Dans une série de recommandations coup-de-poing, l'Association des neurologues du Québec demande l'interdiction complète des mises en échec au hockey avant l'âge de 15 ans. Ces spécialistes du cerveau estiment que les commotions cérébrales représentent «un problème de santé publique chez les jeunes» et «qu'il y a urgence d'agir».

Selon les neurologues, seuls les hockeyeurs élite devraient pouvoir utiliser la mise en échec et seulement à partir du niveau midget. Ils demandent son abolition dans le hockey scolaire et dans les catégories bantam AAA, AA, BB, CC, ainsi que dans le midget AA et BB.

Si ces mesures étaient appliquées, la mise en échec serait virtuellement éliminée dans le hockey mineur. Elle ne serait plus permise que pour une infime minorité de hockeyeurs: 1368 sur les quelque 100 000 que regroupe Hockey Québec. À l'heure actuelle, la mise en échec est pratiquée par un peu plus de 10 000 joueurs dans la province et à partir de l'âge de 13 ans.

«Les études prouvent que les commotions cérébrales ne sont pas à prendre à la légère et qu'elles ont des conséquences à long terme, explique le président de l'Association des neurologues du Québec, le Dr Marc Girard. Il faut donc s'assurer de les prévenir. Réduire les mises en échec au hockey est une façon d'y arriver.»

Ces recommandations des neurologues québécois ont été déposées au groupe de travail sur les commotions cérébrales, mis en place par Québec en janvier dernier. Elles ont pour l'instant été tenues secrètes, mais seront dévoilées mercredi prochain dans Le Spécialiste, magazine de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. La Presse a mis la main sur un exemplaire du magazine.

Le groupe de travail sur les commotions cérébrales, piloté par le Dr Dave Ellemberg, doit quant à lui remettre son rapport au ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport d'ici deux semaines. On ne sait pas si ce rapport reprendra les propositions des neurologues.

«On espère que les recommandations du groupe de travail iront dans le sens de la prévention des commotions cérébrales, pas seulement de la prise en charge, note le Dr Girard. C'est notre souhait le plus sincère.»

Hors des écoles

Cet appel des neurologues québécois arrive au moment où Hockey Québec réfléchit à la place des mises en échec. La Presse révélait en septembre que la fédération envisageait leur abolition dans les catégories bantam BB et CC, ainsi que midget BB.

«Cette proposition est sur la table. Des décisions vont être prises dès cette saison pour la saison prochaine, expliquait alors Sylvain Lalonde, directeur général de Hockey Québec. Les échos sont très positifs. Il y a une prise de conscience de nos dirigeants partout en région sur la sécurité des joueurs.»

Ce que voudraient les neurologues, c'est que Hockey Québec aille encore plus loin, en étendant l'abolition des mises en échec à davantage de catégories. «Il est possible d'interdire la mise en échec sans dénaturer le sport. La mise en échec n'est pas autorisée au hockey féminin, pourtant reconnu comme discipline olympique», font valoir les neurologues dans le magazine Le Spécialiste.

L'Association veut aussi que les mises en échec disparaissent des écoles. Elles sont actuellement permises dans certaines catégories dans le Réseau du sport étudiant du Québec (RSEQ) ainsi que dans la Ligue de hockey préparatoire scolaire (LHPS).

Ces ligues compétitives ne sont pas considérées comme faisant partie de l'élite, aussi les neurologues estiment-ils que les mises en échec n'y ont pas leur place.

«La mise en échec est la principale cause des commotions au hockey. Elle est aussi la principale cause de blessures chez les jeunes hockeyeurs à tous les niveaux de compétition où elle est permise, causant de 45 à 86% des blessures», rappellent les spécialistes.

Les recommandations des neurologues ne concernent pas simplement le hockey. L'Association recommande par exemple de ne pas introduire les têtes au soccer avant l'âge de 12 ans chez les garçons et de 14 ans chez les filles. Elle invite le gouvernement à «encourager les adultes et les enfants à se tourner vers d'autres activités sportives» que le football et à interdire la boxe chez les moins de 18 ans.

Les neurologues aimeraient aussi qu'on mette sur pied une formation obligatoire de 30 minutes sur les commotions cérébrales dans le cours d'éducation physique au secondaire.

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Quelques extraits des recommandations

> «Interdire la mise en échec dans toutes les catégories de hockey masculin récréatif et compétitif organisé, incluant toutes les ligues scolaires, civiles ainsi que celles de printemps ou d'été.»

> «Reporter l'introduction de la mise en échec dans les ligues élites masculines jusqu'à ce que les joueurs aient 15 ans (catégorie midget) ou plus. »

> «Restreindre le nombre d'heures d'entraînement où la mise en échec est permise afin de minimiser les risques de commotions cérébrales.»

> «Éduquer les entraîneurs, les joueurs, les parents, les écoles, ainsi que les décideurs du milieu sportif sur les signes et symptômes des blessures courantes au hockey, particulièrement pour les commotions, et les conséquences qu'elles peuvent entraîner à court et à long terme.»

> «Tolérance zéro pour toute forme de violence, de bagarre et de tentative de blessure, en particulier en ce qui a trait aux blessures à la tête, et ce, pour tous les groupes d'âge et toutes les ligues.»