«Je veux un espace que les gens jugeront froid et qui sera dépourvu de bois.» La propriétaire d'un loft à Montréal a fait cette demande étonnante au designer Jean-Maxime Labrecque. Aujourd'hui, elle profite de son appartement au mobilier métallique et au style minimaliste pur et dur. Visite d'un endroit unique.    

«Lorsque les gens découvrent mon appartement, ils me disent que je devrais ajouter de la couleur ou des tableaux sur les murs pour rendre les lieux plus chaleureux. Mais au contraire, mon désir était d'habiter un espace à l'opposé des standards et où tout serait réduit à l'essentiel. Je ne pourrais vivre autrement», confie la propriétaire, 38 ans, médecin spécialiste.

Elle avoue que son intérieur convient parfaitement à ses besoins. «Je ne cuisine pas, je vais au resto ou, sinon, je mange en compagnie de ma famille qui habite tout près. Autrement, je n'ai pas de téléviseur, mais j'utilise un projecteur pour regarder des films, une autre de mes passions. Avec mon travail, j'ai besoin de tranquillité et, ici, c'est très paisible. Je n'ai pas d'enfant et je traite ma maison comme une oeuvre d'art», explique cette adepte de l'oeuvre de l'artiste américain Donald Judd, l'un des principaux représentants du minimalisme.

«J'aimerais vivre dans une galerie d'art»

Séduite par l'aménagement de la boutique Reborn, à Montréal, l'occupante de la Sculpture habitable a pris contact avec le designer du commerce, Jean-Maxime Labrecque, fondateur de l'agence INPHO. Ce dernier, qui possède une formation en architecture, se souvient de leur première rencontre, en 2007. «Elle voulait un lieu aussi épuré qu'une galerie d'art, le plus vide possible et que les gens jugeraient froid. J'ai été immédiatement emballé par cette commande, qui m'a poussé à créer une oeuvre unique», révèle le concepteur de 37 ans.

De l'aluminium brut et rien d'autre

La cliente admet avoir insisté pour qu'il n'y ait pas de bois, un matériau trop «chaud»qui ne convient pas au caractère de l'aménagement. Elle a plutôt privilégié l'aluminium brut, car elle adorait son fini. «Ce matériau est toutefois difficile à nettoyer, note Jean-Maxime Labrecque. Mais ma cliente était prête à vivre avec cet inconvénient.»

Photo: Bernard Brault, La Presse

Jean-Maxime Labrecque a mis des centaines d'heures pour concevoir et suivre les travaux d'aménagement de ce condo.

Deux meubles seulement

Niché dans un immeuble industriel du début du XXe siècle, le loft d'environ 800 pieds carrés a été évidé et, surtout, dépouillé du gypse qui avait été installé par le promoteur. L'objectif était de mettre en valeur le béton du sol, des murs et du plafond. Ensuite, Jean-Maxime Labrecque a créé deux «meubles-sculptures» qui regroupent à eux seuls toutes les fonctions du vestibule, de la cuisine, de la chambre et du salon. Le premier bloc comporte, d'un côté, la penderie du vestibule et, de l'autre, les électroménagers de la cuisine. La structure de cet aménagement est en aluminium brut. Quant aux portes des caissons de mélamine, elles sont rehaussées de verre peint gris. Le second meuble, formé d'une ossature et habillé d'aluminium brut, commence dans la cuisine avec un comptoir en porte-à-faux, surmonté d'armoires sur lesquelles des feuilles d'aluminium brut ont été collées. Après, tel un ruban métallique, la cuisine se prolonge en une grande penderie de type «walk-in» qui, elle, se poursuit en une base de lit. Celle-ci se transforme en un canapé sectionnel, qui se termine par la table de cuisine, contenant quatre tabourets. Le tout étant formé d'aluminium brut.

Et le confort?

Le concepteur admet qu'un canapé complètement fait de métal, même agrémenté de coussins, n'est pas des plus confortables. «Évidemment, un tel sofa ne peut offrir un confort semblable à celui d'un fauteuil moelleux, généreusement rembourré, reconnaît Jean-Maxime Labrecque. Notre intention était plutôt de créer une forme pure et aux lignes nettes. C'était un compromis accepté, dès le départ, par la propriétaire. L'ajout de coussins en mousse permet toutefois d'être à l'aise, le temps d'un film, par exemple.»

Photo: Frédéric Bouchard pour INPHO

La longue table de cuisine renferme quatre tabourets, eux aussi en métal. Abondante, la lumière naturelle se réfléchit vivement sur l'aluminium brut et sur le sol de béton couvert d'époxy très lustré.

Rangement à profusion

Dans cet appartement, tout peut être camouflé en un tournemain dans des armoires et des tiroirs, qui sont dépourvus de quincaillerie apparente. Idée futée: le dossier du sectionnel fait office de bibliothèque, alors que son assise est un énorme rangement.

Minimaliste, mais pas aseptisé

Contrairement à plusieurs intérieurs lisses et immaculés, la Sculpture habitable n'a rien d'aseptisé. «Nous avons privilégié la texture des matériaux et préservé l'esprit industriel de l'endroit, explique le designer. Le béton est expressif et, au sol, il a été recouvert d'époxy très lustré. L'aluminium brut affiche un grain particulier et réfléchit vivement la lumière. Celle-ci entre d'ailleurs à flots dans cet appartement qui est troué de plusieurs fenêtres.»

Se doucher dans le noir

Enfin, à la demande de l'occupante, la salle de bains, qui loge dans une voûte de béton existante, est complètement noire. Ainsi, la mosaïque de la douche, le béton des murs et le comptoir en granit suspendu sont tous de couleur jais. «Surprise! Le miroir pleine hauteur aurait dû donner l'impression de doubler l'espace. Mais cet effet a été étouffé par le noir», observe le concepteur.

Jean-Maxime Labrecque (INPHO) a raflé le prix Spécial du jury, et le prix Espace résidentiel de 1600 pi2 ou moins, grâce au condo Sculpture habitable, lors des Grands Prix du Design 2011.

Photo: Frédéric Bouchard pour INPHO

Toute noire, la salle de bains du condo loge dans une ancienne voûte en béton.