Devant le constat que nombre d’acheteurs et de vendeurs choisissent leur courtier par défaut, ou sur la base d’une simple référence d’un proche, Johanie Bouffard et Olivier Pouliot ont lancé Tatin, une agence immobilière qui ne vend pas de maisons, mais qui jumelle clients et courtiers en fonction de leurs affinités.

Quelle est l’idée derrière Tatin ?

Olivier : Lorsque j’ai quitté l’entreprise de courtage pour laquelle je travaillais, j’ai décidé d’utiliser mon permis de dirigeant d’agence pour créer une entreprise qui ne ferait pas de transactions, mais qui se concentrerait sur la préparation et l’éducation du client et sur le choix du courtier. C’est quelque chose qui m’a toujours semblé nécessaire. Quand des gens de mon entourage me demandaient de les accompagner, alors que j’étais dans le commercial, je leur disais que je n’étais pas la meilleure personne pour défendre leurs intérêts et je les dirigeais vers un autre courtier. Malheureusement, il y a certains courtiers qui décident de tout faire, alors que ce n’est pas toujours la meilleure voie.

Johanie : Une agence immobilière qui ne vend pas de maisons, ça peut paraître un peu paradoxal et c’est aussi l’originalité de l’entreprise. Pour moi, c’est l’opportunité de pouvoir transformer la communication d’un domaine qui en a beaucoup besoin.

Qu’est-ce que votre agence vient combler comme besoin qui n’est pas satisfait actuellement par l’offre de courtage immobilier ?

Olivier : C’est d’apporter une sécurité aux gens qui se cherchent un courtier, mais qui n’en connaissent pas nécessairement ou qui ne savent pas par où commencer. C’est aussi de les protéger contre cette méconnaissance du milieu, leur éviter de faire un mauvais choix, de choisir un courtier par défaut ou par dépit, en y allant avec la personne qui a beaucoup de pancartes dans un secteur ou qui a envoyé une carte postale avec une annonce vendue.

Johanie : Actuellement, il y a plus de 16 000 courtiers immobiliers au Québec, c’est beaucoup. Notre rôle, c’est de poser les bonnes questions pour faire un agencement avec le profil de courtier qui convient vraiment aux besoins du client. Comme le montre un sondage de Protégez-Vous sorti le 5 décembre, une personne sur cinq ne recommanderait pas le courtier avec qui elle a fait affaire. Ce qu’on veut, c’est de pouvoir aider les gens à faire le bon choix en fonction de critères personnels et aussi professionnels.

Lisez notre article sur le sondage de Protégez-Vous

Sur quelles informations vous basez-vous pour vos jumelages ?

Olivier : On pose beaucoup de questions pour dresser les profils des clients. De façon générale, il y a le type de permis que détient le courtier : résidentiel, commercial ou sans restrictions d’opération. Son expertise aussi, dans le secteur du condo, par exemple. Un peu comme une agence de rencontres pose ce type de questions à ses clients, on va les interroger sur la fréquence des communications voulues, la langue de communication préférée, le mode de communication souhaité. Est-ce que vous cherchez un accompagnement plus professionnel ou plus familier ?

Johanie : Si, par exemple, on a un jeune adulte qui se définit comme étant non binaire, évidemment, ça va faire partie des choses qu’on va mentionner en recherchant le client. On veut s’assurer que ce soit respecté.

Avec quel bassin de courtiers travaillez-vous ? Peut-on vraiment être dirigé vers l’un des 16 000 courtiers du Québec ?

Olivier : Oui. Il y a certaines vérifications que je vais faire, par exemple dans les registres publics. On a accès aux avis et aux mentions disciplinaires. À moins que ce soit de vieilles erreurs ou des choses qui sont de gravité vraiment moindre, [on va les écarter]. C’est surtout ce qui risque de réduire le bassin à la base. Les problèmes qui entourent la réputation aussi. On demande des références autour des courtiers. Mis à part ça, il n’y a aucune restriction sur les courtiers ou les enseignes avec qui on fait affaire.

D’où proviennent vos revenus ?

Olivier : Notre modèle se base sur le principe de référencement qui existe en courtage immobilier. Quand un courtier ne peut pas servir un client et le dirige vers un autre courtier, le courtier destinataire va lui donner un pourcentage de sa rétribution. C’est généralement 25 %, le pourcentage que nous avons fixé. On n’accepte pas plus.

Johanie : On veut offrir un service-conseil neutre et impartial. On n’a pas de bottin de courtiers où les gens pourraient dire : « Pensez à moi. » Le processus reste le même pour tout le monde.

Est-ce que le fait que le courtier doive partager sa commission avec vous peut nuire au pouvoir de négociation d’un vendeur sur la commission qui sera versée lors de la transaction ?

Olivier : Pas vraiment. Le courtier va faire des économies. Il n’aura pas eu à investir en publicité et en temps pour courtiser le client. Aussi, avec l’interdiction de double représentation [entrée en vigueur en juin 2022], il n’y a plus de courtiers qui s’attendent à obtenir la commission du vendeur et celle de l’acheteur.

Johanie : Et, en complément à ça, notre rôle, c’est de proposer plus d’un profil de courtier aux clients. Alors il y a toujours le choix.

Si aucune transaction n’est conclue, le client doit-il assumer des frais ?

Olivier : Non. On est très conscients du risque rattaché à l’absence de transaction en courtage immobilier. C’est une réalité qu’on accepte.

Ces derniers mois, l’actualité a été porteuse d’histoires qui ont entaché la réputation de la profession. Y a-t-il, derrière Tatin, un désir de rétablir une certaine confiance du public ?

Olivier : Notre but est d’amener le client à vivre des expériences immobilières positives. Par la bande, ça pourrait avoir un impact positif sur la réputation des courtiers, mais nous laissons cet enjeu entre les mains des regroupements et organisations comme l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec, les chambres immobilières indépendantes et l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec, qui est le régulateur du courtage et veille à la protection des intérêts du public.

Le marché immobilier ayant ralenti, n’est-ce pas risqué de lancer une entreprise de courtage dans ce contexte ?

Olivier : Si c’était une agence conventionnelle, je dirais oui. Maintenant que la folie entourant la surchauffe immobilière s’est estompée, les gens ont le temps de se préparer convenablement. Pour nous, ça représente plutôt une opportunité que les gens aient le temps de réfléchir. Parce que oui, l’activité a diminué, mais elle est loin d’être morte.

Les propos de l’entrevue ont été modifiés par souci de concision.

Consultez le site de Tatin

Qui sont Johanie Bouffard et Olivier Pouliot ?

Olivier Pouliot est courtier immobilier depuis 2012, d’abord spécialisé dans le domaine résidentiel, puis commercial. Il a notamment travaillé pour l’entreprise torontoise Clearspace, avant de démarrer en 2023 l’agence immobilière Tatin, dont il est président.

Johanie Bouffard est stratège en communication. Avant de démarrer Tatin avec Olivier Pouliot, elle a fondé le studio Deneb, spécialisé en contenu de marque. Elle est aujourd’hui vice-présidente aux communications de Tatin.

En savoir plus
  • 4
    Pour 20 propriétés sur le marché, 3 se vendaient mensuellement en 2019, comparativement à 4 en 2023.
    Source : Statistiques mensuelles, Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec
    33 000
    En moyenne, on comptait un inventaire mensuel d’environ 57 000 propriétés en 2019 et de 33 000 en 2023.
    Source : Statistiques mensuelles, Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec