Sous un pont, sur le trottoir, dans les entrées de certains édifices publics, le sans-abri se blottit où il peut, pas nécessairement où il veut. Les toits stables manquant à l'appel, pourquoi ne pas s'inspirer de l'escargot et concevoir un chez-soi portatif?

Sous un pont, sur le trottoir, dans les entrées de certains édifices publics, le sans-abri se blottit où il peut, pas nécessairement où il veut. Les toits stables manquant à l'appel, pourquoi ne pas s'inspirer de l'escargot et concevoir un chez-soi portatif?

 Pour regarder les conditions des sans-abri bien en face, Folie/Culture a lancé un projet de conception d'habitations nomades permettant au locataire de poser l'ancre là où il le souhaite. Pour sensibiliser, mais surtout pour mettre l'éclairage sur le pansement plutôt que sur le bobo.

 «On a demandé à des maisons d'architectes de dessiner ces maisons portatives. On trouvait ironique d'inclure des architectes qui, normalement, dessinent des projets d'habitation», précise la directrice de l'organisme Folie/Culture, Céline Marcotte.

 En tout, huit logis, présentés le week-end dernier pendant la Nuit des sans-abri, ont été dessinés par des équipes provenant de Québec, de Montréal, de Gaspé et de Vancouver. L'habitation devait être facilement manipulable, se faire toute petite et être, dans la mesure du possible, faite de matières recyclées et recyclables. «C'est certain que les gens seraient obligés de les fabriquer eux-mêmes. Parce que les architectes ont seulement fait des prototypes», ajoute Mme Marcotte. Les projets vont de toiles-manteaux à des tentes en Coroplast (polypropylène ondulé).

 L'équipe de Jean-Maxime Labrecque de Montréal a même reproduit une boîte grand format, facilement pliable et transportable.

 La firme Croft Pelletier, de Québec, a quant à elle conçu un tube rétractable roulant. Une base de bois sur laquelle on a fixé une toile d'environ trois mètres, agrémentée de cerceaux pour soutenir la forme.

 «Notre idée a été prise selon plusieurs références, décrit Marie-Chantal Croft. On a vite pensé faire quelque chose en cercle. C'est une forme universelle qui rappelle le cocon et qui est rassurante.» Seul hic : la maison portable de la formation de Québec coûte environ 100 $ en tout pour le matériel, il serait donc difficile de la concevoir pour ceux qui en ont besoin.

«Ce qu'on explique, c'est que les sans-abri veulent fabriquer eux-mêmes. On veut qu'ils s'approprient notre idée et qu'ils construisent ce qu'on a dessiné. C'est possible de trouver tout le matériel nécessaire sur les lieux de constructions ou avec des matières recyclées.» Enfin, les conceptions devaient prévoir un espace pour un animal de compagnie qui suit souvent l'itinérant.

 Cacher ou éclairer

 «C'est certain que ce projet sert à rappeler qu'on n'a pas tous un toit confortable. On veut sensibiliser», indique Mme Marcotte. C'est pourquoi Marie-Chantal Croft a dessiné trois modèles de sa création, pour susciter des sentiments opposés chez les gens. «Pour un de nos modèles, on a utilisé du tissu d'armée. Parce qu'en général on essaie de camoufler les sans-abri. On ne veut tout simplement pas les voir.» À cette version déguisement s'oppose l'autre, celle de faire voir, de faire réagir. La toile blanche a été utilisée pour «éveiller la société, poursuit-elle. Le blanc est clair et voyant».

 D'autres formations ont opté pour la méthode camouflage, notamment celle de Bouchard- Boucher, de Vancouver, qui a utilisé des toiles rappelant les motifs de briques et de murs de béton.

Inspiré de...

 L'équipe de Folie/Culture n'est pas la première à lancer l'idée. En fait, elle s'est basée, entre autres, sur ce qu'un architecte américain d'origine iranienne, Nader Khalili, a conçu comme habitat nomade. L'architecte de renom a pensé au concept de maison mobile fabriquée à partir de sacs de sable. «Il a pensé à des habitations qui se construisent facilement et rapidement, explique Mme Marcotte. On s'en sert surtout dans des situations d'urgence.»

 L'architecte japonais de renom Shigeru Ban a également inspiré le projet. Il est reconnu, entre autres, pour avoir conçu des intérieurs en cylindres de carton, donc de matières recyclées.

 «On a aussi pigé notre idée en France. Ils ont distribué des tentes pour attirer l'attention sur l'itinérance. C'était une bonne idée.»

 En fait, l'association française Les Enfants de Don Quichotte a organisé une activité de sensibilisation en installant pas moins de 200 tentes au milieu de Paris une nuit de décembre 2006. L'effet a été immédiat puisque, trois semaines plus tard, le gouvernement français présentait un projet de loi sur le droit au logement, qui entrera en vigueur en janvier 2008.

 

Photo Jean-Marie Villeneuve, Le Soleil

Un cylindre de toile et du bois pour la base: c'est l'idée de la maison québécoise Croft Pelletier.