Avec l'Oscar pour Moonlight, les 800 000 entrées de 120 battements par minute en France et le buzz entourant Call me by your name, sorti aux États-Unis, l'homosexualité a été à l'honneur sur grand écran en 2017. Phénomène durable ou feu de paille?

«Ce fut une année extraordinaire pour les films sur les relations entre personnes de même sexe», se réjouissait récemment Francis Lee, réalisateur de God's own country.

«Ça a commencé avec l'Oscar du meilleur film pour Moonlight, la découverte de Call me by your name au festival du film indépendant de Sundance, puis une histoire d'amour avec un personnage transgenre à la Berlinale (Une femme fantastique)», rappelle le Britannique, lui-même primé à Sundance pour son histoire d'amour entre hommes dans une ferme du Yorkshire.

Outre de nombreuses récompenses, le public a été au rendez-vous pour ces films, considérés jusqu'ici comme des oeuvres de niche. Call me by your name de Luca Guadagnino fait salle comble dans le petit nombre de cinémas où il est projeté aux États-Unis et Seule la terre est le premier film le plus vu cette année en Angleterre.

Autre signe de cette évolution: «ce sont aujourd'hui les distributeurs qui viennent nous chercher pour qu'on projette Call me by your name ou Battle of the sexes» avec Emma Stone en tenniswoman, dit Cyril Legann, du festival de cinéma LGBT «Chéries-Chéris» à Paris.

Jusqu'ici, beaucoup de distributeurs cherchaient à éviter de coller l'étiquette LGBT à un film, afin qu'il séduise le grand public, explique le programmateur.

Outre Moonlight sur le parcours d'un jeune noir homosexuel, élevé par une mère toxicomane, c'est le succès de 120 battements par minute sur Act Up qui marque un tournant, selon lui.

Marché demandeur

Avec un sujet aussi dramatique que le sida, le film, a «séduit bien au-delà de la population concernée, et a ouvert des portes. Mais elles peuvent se refermer», concède Cyril Legann. Le film de Robin Campillo, Grand prix à Cannes, n'a pas passé le cap de la présélection pour les Oscars.

Cyril Legann évoque également les espoirs suscités par Brokeback moutain en 2005. Le film avec Jake Gyllenhaal et Heath Ledger, sur deux cowboys amoureux dans les années 60, rencontra un franc succès mais ne remporta pas l'Oscar du meilleur film tant espéré.

Il ne parvint pas non plus à changer la donne auprès des studios frileux face à des projets traitant d'homosexualité, contrairement aux séries, plus audacieuses en la matière, comme Orange is the new black (depuis 2013 sur Netflix) ou Instinct sur CBS (en 2018), présentée comme la première série en prime time avec un personnage principal homosexuel.

«Dans le système des studios, l'argent est le nerf de la guerre, donc ça n'ouvre pas forcément la voie à des histoires gaies originales, surtout s'il n'y a pas d'acteurs "bankable". Même Call me by your name a mis des années pour trouver des financements et a été produit par quatre pays», confirme Andrew Murphy, programmateur du festival LGBT canadien Inside Out.

Considéré d'emblée comme un favori pour les Oscars, le film raconte l'histoire d'amour, le temps d'un été en Italie, entre un adolescent (joué par une révélation, le jeune Timothée Chalamet) et un étudiant américain plus âgé (Armie Hammer).

Son succès prouve qu'«il y a un marché demandeur» pour ce genre de films, estime l'Américaine Megan Townsend de l'Alliance gaie et lesbienne contre la diffamation (GLAAD), même s'il s'agit la plupart du temps de films financés en dehors des grands circuits.

«Les 18-34 ans sont deux fois plus nombreux que les générations précédentes à se définir comme LGBT», souligne le GLAAD. «Si Hollywood veut retenir cette population, il doit produire des films à grand public qui témoignent de cette diversité», insiste-t-elle.

Un message que commencent à entendre les studios. La Fox sortira en mars aux États-Unis Love, Simon, une comédie grand public sur un adolescent faisant son coming-out. Une première.