« Ce n’est pas le laisser-aller d’avant, l’anarchie d’avant. Non. Il faut que l’État reprenne le pouvoir. »

Professeur de démographie à la Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis, Hassène Kassar fait partie de ceux qui estiment que le virage pris par le président Kaïs Saïed était nécessaire.

« Jusqu’ici, il n’a pas repris exactement le pouvoir. L’administration est encore infiltrée, les juges aussi sont infiltrés […] par les islamistes. Je pense donc que la période actuelle est un passage obligé pour la Tunisie. Pour que l’État reprenne le pouvoir », précise cet expert.

PHOTO ALEXANDRE SIROIS, LA PRESSE

Hassène Kassar, professeur de démographie à la Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis

J’espère qu’il n’y aura pas d’abus. Il faut que les libertés et la démocratie soient une ligne rouge. Et il faut que ce soit une vraie démocratie, pas une démocratie de l’élite capitaliste et de l’argent.

Hassène Kassar, professeur de démographie

Je lui fais remarquer que beaucoup estiment que la ligne rouge a déjà été franchie.

« Est-ce que vous avez entendu dire qu’une personne a été arrêtée parce qu’elle a fait un discours dans une réunion publique ou un journal contre la politique du président ? », réplique-t-il.

Je lui parle rapidement de ce qui est arrivé au caricaturiste Tawfiq Omrane, qui m’a raconté ses démêlés avec les autorités.

Hassène Kassar affirme qu’il s’agissait d’une « caricature insolente » et précise qu’il a été « très vite relâché ».

L’universitaire finit tout de même par convenir qu’il y a eu « des dépassements », surtout dans le cas d’hommes d’affaires qui ont été arrêtés. « J’ai des amis qui sont emprisonnés et j’espère qu’ils seront relâchés », dit-il.

Cependant, lorsque j’utilise l’expression « virage autoritaire », il me fait connaître son désaccord. Nous sommes assis sur la terrasse de l’Uranium Café d’art, à Carthage. Cette municipalité tunisienne est connue pour ses ruines, mais aussi pour abriter l’immense palais présidentiel.

« Si c’était [un virage] autoritaire, on n’aurait pas pu avoir ce moment de discussion entre nous. À l’époque de Ben Ali, on n’aurait pas pu rester plus de cinq minutes ensemble dans un café dans une zone qu’on appelle zone présidentielle. »