs enfants se blessent en faisant du sport, et beaucoup hésitent à les inscrire au hockey, explique Caroline Ouellette. Si j'avais à choisir, je prendrais un hockey sans mises en échec. Si j'avais des enfants, je serais très inquiète s'ils jouaient avec des mises en échec. Il n'y a aucun doute là-dessus.»

Plusieurs études tendent à démontrer que les filles sont plus susceptibles de subir des commotions cérébrales. Au hockey féminin, les mises en échec ne sont pas permises. Les hockeyeuses sont donc habituées de jouer au plus haut niveau sans plaquages.

Caroline Ouellette pense néanmoins que cela n'enlève rien à la qualité du spectacle. Le match de hockey le plus palpitant des Jeux de Sotchi n'a-t-il pas été disputé entre les Canadiennes et les Américaines?

«Même chez les hommes, il y a très peu de mises en échec aux Jeux. Les gars de l'équipe masculine nous disaient même qu'ils trouvaient que nos matchs étaient plus physiques que les leurs, raconte Ouellette. Pourtant, même avec moins de mises en échec, le hockey olympique est le plus beau hockey qu'on peut voir.»

«C'est logique»

Les recommandations des neurologues ont relancé le débat sur les mises en échec dans la province. Les médecins pensent que le temps est venu de protéger les jeunes des commotions cérébrales. Ils estiment qu'entre 200 000 et 300 000 commotions surviennent chaque année au Canada dans la pratique d'un sport. Une étude a par ailleurs déjà démontré que les mises en échec sont responsables de 45 à 86% des blessures au hockey.

Les neurologues proposent donc de reporter l'introduction des mises en échec de l'âge de 13 ans à 15 ans chez les garçons. Selon eux, le hockey mineur masculin devrait être pratiqué sans mises en échec, sauf pour les joueurs de l'élite qui peuvent rêver de jouer dans la LHJMQ. Si Hockey Québec retenait leurs suggestions, environ 1400 joueurs seraient autorisés à utiliser la mise en échec dans la province, plutôt que les quelque 10 000 qui la pratiquent à l'heure actuelle.

«C'est logique, c'est mature et c'est de prendre ses responsabilités que de faire des recommandations comme ça», dit sans détour Danièle Sauvageau, directrice du programme de hockey féminin à l'Université de Montréal.

Sauvageau avait codirigé en 2008 un comité sur la violence au hockey mis en place par la LHJMQ. À l'époque, elle avait réfléchi à l'âge propice pour l'introduction des mises en échec.

Introduction à 15 ans

Pour plusieurs détracteurs des médecins, la mise en échec doit être introduite plus tôt. Selon eux, cela permet aux jeunes de s'y habituer et réduit les risques de blessures (cette hypothèse n'a toutefois jamais été prouvée, et une étude de l'Université de Calgary l'a même infirmée).

Or, Daniele Sauvageau pense l'inverse: la mise en échec doit être introduite plus tard, justement pour réduire les risques de blessures. «À 15 ans, c'est là qu'un jeune commence à être responsable et à avoir du jugement. La mise en échec doit être bien enseignée, mais elle doit aussi être bien comprise», dit-elle.

Elle note au passage que les entraîneurs sont normalement plus expérimentés dans le midget que dans le pee-wee ou le bantam. «Ils sont donc mieux outillés pour enseigner la mise en échec.»

Tout comme Caroline Ouellette, Danièle Sauvageau pense que le hockey sans mises en échec peut être excitant. «Je vous mets au défi de regarder le hockey olympique masculin et de compter les mises en échec. Ça ne ressemble pas à un match Canadien-Bruins. Pourtant, c'est du très beau hockey.»

Quand elle était jeune, Caroline Ouellette a joué avec les garçons dans le bantam BB. Elle a été frappée de constater à quel point l'introduction de la mise en échec peut changer le hockey. «À partir du niveau bantam, quand ça devient légal, c'est un peu la jungle. On dirait que l'objectif devient d'obtenir le plus de mises en échec possible», dit-elle.

«Moi, j'ai commencé à jouer au hockey pour prendre la rondelle et la mettre dans le but. C'est ça que j'aime faire, assure Ouellette. Je pense que, malheureusement, les garçons ont tendance à se concentrer un peu trop sur les mises en échec quand c'est rendu permis.»

Dans leur rapport obtenu par La Presse, les neurologues citent en exemple le hockey féminin: la preuve, selon eux, que le sport peut être disputé au plus haut niveau sans mises en échec. Elles sont bon nombre de joueuses à penser qu'ils n'ont pas tout à fait tort.