(Toronto) Katerine Savard n’atteindra pas son dernier « petit rêve », celui de devenir la première nageuse à représenter le Canada quatre fois aux Jeux olympiques.

Après deux essais vains au 100 m papillon et au 200 m libre, l’athlète de 30 ans a échoué à sa dernière chance au 100 m libre, ratant la finale par 4 centièmes de seconde, vendredi matin, à Toronto. Savard a arrêté le chrono à 55,58 secondes, ce qui lui a valu le 11rang. La finale est réservée aux 10 premières.

Une porte s’était pourtant entrouverte la veille quand Summer McIntosh et Maggie Mac Neil, respectivement première et cinquième inscrites, ont rayé cette épreuve de leur programme. Ces forfaits faisaient passer la représentante du Club de natation région de Québec (CNQ) au sixième échelon dans la liste, selon son temps enregistré l’été dernier (54,98 secondes).

Manifestement, celle qui avait réussi un chrono de 55,21 secondes en mars n’a pas été en mesure de rebondir de ses deux déceptions précédentes au Centre sportif panaméricain de Scarborough. Savard a quitté la piscine en compagnie de sa mère sans s’adresser aux médias.

Très tôt le samedi matin, elle a envoyé ce touchant message sur les réseaux sociaux :

CAPTURE D’ÉCRAN DU COMPTE INSTAGRAM DE KATERINE SAVARD

Après sa 10place au 200 m libre mardi, la médaillée de bronze olympique parlait déjà comme une athlète engagée sur le chemin parfois douloureux de la retraite.

« Je ne peux rien regretter de ce qui s’est passé », avait indiqué celle qui a consacré les 20 dernières années à la natation. J’ai donné beaucoup de moi-même à la natation, au pays, au Québec, dans les dernières années. J’aurais aimé y participer encore un peu plus, mais j’ai donné tout ce que j’avais. »

À moins du retrait d’une finaliste, son entraîneur Marc-André Pelletier a estimé qu’il était probable que la nageuse ait fait sa toute dernière course. « À froid comme ça, je dirais qu’il y a plus de chances que oui que non », a-t-il admis après avoir discuté avec l’athlète. Savard ne disputera d’ailleurs le 50 m libre dimanche.

« Elle réalise que c’est peut-être la fin, et elle a de la misère à l’accepter. »

Manque de « rodage »

En février, l’entraîneur-chef du CNQ l’a accueillie à Québec après son départ-surprise du club CAMO à Montréal, à son retour des Championnats du monde de Doha, les septièmes de sa carrière en grand bassin.

L’absence de McIntosh et de Mac Neil lui a procuré « un petit boost », mais comme le réservoir de confiance n’était déjà pas très élevé, ce ne fut pas suffisant, a noté Pelletier. « Je ne m’attendais pas à des miracles non plus, mais oui, il y avait une occasion, c’est certain. »

PHOTO LEE JIN-MAN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

L’Allemande Angelina Kohler et Katerine Savard, lors d’un 100 m papillon à Doha, en février dernier

Sarah Fournier, autre nageuse du CNQ, a atteint la finale grâce au sixième chrono des préliminaires (55,27 secondes).

Pelletier regrettait d’avoir manqué de temps pour permettre à Savard de retrouver le niveau qui l’avait menée à une sélection dans toutes les équipes nationales senior depuis 15 ans. « Dix-douze semaines, ce n’est pas assez pour faire un correctif à cet âge-là et à ce niveau. »

Aux yeux du technicien, elle avait les capacités physiques pour renouer avec les 54 secondes, mais manquait de « rodage » en compétition. Elle avait nagé en 55,21 secondes lors d’une rencontre disputée aux États-Unis au début de mars.

« Je pense que c’est probablement l’accumulation de la semaine, de la fatigue, de tout ce qui se passe entre les deux oreilles. On sait que ça finit par être pesant à la fin d’une sélection. »

Au-delà de l’aspect sportif, Pelletier estime avoir atteint son but en redonnant à Savard l’occasion de se présenter à ses quatrièmes essais olympiques.

« Le premier objectif était de la garder dans l’eau. Si elle ne bougeait pas [de Montréal], je ne crois pas qu’elle serait ici en ce moment », dit-il.

Je voulais seulement qu’elle finisse en étant correcte mentalement. Oui, c’est difficile, mais je voulais que ce soit la performance qui fasse qu’elle sorte du sport et non parce qu’elle ne se sent pas bien.

Marc-André Pelletier, entraîneur de Katerine Savard

Le coach estime donc y être parvenu : « Ce qui est dur, ce n’est pas tant de ne pas faire l’équipe que d’arrêter de faire quelque chose qu’elle aime. Je voulais lui faire aimer le sport jusqu’à la fin. Là-dessus, au moins, on a réussi. »

Son souhait est maintenant que Katerine Savard, qu’il avait déjà dirigée de l’âge de 14 à 20 ans, « trouve sa voie » après un « deuil » inévitable. « Il faut quand même s’assurer que les athlètes soient corrects après parce que c’est exigeant, ce qu’on leur demande. »

Pelletier verrait bien la diplômée en enseignement primaire et préscolaire travailler avec de jeunes nageurs comme coach. Son ex-entraîneur Claude St-Jean lui a d’ailleurs fait la proposition il y a quelques années.

« Je lui ai dit : viens coacher avec nous quand tu vas arrêter, a raconté le responsable du groupe junior à CAMO jeudi. Elle est bonne avec les enfants, je suis certain qu’elle est une très bonne professeure à l’école. Elle donne des conférences partout. Elle peut encore rester dans le milieu de la natation si elle aime ça. J’espère qu’elle le fera. »

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Katerine Savard aux Jeux de Londres, en 2012

Avec St-Jean, Savard avait surmonté la déception d’une non-sélection au 100 m papillon en montant sur la troisième marche du podium au relais 4 x 200 m aux Jeux olympiques de Rio en 2016.

« À la fin, ce sont bien plus ses accomplissements et ses souvenirs qui vont lui donner du bonheur et de la joie. Ici, c’est un mauvais moment à passer. »

L’entraîneur de 69 ans est bien placé pour savoir que la page n’est pas facile à tourner. Il a frôlé la mort en décembre après une crise cardiaque en pleine compétition à Pointe-Claire. Un mois après un quintuple pontage, il était de retour sur le bord des bassins.

« Elle a le même problème que moi : un jour, elle devra décider d’arrêter… »