Le comédien Daniel Pilon, qui a mené autant sa carrière en Europe qu'à Los Angeles et au Québec, s'est éteint mercredi après une longue maladie. Il avait 77 ans.

Chez les proches du comédien, on a unanimement salué tant son immense carrière, qui s'est étendue sur un demi-siècle, que son côté sympathique et plus grand que nature.

«Daniel a été le premier à chercher d'autres avenues, à vouloir aller voir ailleurs, dit son frère Donald, aussi comédien et son aîné de trois ans. Il aurait pu devenir James Bond, car il avait été invité par les producteurs, avec deux autres comédiens, à Londres. J'ai été témoin de tout cela. Je suis fier de ce qu'il a fait.»

Au début de leur carrière, les deux hommes ont joué ensemble à quelques reprises, notamment dans Le viol d'une jeune fille douce de Gilles Carle et Les smattes de Jean-Claude Labrecque. «Nous avons eu de bonnes relations, mais aussi des accrochages, comme ça arrive avec tous les frères», dit Donald Pilon.

Ce dernier, qui a vu son frère deux jours avant sa mort, accueille celle-ci comme une délivrance.

«Il souffrait tellement. On a peu échangé [à ses dernières visites]. Il était pas mal épuisé.»

Né le 13 novembre 1940, Daniel Pilon travaille, comme son frère Donald, à Expo 67, où il fait la rencontre d'un homme qui lui parle d'un réalisateur nommé Gilles Carle, qui est à la recherche de deux frères pour jouer dans son film Le viol d'une jeune fille douce. C'est ainsi que tout commence, raconte son frère Donald. Tous deux aiment l'expérience, et tous deux se lancent dans le métier.

Très vite, Daniel Pilon décroche plusieurs rôles dans des films québécois. Il joue par exemple le rôle principal dans Red de Gilles Carle, Après-ski de Roger Cardinal, Quelques arpents de neige de Denis Héroux ou encore La mort d'un bûcheron, à nouveau avec Gilles Carle.

À la même époque, en 1969, il obtient même un petit rôle dans le long métrage La voie lactée de Luis Buñuel.

En 1972, alors qu'il vient de perdre les deux principaux comédiens de son film Les smattes qu'il s'apprête à tourner, Jean-Claude Labrecque se fait conseiller d'appeler les frères Pilon. «Lorsque je leur ai téléphoné, ils m'ont dit qu'ils s'en allaient en vacances. Je leur ai répondu: "Oui, vous venez avec moi en Gaspésie", lance M. Labrecque au bout du fil. Tout au long de la route, je leur ai expliqué l'histoire. Et ils ont fait un très bon travail.»

Quelques années plus tard, en visite à Los Angeles, Jean-Claude Labrecque est invité par Pilon à visiter les grands studios.

«Avec un nom francophone, ça ne passait pas, alors il utilisait des noms allemands pour m'introduire (rire). Nous avons passé de bons moments. Un jour, nous allons manger au restaurant et Daniel tombe en amour avec la serveuse. Je suis rentré en taxi!»

À Los Angeles, Daniel Pilon mènera une longue carrière, jouant notamment dans des feuilletons télévisés à succès, que ce soit Masquerade, Dallas, Days of our Lives, Ryan's Hope ou The Guiding Light.

«Il était plus grand que nature. Il a eu une carrière extraordinaire, résume son ami, le comédien Marc Legault. Il était malgré tout un homme simple et qui aimait encourager ses proches. Il venait voir à peu près tous mes spectacles de théâtre.»

«Il n'avait pas de prétention face à la carrière extraordinaire qu'il a menée, dit Ginette Achim, son agente depuis une douzaine d'années. Ce n'était pas un cas de fierté mal placée.»

Tremblements de terre et de vie

La carrière comme la vie privée du comédien ont été, sans mauvais jeu de mots, littéralement ébranlés à la suite d'un tremblement de terre survenu en Californie le 17 janvier 1994. Dans une entrevue accordée à notre collègue Patrick Lagacé le 12 janvier 2007, Daniel Pilon raconte y avoir perdu sa maison de 1,3 million, déclarée inhabitable, son assureur refusant de le dédommager pour ce qui est considéré comme un «act of God», un cas de force majeure.

Quelques semaines plus tard, à Outremont, il est arrêté par des policiers à la suite d'une altercation avec sa femme, qui refuse de porter plainte. Des accusations de voies de fait sont néanmoins portées puis retirées au bout d'un mois.

Trop tard. Le comédien perd des contrats. Cette suite d'événements, jumelée au fait que sa femme le quitte, fait en sorte que Pilon est acculé à la faillite en avril 1994. Il en déclarera une seconde en septembre 2006, n'ayant pas les moyens de payer des arrérages d'impôt auxquels s'ajoutent des intérêts et pénalités. «Mais je refuse de faire de l'apitoiement», dira-t-il en conclusion de l'article.

Il est vrai que l'homme a toujours continué à travailler, en anglais comme en français, aux États-Unis comme au Québec. Dans les dernières années de sa vie, on l'aura vu dans plusieurs séries télévisées québécoises comme Lance et compte: la revanche, Mirador ou La galère. En 2016, déjà malade, il joue néanmoins le rôle d'un juge dans la série Marche à l'ombre réalisée par Francis Leclerc. Ce sera son dernier rôle.

«Je n'ai fait qu'une seule journée avec lui. Il jouait le père de Martin Dubreuil, un vieux juge à la retraite, nous écrit M. Leclerc de l'Islande, où il est en voyage. Il était déjà très malade, c'était touchant de le voir vouloir improviser autour du texte et se donner autant. Il m'a beaucoup parlé de sa carrière aux États-Unis et de James Dean.»

Parlant quatre langues (français, anglais, italien et espagnol), père de quatre enfants (Catherine, Mathieu, Maxime et Alexandra) issus de deux unions, Daniel Pilon était aussi le frère de Michel et de Louise. Les détails de ses funérailles seront connus plus tard.

Avec des hauts et des bas, Daniel Pilon a connu une carrière unique qu'il a menée à sa manière, regardant toujours vers l'avant. «La chanson My Way de Frank Sinatra, c'était lui, totalement lui», dit Ginette Achim.

Sa filmographie

1968: Enfants de salauds

1968: Le viol d'une jeune fille douce

1969: La voie lactée

1970: Red

1971: Malpertuis

1971: Après-ski

1972: Les indrogables

1972: Le diable est parmi nous

1972: Les Smattes

1972: Quelques arpents de neige

1973: La mort d'un bûcheron

1975: Brannigan

1976: L'invasion des soucoupes volantes

1978: Plague

1980: Les chiens chauds XXX

1984: Love Scenes

1989: Malarek

1992: North of Chiang Mai

1992: Scanners III: Puissance maximum

1997: Suspicious Minds

1997: Habitat

1997: The Assignment

1998: In her Defense

1998: Musketeers Forever

1998: The Sleep Room

1998: Going to Kansas City

1999: Fish Out of Water

2000: Island of the Dead

2000: The List

2001: Deception

2003: Michel Vaillant

2007: Shoot 'Em Up

2008: Story of Jen

2009: Looking for Anne