Qui n'a jamais frémi d'anticipation à l'idée d'organiser une réception chez soi? De nos amis français qui veulent déguster du caribou à ceux qui se présentent avec une heure de retard, la visite est soigneusement passée en revue dans un nouveau et rigolo livre de recettes de Ricardo Larrivée.

Il aura fallu trois ans à l'équipe de Ricardo pour nous offrir ce nouveau livre de recettes fort pratique et disons-le, visuellement ravissant. «Tout le monde fait des livres de recettes, fait remarquer Ricardo, rencontré récemment au Phillip's Lounge. Je me suis sincèrement demandé si c'était vraiment utile d'en ajouter un. Quand j'ai fait La chimie des desserts, c'était très clair pour moi que ça répondait à un besoin, celui de comprendre la chimie des aliments pour ne plus rater ses gâteaux. Il me fallait trouver quelque chose d'aussi clair.»

L'idée a germé lorsque des amis leur ont demandé comment ils s'y prenaient pour être toujours aussi bien organisés pour recevoir la visite à souper. « J'ai réalisé que nous avions peut-être un filon. Ma femme et moi nous sommes donc mis à observer nos visiteurs. Nous avons des amis retardataires, des amis français qui veulent être épatés, des amis qui arrivent à l'impromptu, des amis qui restent à coucher. On venait de trouver notre idée de livre de recettes: savoir se débrouiller avec la visite dans toutes les circonstances.»

Séparé en six chapitres, le livre propose des repas complets pour chaque occasion, mais offre aussi des trucs et astuces d'accompagnements, le tout enrobé dans une facture humoristique. «Je tenais à écrire en début de chapitre un texte qui traduirait comment je me sens dans diverses situations de visite. Parce qu'il faut le dire, les chapitres - ainsi que les photos qui les illustrent - sont toujours inspirés par un souper qui a vraiment eu lieu chez moi.»

Se créer des souvenirs

Avec 10 années de télé dans sa marmite, Ricardo Larrivée peut se vanter d'être également devenu, en trois ans, une véritable vedette de la chaîne canadienne Food Network. «Je suis fier de réussir à y présenter le Québec, confirme-t-il. Et même si je garde mes habitudes de cuisiner avec les produits locaux, je tiens néanmoins à présenter dans cette émission des producteurs québécois qui y parlent français dans des capsules qui font d'ailleurs le succès de l'émission. À tel point que le National Post, qui habituellement n'est pas tendre en politique, a écrit son titre en français sur sa une: «Cuisiner avec Ricardo». J'en étais vraiment heureux.»

Difficile de ne pas constater un changement de cap avec ce nouveau livre dont la facture rappelle davantage l'univers du Britannique Jamie Oliver. Ricardo Larrivée nie toutefois avoir tenté de changer de public. «Pendant les trois ans où j'ai travaillé sur ce livre, ma façon de voir les choses, elle, a changé. Ma femme a eu le cancer, j'ai perdu ma mère pour ensuite voir des amis mourir autour de moi. J'avais plein de rêves dans ma vie... Je voulais une émission en anglais ; non seulement je l'ai eue mais elle se maintient depuis le début dans le top 3 des émissions au Canada anglais. Je suis comblé. Mais après? Ces derniers temps, j'ai sincèrement pensé tout arrêter. Je pense que ce livre marque la fin d'une période et le début d'autre chose. C'est fini de courir après les ambitions.»

Ricardo ne délaissera pas la cuisine, mais il prend aujourd'hui le temps de réfléchir. «Je ne suis pas restaurateur, je n'ai pas à maintenir l'image de mon restaurant. Les chefs doivent présenter une cuisine accessible dans leur livre tout en respectant un certain standing. Moi j'ai la chance d'être libre. Mon seul objectif, c'est de convaincre quelqu'un d'ordinaire qu'il peut faire une recette qui n'a ni besoin d'être chère ni compliquée pour être intéressante. Je dois le convaincre que c'est plus agréable de la faire que de l'acheter, tout simplement parce qu'on se crée ainsi des souvenirs.»

Photo: Éditions La Presse

Une saveur sociale Au-delà de l'argent et des tendances, il y a la vraie vie, souligne Ricardo Larrivée, dont la cuisine se veut le plus près possible des gens et de leur milieu. «On veut tous le meilleur, le bio, le beau, mais est-ce que dans notre quotidien on peut y répondre? La réponse est souvent non. Je viens de Cap-Chat et en retournant en Gaspésie l'été dernier, j'ai réalisé qu'il y a plein de villages au Québec qui n'ont même pas d'épicerie! Ça ramène sur terre. On peut bien faire de la haute voltige en cuisine, il ne faut pas s'éloigner des gens.»

Il ne veut pas cuisiner uniquement pour les gens qui habitent les grands centres. «Je m'intéresse par exemple à ce que les habitants de la côte font avec le capelan. Et ce n'est pas diminuer la qualité de la recette que d'en tenir compte! J'ai donc comme projet de monter un programme scolaire de cuisine qui tiendrait compte des spécificités de chaque région. Autrement dit, l'enfant des Îles-de-la-Madeleine n'apprendrait pas la même chose que l'enfant du Saguenay. Le projet est d'ailleurs déposé et je crois qu'au ministère de l'Éducation, l'intérêt est là. Il suffit de voir si c'est réalisable.» L'animateur culinaire travaillerait déjà à convaincre les commissions scolaires.

En s'engageant auprès d'organismes qui permettent d'envoyer des enfants défavorisés dans des camps de vacances culinaires, Ricardo Larrivée poursuit le même objectif. «C'est souvent la première fois que ces enfants vont ressentir de la fierté, insiste-t-il. Je crois davantage dans ces actions-là que dans l'énergie perdue à tenter de combattre le fast-food

Parce qu'on a tous de la visite..., Ricardo Larrivée, Les Éditions La Presse. 39,95$