Les jours qui suivent des élections générales constituent un moment d’introspection pour les partis politiques qui, inévitablement, reviennent sur la performance de leurs chefs respectifs et sur la possibilité qu’ils soient encore là ou pas pour le prochain scrutin. Voyons cela parti par parti.

Justin Trudeau

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Justin Trudeau, premier ministre du Canada et chef du Parti libéral

Personne ne va pousser Justin Trudeau dehors, mais pourrait-il décider que trois mandats comme premier ministre, c’est assez ?

Il est jeune (il a l’âge qu’avait son père lors du premier de ses quatre mandats) et en santé, donc, en principe rien ne s’oppose à ce qu’il soit chef du PLC lors des prochaines élections.

Cela dit, il y a plus d’un siècle qu’un premier ministre canadien n’a pas fait un quatrième mandat (pour les férus d’histoire, ce fut Wilfrid Laurier en 1908).

On va suivre ce que M. Trudeau entend faire au cours des prochains mois et quelles initiatives pourraient constituer son héritage politique. Un programme national de garderies serait un important élément de cet héritage : on en parle depuis quatre décennies. C’était déjà une promesse de Brian Mulroney pendant les années 1980. C’est aussi devenu, au Canada anglais, la principale dépense des ménages, dépassant même le logement.

Mais la question de la dette et des finances publiques pourrait devenir un problème pour le chef libéral avant la fin du mandat.

Erin O’Toole

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Erin O’Toole, chef du Parti conservateur

Le chef conservateur fait déjà face à une révolte de certains de ses députés et elle est bien réelle, même si personne n’ose encore le contester en public. La tentative de recentrage du parti de la dernière campagne électorale n’a tout simplement pas passé auprès des députés issus de la filière de l’ancien Parti réformiste.

Que ce soit sur le contrôle des armes à feu ou un prix sur le carbone, il y a des prises de position de M. O’Toole qui n’ont pas passé chez bien des partisans conservateurs. Et corriger la plateforme officielle du parti avec des notes de bas de page n’aura pas réussi à rassurer les électeurs que l’on voulait conquérir.

Cela dit, M. O’Toole semble déterminé à se battre pour conserver son poste et il peut compter sur des appuis importants, comme l’ensemble de son caucus québécois.

Le défi de M. O’Toole serait de montrer qu’il est capable de gagner des sièges dans des grandes villes comme Toronto, Montréal ou Vancouver, là où les conservateurs ont pratiquement disparu de la carte électorale.

Yves-François Blanchet

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Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois

Le chef du Bloc québécois n’est pas contesté dans son parti, malgré des résultats électoraux décevants en regard des attentes qu’il avait lui-même suscitées.

Mais il y a des éléments extérieurs au Parlement canadien qui pourraient fragiliser le Bloc. Ainsi, si le Parti québécois poursuit sa glissade lors des élections de l’automne prochain au Québec, il deviendra de plus en plus difficile de défendre la pertinence d’un parti souverainiste à Ottawa quand ce qui fut la « maison-mère » n’a plus la faveur des électeurs québécois.

De même, François Legault a très clairement montré qu’il entend s’occuper lui-même des relations Québec-Ottawa et il n’a guère besoin du Bloc québécois pour passer ses messages.

Jagmeet Singh

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Jagmeet Singh, chef du Nouveau Parti démocratique

Le Nouveau Parti démocratique est souvent très patient avec ses chefs. Ainsi, ses prédécesseurs Ed Broadbent et Jack Layton ont été chefs pour quatre campagnes électorales chacun, malgré des résultats souvent décevants.

Il reste que la dernière campagne a affaibli le leadership de M. Singh. Avec une récolte de 25 députés, contre 24 lors de la dissolution de la Chambre. En 2019, M. Singh en était à sa première campagne nationale et le parti était si fauché qu’il lui avait fallu hypothéquer le siège social du parti pour financer sa campagne.

Cette année, les coffres étaient pleins, le NPD a dépensé près de 24 millions de dollars pour obtenir pratiquement le même résultat.

Il se pourrait bien que M. Singh soit maintenant un peu plus contesté, d’autant que la constitution du parti prévoit un vote de confiance sur son leadership à chaque congrès du parti.

Annamie Paul

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Annamie Paul, cheffe du Parti vert

La cheffe du Parti vert s’est querellée avec à peu près tout le monde dans son parti, elle a terminé au quatrième rang dans sa circonscription de Toronto Centre, avec un nombre insuffisant de voix pour obtenir un remboursement de ses dépenses électorales. Et elle a fait fondre les appuis de son parti de 6,5 % du vote à seulement 2,3 %. Elle aurait dû démissionner le soir même des élections.

Maxime Bernier

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Maxime Bernier, chef du Parti populaire du Canada

Le Parti populaire du Canada a obtenu 5 % des voix, mais M. Bernier a, encore une fois, mordu la poussière en Beauce. Mais il est impossible de ne pas voir que son score a été amplifié par les mouvements contre les mesures sanitaires et les vaccins. Qu’en sera-t-il après la pandémie ? Personne ne va contester Maxime Bernier parce que le PPC, c’est encore, pour l’essentiel, Maxime Bernier. Mais il sera difficile pour lui de se maintenir dans l’œil du public jusqu’aux prochaines élections.