Sages à l'avant, éclatées à l'arrière. En ville, les façades des maisons contemporaines gardent souvent leurs meilleurs secrets pour la ruelle. Nous avons visité l'une d'entre elles, la maison 1ère Avenue, réalisée par la firme d'architecture Microclimat, en plein coeur de Rosemont.

Le secret est dans la ruelle

Ce qui frappe quand on entre dans la maison 1ère Avenue, c'est d'abord la lumière.

En effet, une luminosité aussi généreuse n'est pas la norme dans ces maisons en rangée typiquement montréalaises. Le secret tient en bonne partie à la façade arrière, composée de grandes ouvertures sur la ruelle qui laissent entrer le soleil dans chaque recoin de la demeure.

«Quand on travaille en mitoyenneté des deux côtés, on a accès à la lumière strictement à l'avant et à l'arrière, résume Guillaume Marcoux, cofondateur de la firme d'architecture Microclimat. On a donc voulu emmener de la lumière au centre, dans un endroit qui est souvent sous-éclairé.»

Les occupants ont eu le champ libre pour créer cet espace, puisqu'il s'agit d'une nouvelle construction. À la recherche d'une maison dans Rosemont pour élever leurs deux jeunes enfants, ils ont trouvé ce terrain, où se tenait une maisonnette à un seul étage. Le couple a obtenu l'accord de la Ville pour démolir la «shoe box», puisqu'elle était abandonnée depuis un certain nombre d'années.

Toutefois, à l'image des rues typiques de la métropole, le lot est entouré de chaque côté par d'autres maisons. Comment alors y faire pénétrer la clarté en abondance?

Les grandes ouvertures à l'arrière et le plan ouvert au rez-de-chaussée ont certainement contribué à faire circuler librement cette lumière.

Ouverture, intimité

Évidemment, plus on ouvre grand la façade, plus l'intimité rétrécit. Mais les clients étaient prêts à s'exposer un peu, grâce à tous les avantages sous-jacents, souligne Guillaume Marcoux. «Dans ce cas, l'ouverture était plus importante que l'intimité. Donc il y avait un petit déséquilibre entre les deux notions, mais avec lequel les propriétaires étaient volontairement à l'aise.»

Bien sûr, des mesures ont dû être prises pour éviter que la maison ne surchauffe. Mordu de domotique, le propriétaire a installé un système de stores motorisés au rez-de-chaussée, qu'il peut démarrer à distance.

Aussi, une des chambres à l'étage - celle des propriétaires - s'avance en porte-à-faux au-dessus de la terrasse, créant de l'ombre sur la cuisine d'été qui y est aménagée. Cette excroissance de l'étage supérieur protège également les occupants des intempéries, ce qui leur permet de profiter du barbecue même par temps maussade.

L'idée du porte-à-faux illustre également la volonté de prolonger les espaces intérieurs vers l'extérieur.

À l'étape des esquisses, les propriétaires s'étaient inspirés des grandes maisons californiennes qui s'ouvrent sur un immense paysage.

«Ils avaient dans leur imaginaire des maisons toutes blanches, très grandes, très ouvertes, sans contrainte physique entre l'intérieur et l'extérieur, explique l'architecte. Donc on a voulu reprendre cette idée, mais à l'échelle d'une propriété montréalaise sur un lot de 25 pi!»

Et les règlements?

Quand on perce ainsi une façade, il faut bien sûr respecter la réglementation. On doit tenir compte à la fois des règles municipales et du Code de construction du Québec, rappelle Guillaume Marcoux. «Ces deux éléments d'ordre technique nous ont aidés à guider notre réflexion. On ne peut pas dépasser ce que dictent ces réglementations en termes d'ouverture.»

À l'avant, la nouvelle construction doit s'accorder au patrimoine existant, par exemple en harmonisant ses ouvertures à celles des maisons voisines. «Mais dans l'esthétique finale, on a quand même voulu affirmer un bâtiment contemporain, par rapport à un patrimoine des années 40, 50 ou 60», souligne l'architecte. La brique anthracite a donc l'avantage d'être modeste, tout en permettant à la nouvelle résidence de se distinguer des bâtiments voisins.

À l'arrière, les enjeux sont davantage liés aux vues directes ou indirectes, puisque la façade donne sur la ruelle. «Il y a eu toute une étude d'ensoleillement à cet égard, de manière à ce que la maison puisse mieux s'intégrer à son contexte de proximité», précise M. Marcoux.

Sans surprise, les règles sont plus sévères côté rue que côté ruelle, où les réglementations sont moins lourdes. «Dans ce cas-ci, ça explique un peu les deux visages de la propriété. Souvent, on dit même que c'est presque le reflet de la personnalité du client qui s'exprime en façade arrière!», conclut Guillaume Marcoux.

D'autres façades arrière épatantes

La maison 1ère Avenue de la firme Microclimat est loin d'être la seule à faire preuve d'ingéniosité dans sa façade arrière. Nous avons déniché, parmi tant d'autres, quelques résidences montréalaises au côté cour audacieux.

Résidence Hôtel-de-Ville, Microclimat

En plus de la maison 1ère Avenue, la firme Microclimat a adopté un style de façade similaire dans cette résidence de l'avenue de l'Hôtel-de-Ville. Cela dit, là s'arrêtent les ressemblances entre les deux projets. Ici, les architectes ont rénové et agrandi un cottage plus que centenaire, en intégrant le grand peuplier dans la cour.

La maison Belle à Sébastien, atelier 3/4 fort

C'est aux designers de l'atelier 3/4 fort que l'on doit cette façade lumineuse dans un bâtiment patrimonial de la Petite-Bourgogne. Une immense ouverture a été pratiquée dans les deux premiers étages du mur arrière, où se profile l'escalier intérieur.

Maison De Gaspé, La Shed architecture

Ce duplex de Villeray a été transformé en maison unifamiliale par les architectes de La Shed. L'arrière de la résidence se distingue davantage par sa forme audacieuse que par ses ouvertures. En effet, les architectes ont gardé le volume d'origine, mais en en retranchant une partie pour laisser la place à une terrasse. Le look «hangar» a été conservé, mais revisité.

Photo Adrien Williams, fournie par Microclimat architecture

Maison Hôtel-de-Ville, réalisée par la firme Microclimat architecture.