(Paris) Imane Ayissi, couturier camerounais, veut mettre les textiles africains à l’honneur, mais fait face à un challenge de taille en tant que créateur africain indépendant et pionnier à la Fashion Week de Paris.

L’Obom, fibre obtenu à partir d’écorces d’arbre, les tissus Kente du Ghana, les fibres de kapok du Burkina Faso, sont quelques-uns des textiles – peu connus en Europe – que le Camerounais a transformés en robes sur mesure lors de son défilé haute couture à Paris lundi.

« Souvent, lorsque nous parlons de mode africaine, nous pensons à des tissus colorés que les Africains n’ont commencé à porter que relativement récemment », a expliqué depuis son atelier avant le défilé Ayissi à l’AFP.

En 2020, il fut le premier créateur d’Afrique subsaharienne présent à la semaine de la haute couture. Depuis, il cherche à faire revivre des tissus plus traditionnels comme le raphia, fibre venant d’arbres et de plantes locales, qui étaient utilisés avant l’afflux d’importation pendant la période coloniale, qui a inondé les marchés locaux en Afrique.

« Ces tissus (étrangers) ont tué le commerce des vrais textiles africains et leur histoire. C’est navrant », explique cet ancien danseur de 55 ans, dont le père était un boxeur réputé.

Lors du défilé et devant un public où assiste le footballeur Mamadou Sakho, Ayissi a montré sur ses modèles comment les textiles traditionnels peuvent être retravaillés – en tailleurs-pantalons colorés et sculpturaux, en hauts fleuris complexes et en robe en raphia rose flamant.

Ayissi a été salué pour son travail lors d’expositions sur la mode africaine à Londres et New York en 2023. Il souligne la difficulté à travailler en tant que créateur indépendant.

« Je n’ai pas d’investisseur derrière moi. Quand on défile aux côtés de Chanel, de Dior et des grandes maisons, il faut être à la hauteur, il faut en avoir les moyens. Ce n’est pas facile. Je dois compter sur mon savoir-faire », explique-t-il. L’une des principales difficultés réside dans l’approvisionnement en matériaux de qualité en provenance d’Afrique, où il est difficile de respecter les normes internationales.

« Mon défi est de montrer que l’Afrique se redresse et de présenter ces tissus africains » peu connus, a-t-il ajouté appelant les investisseurs à croire en l’art de ce continent.

Pour confectionner ses pièces, Ayissi travaille avec des brodeurs au Ghana et dans d’autres pays, mais cette industrie est encore trop petite et morcelée et il est souvent contraint à chercher hors d’Afrique du coton et d’autres tissus de bonne qualité.

« Les Africains doivent se réveiller », a-t-il déclaré. « Ils doivent comprendre que la mode est un véritable métier noble et une grande machine économique. »