C'est une des figures emblématiques du Brésil qui s'éteint. L'architecte Oscar Niemeyer, créateur avant-gardiste de la capitale Brasilia, entre autres, est décédé mercredi à l'âge de 104 ans d'une infection respiratoire à Rio de Janeiro, sa ville natale. Ses obsèques s'y dérouleront vendredi.

Admis début novembre à l'hôpital Samaritano, Oscar Niemeyer avait fait plusieurs séjours au cours de l'année, pour des problèmes rénaux, de déshydratation et une pneumonie.

Mais jusqu'à la fin, le centenaire a travaillé à de nouveaux projets, dans la lignée de ses réalisations modernistes qui lui ont apporté une renommée internationale.

Des membres de la famille ont précisé que la dépouille avait été incinérée mercredi soir à Rio de Janeiro. Les funérailles devraient avoir lieu vendredi à Rio, mais une veillée mortuaire était prévue jeudi à Brasilia, dans le palais présidentiel qu'il avait conçu.

«Aujourd'hui, le Brésil a perdu un de ses génies», a déclaré la présidente brésilienne, Dilma Rousseff, dans un communiqué. «C'est un jour de deuil. C'est un jour pour saluer sa vie. Niemeyer était un révolutionnaire, le mentor de la nouvelle architecture qui était belle, logique et, comme il l'avait définie lui-même, inventive.»

Né dans une famille de l'élite brésilienne, Niemeyer, communiste convaincu jusqu'à la fin de sa vie, a toujours combattu les inégalités sociales particulièrement flagrantes dans son pays, même s'il ne nourrissait pas d'illusion sur la portée de son travail en la matière.

«Au-delà de l'architecture, Niemeyer était un homme en avance sur son temps, qui était solidaire des autres et qui a été aimé comme peu de gens», a souligné Sergio Magalhaes, président de l'Institut brésilien des architectes. Il aurait eu 105 ans le 15 décembre.

Ami du Français Le Corbusier (Charles-Edouard Jeanneret de son vrai nom), Oscar Niemeyer a marqué par ses bâtiments futuristes, inspirés de la nature, à l'image de la capitale du pays Brasilia qui reste la grande réalisation de l'architecte, une ville née au milieu des plaines du centre du pays dans les années 60, symbole d'un Brésil nouveau.

Elle est aujourd'hui inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO, l'agence culturelle des Nations unies. Comme la nouvelle capitale se développait pour accueillir jusqu'à deux millions d'habitants, le critique d'art Robert Hugues l'a qualifiée d'«horreur utopique», lui reprochant de manquer d'âme et de coins de rue.

Mais «les angles droits ne m'intéressent pas. Ni les lignes dures, droites, inflexibles, créées par l'homme», écrivait Oscar Niemeyer en 1998 dans ses mémoires, «Les Courbes du temps». «Ce qui m'attire, ce sont les courbes libres et sensuelles. Les courbes, on les trouve dans les montagnes, les vagues, sur le corps d'une femme qu'on aime», ajoutait-il.

Son talent avait traversé les frontières, avec des projets comme le siège du Parti communiste place du colonel Fabien à Paris, la Maison de la culture au Havre (Normandie) - il a vécu en France pendant la dictature au Brésil, à la fin des années 1960, au début des années 1970 -, le siège des Nations unies à New York ou le musée de Niteroi, en forme de soucoupe volante, qui domine la baie de Guanabara à Rio.

Lauréat en 1988 du prix Pritzker, la distinction la plus prestigieuse en architecture, Niemeyer a travaillé jusqu'à son dernier souffle, continuant à recevoir la visite d'ingénieurs et d'autres professionnels, a témoigné son médecin.

Selon le Dr Fernando Gjorup, Oscar Niemeyer travaillait encore il y a quelques jours sur des projets. «Le plus impressionnant est que même si son corps souffrait, son esprit était toujours aussi lucide», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse. «Il ne parlait pas de la mort, il n'a jamais parlé de la mort. Il parlait de la vie.»