Shawn Burnett avait 18 ans quand il a perdu l’usage de ses jambes dans un accident de parachute. Il a cru ne plus jamais être en mesure de faire du sport. Le voici deux ans plus tard, à 20 ans, un des meilleurs joueurs de parahockey au pays.

En août 2022, le chroniqueur Patrick Lagacé vous avait raconté l’histoire de Shawn Burnett dans les pages de La Presse. Puisque 15 mois ont passé depuis, rafraîchissons-nous la mémoire…

Le 6 juin 2021, Shawn Burnett s’est rendu à Farnham pour un saut en parachute pour l’anniversaire d’un ami.

« Au début, ça ne me tentait pas tant que ça, nous raconte-t-il dans un coquet café du Vieux-Belœil. Ce n’est pas que j’avais peur, mais c’est quand même 300 $ et quelques que je pouvais mettre ailleurs. […] Ma sœur, ça faisait partie de sa bucket list. Ma blonde en avait déjà fait et elle avait adoré ça. Je me suis dit : pourquoi pas, ça va être le fun ! »

Le temps était à la fois ensoleillé et venteux en ce début de saison estivale. Ils étaient cinq à sauter de l’avion, Shawn le dernier.

Son parachute s’est ouvert comme prévu et la descente s’est bien passée, jusqu’à environ 30 pieds du sol. C’est à l’atterrissage que les choses ont mal viré.

« Tout d’un coup, ça a fait ça », explique-t-il en mimant une chute rapide avec sa main.

Une forte bourrasque a accéléré l’atterrissage.

« Je n’ai même pas eu le temps de cligner mes yeux qu’on avait déjà atterri. [L’instructeur] n’a pas eu le temps de réagir, je pense. »

Les jambes de Shawn ont absorbé le choc. Une fois au sol, il s’est mis à ressentir des sensations d’engourdissement, de picotements et de brûlures des hanches jusqu’aux pieds. L’instructeur s’est détaché, lui conseillant de ne pas bouger. Les parents de Shawn, qui assistaient au saut, sont arrivés à son chevet.

« Tout le monde me disait : “Inquiète-toi pas, c’est peut-être un nerf de coincé, ça va revenir, ce n’est rien de grave.” Dans ma tête, ça me rassurait un peu. »

Sauf que ce n’était pas un nerf coincé. Et « ça » ne reviendrait pas.

Shawn avait perdu l’usage de ses jambes.

Nouvelle carrière

Au centre de réadaptation Lindsay-Gingras de Montréal, Shawn Burnett a reçu une visite qu’il qualifie aujourd’hui de « tournant » dans sa nouvelle vie. Maxime Gagnon, directeur général de Parahockey Montréal, s’est présenté à lui accompagné de trois joueurs aux conditions diverses.

« Ils m’ont raconté ce qu’est le parahockey. Ils disaient : “Il faut que tu viennes essayer ça, c’est malade” », relate Shawn.

Shawn est un sportif. Il a joué au hockey toute son enfance, puis en sport-études à l’école secondaire. Il avait pris la décision d’accrocher ses patins un an plus tôt, après sa cinquième secondaire, année où la COVID-19 a chamboulé le monde du sport. À l’époque, ses plans « avaient changé ». « Je rentrais à l’école de pompiers. Je me disais que je n’allais pas faire une carrière de hockey », explique-t-il.

Shawn a été convaincu par ses quatre visiteurs ; il a donc assisté à un entraînement de parahockey. La semaine suivante, le 25 septembre 2021, même pas quatre mois après son accident, il tentait le coup sur une luge.

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Shawn Burnett

C’est là que ma carrière en hockey a comme recommencé !

Shawn Burnett

Non seulement Shawn a adoré cette version « plus technique » du hockey, il y a aussi rencontré un nouveau groupe d’amis, « des gars qui ont des handicaps différents ».

« J’ai été tellement surpris, dans le sens où ce sont tous des sportifs comme moi, des gens qui ne se laissent pas abattre par leur situation. C’est vraiment du monde qui me rejoint énormément. »

Shawn a commencé au sein de l’équipe de développement, qui joue de façon récréative une fois par semaine. Sauf qu’il est devenu tellement passionné qu’il a commencé à s’entraîner deux fois par semaine. Un mois et demi plus tard, il était invité aux essais de l’équipe du Québec.

« Dans ma tête, je me disais : il n’y a aucune chance que je fasse l’équipe. »

Il a fait l’équipe. Et il l’a aidée, quelques mois plus tard, à remporter le Championnat canadien pour la première fois de l’histoire.

Équipe Canada

Dans sa chronique d’août 2022, Patrick Lagacé racontait que Shawn avait été invité au camp de sélection d’Équipe Canada, qui avait lieu deux semaines plus tard, à Calgary.

Shawn y a bien pris part, à ce camp. Sauf qu’après seulement trois jours, il s’est cassé la clavicule lors d’un contact.

« J’ai dû reprendre l’avion, retourner à la maison. En arrivant à la maison, mon père a ouvert mon sac et il y avait le casque, les gants avec les logos d’Équipe Canada brodés. C’était une surprise ! Je capotais. »

Shawn a été inactif pendant trois mois en raison de sa blessure. Il a raté les tournois importants. À son retour en janvier, l’équipe commençait à se préparer pour les Championnats du monde. Comme il n’avait pas suivi l’équipe pendant l’année, il n’a pas participé au tournoi international, mais il a gagné le Championnat canadien de nouveau avec Équipe Québec.

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L’Équipe Québec de parahockey a été reçue par le Canadien de Montréal à la suite de sa victoire au Championnat canadien 2022 et portera ses couleurs lors de la NHL Sled Classic à Tampa Bay, dans deux semaines.

Cette année, Shawn est revenu « 20 fois plus prêt ». Il a refait sa place dans l’équipe nationale.

En octobre, il a participé à la Coupe internationale de parahockey, en République tchèque, où l’équipe canadienne a décroché l’argent. Et à la mi-novembre, son équipe et lui porteront le chandail du Canadien pour la Sled Hockey Classic, en Floride.

« Mon but ultime »

Deux ans et demi après son accident, Shawn Burnett est heureux. Il « pense » avoir fait son deuil de l’usage de ses jambes, même s’il doit composer avec des « douleurs fantômes » en tout temps. Il habite un loft adapté chez ses parents, il est bien entouré, il est « 100 % autonome ». Il a, de toute évidence, laissé tomber son plan de devenir pompier, mais il compte s’inscrire en affaires, en marketing ou en droit.

Son bonheur, Shawn le doit à différentes choses. En grande partie aux sports.

« Ç’aurait été facile pour moi de m’enfermer dans mon sous-sol et ne rien faire. Le sport m’a amené à rencontrer d’autre monde, à faire plein d’affaires. Ça a ouvert des portes à des occasions que je n’aurais jamais eues avant mon accident. »

PHOTO VLADIMIR PRYCEK, ARCHIVES FOURNIE PAR IPH

Shawn Burnett et sa médaille d’argent après la finale de la Coupe internationale de parahockey disputée contre les États-Unis en République tchèque, le 8 octobre dernier

Grâce à la Fondation des sports adaptés, Shawn pratique le ski, le golf, le vélo de montagne et le ski nautique. Le parahockey, évidemment, est devenu une passion et un travail. Il lui a permis de tisser de forts liens d’amitié. Il a d’ailleurs reçu, le 26 octobre dernier, une bourse de 4000 $ dans le cadre du Programme de bourses Saputo de la Fondation Aléo.

« Mon but ultime, ce serait de me rendre aux Jeux paralympiques, dit-il. J’aimerais participer aux prochains, en 2026. »

Voilà une heure qu’on discute avec Shawn ; les tables qui nous entourent ont eu le temps de se vider et de se remplir à nouveau. Alors qu’on éteint notre enregistreuse, le jeune homme nous énumère son plan de la journée. Après son entraînement à Montréal, il doit se rendre au centre de réadaptation Lindsay-Gingras afin de rencontrer un jeune homme de 18 ans qui, comme lui au même âge, vient de devenir paraplégique.

« Qu’est-ce que tu vas lui dire ?

– Je trouve ça important de lui expliquer ce qu’il y a après que tu quittes l’hôpital, ce qui est ouvert à toi. […] Je veux montrer qu’en si peu de temps, tu peux faire tant d’affaires. Lui montrer que même si quelque chose de grave est arrivé, quelque chose de bon peut ressortir de ça. C’est un peu ça… et lui remonter le moral. »