Avril, Mois mondial de l'architecture de paysage. Montréal, de concert avec l'Association des architectes paysagistes du Québec (AAPQ), le proclame. Québec, elle, se fait discrète.

En 2006, avril est déclaré Mois mondial de l'architecture de paysage par la Fédération internationale des architectes paysagistes. Cela après que l'Association canadienne des paysagistes du Canada le lui eut suggéré. Au Québec, l'AAPQ le souligne depuis 2008. Chaque lundi d'avril, sur aapq.org, elle propose une «rencontre virtuelle avec des travaux d'architectes paysagistes québécois» eu égard, chaque fois, à grand projet, de la conception à la réalisation.

Objectif : faire connaître l'architecture de paysage et son bien-fondé. D'autant que, depuis plusieurs années, selon le président de l'organisme, Yvan Lambert, la population en général devient de plus en plus consciente de l'importance du paysage, qu'il soit naturel ou construit, pour le bien-être collectif et individuel. Puisqu'il est apaisant, délassant et thérapeutique, dit-on par ailleurs.

Désertification

Les gens aiment la nature. Pourtant, de nombreuses industries ont désertifié leurs emplacements. Les parcs de stationnement immenses des centres commerciaux lui ont montré la porte, tandis que l'étalement urbain la fait reculer.

Or, les particuliers prennent leur revanche. Ils embellissent leurs cours, leurs balcons, leurs toits parfois, où il leur arrive même d'exploiter un bac de jardinage.

Les municipalités, pour et au nom des contribuables, ripostent. Elles créent des parcs, réhabilitent les berges des cours d'eau, naturalisent les boulevards, les rues et les ruelles. Las du sans-gêne d'industries à faire étalage de lamentables installations et de sols stériles, elles les forcent de plus en plus à orner ou à végétaliser. Les commissions scolaires, elles, mettent en place des îlots de verdure aux abords de leurs écoles. De même, les grandes cités d'enseignement et les sociétés immobilières publiques eu égard aux bâtiments qu'elles administrent.

À plusieurs endroits, on embellit les quais. Dernièrement, ceux des croisières le long du Saint-Laurent. Tout ça, avec le concours d'architectes de paysage, constate France Girard, de Neuville, elle-même de la profession.

«Notre travail consiste à rendre la nature aux citoyens. Nous organisons l'espace, nous articulons les volumes selon leurs besoins. Chaque architecte a sa signature, mais il est avant tout leur tête et leurs mains. De sorte qu'ils puissent dire enfin : c'est ce à quoi nous rêvions», déclare Mme Girard, 31 ans, dont la feuille de route, en sa qualité d'architecte de paysage, est déjà bien fournie.

À domicile, continue-t-elle, l'architecte prend en compte le mode de vie du ménage, de ses enfants, de son besoin de s'affranchir du travail et du stress, de ses nécessités sociales, culturelles et ludiques. «Moi, dit-elle, je m'emploie à concevoir, pour chacun, un petit paradis.»

Renaissance

Depuis les années 50 jusqu'aux années 70, trouve l'architecte de paysage de L'Ancienne-Lorette Marie-Josée Hamel, les propriétaires se satisfaisaient d'un gazon bien net bordé d'une haie, d'arbres et d'arbustes tels un cèdre, des potentilles ou un cerisier pourpre des sables, voire d'un potager.

Entre-temps, Moshé Safdie perce l'avenir du Québec en matière d'horticulture ornementale. Il pressent le besoin chez les gens de jardins personnels qui devaient être des havres de paix et l'exprime dans les terrasses de Habitat 67, immeuble d'habitations prestigieux dont il est l'architecte.

Jusqu'à ce que vinrent les Floralies internationales de Montréal en 1980 qui ont décisivement allumé au Québec la passion florale alors que proliféraient déjà les sociétés d'horticulture, les pépinières et les jardineries. Cependant que l'Américaine Faith Popcorn, en 1994, voyait monter le cocooning auquel le «paysage construit» devait logiquement prendre part.

De nos jours, non seulement l'architecte de paysage canalise les rêves, structure les espaces ou imprime des styles, mais il imagine, sous une extraordinaire pression de la demande, des salons, des cuisines et des emplacements de bain à remous dans le jardin. Seuls, les gens n'y arriveraient pas.

«En fait, on veut être bien chez soi. On est en quête de beauté, de tranquillité, de sécurité. On est prêt à investir», trouve-t-elle. Cependant, elle s'interroge sur le temps imparti aux ménages pour en profiter. Et si c'était parce qu'ils n'en ont pas assez et qu'ils veulent en tirer profondément avantage? se demande-t-elle.

D'un autre côté, Marie-Josée Hamel voit une analogie entre nos jardins nouveaux et ceux de la Renaissance, période de grande émancipation qui s'est étendue de 1400 à 1600 approximativement. Le savoir-faire italien ayant été le ressort. Le mouvement a gagné les palais et les châteaux, puis les grandes villas. Extension de la maison, on composait les jardins avec autant de soins que l'intérieur des demeures. On les agrémentait de plantes exotiques, de bassins, de jeux d'eau, de statues et de ruines. On s'y promenait et on les admirait de la terrasse.

Après l'hiver

Mme Hamel trouve opportun qu'avril, depuis 2008, soit le Mois mondial de l'architecture de paysage. Car, après l'hiver, renaît le goût de vivre intensément au diapason de la nature, de se l'approprier, voire de créer son propre paysage.

«En avril, on commence à briser son cocon. Puis on cherche les conseils et les services d'un architecte de paysage pour qu'il nous aide à organiser notre jardin. Mais il faut le rêve. Et si la personne ne rêve pas, l'architecte est pris au dépourvu et en arrache», déclare Medhi El Gaied, président d'office de l'Association des paysagistes professionnels du Québec (APPQ) et chef de service chez Embellissement des Deux Rives-Teronet de Lévis.

M. El Gaied n'est pas architecte de paysage, encore que son entreprise en emploie. Il est plutôt paysagiste. «Or, le paysagiste est à l'architecte de paysage ce que l'entrepreneur en construction est à l'architecte régulier. La mission de l'un et l'autre est de mettre en forme ce que l'architecte, selon sa spécificité, a conçu», précise France Girard.