Douze ans après le succès international du film Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, le réalisateur français Jean-Pierre Jeunet retrouve son univers poétique pour raconter en 3D l'histoire d'un enfant surdoué dans L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet.

Adapté du roman éponyme de Reif Larsen, le 7e long métrage de l'un des réalisateurs français les plus connus à l'étranger met en scène les aventures de T.S Spivet, un enfant de dix ans passionné de sciences, de calculs et de cartographie, qui vit dans un ranch du Montana avec sa famille, entre un père à l'âme de cowboy et une mère qui se consacre à la classification des insectes.

Grâce à l'invention d'une machine à mouvement perpétuel, le jeune prodige, interprété par le jeune Kyle Catlett, émouvant et mutin à souhait, gagne un prestigieux prix scientifique, qu'il va aller chercher à Washington en traversant les États-Unis sur un train de marchandises, au prix de mille aventures et rencontres.

Le film sort mercredi en France et en Belgique, avant la Suisse, les Pays-Bas et la Grèce.

Il sera distribué aux États-Unis par le célèbre producteur américain Harvey Weinstein, qui avait déjà distribué Le fabuleux destin d'Amélie Poulain avec succès, ainsi que le film oscarisé The Artist, mais aucune date de sortie n'est encore fixée.

«Je me suis rendu compte qu'il y avait mes préoccupations dans ce livre, mais qu'il y avait aussi l'émotion, dans laquelle je n'étais jamais vraiment allé, l'opportunité d'utiliser la 3D, et aussi celle de faire un film américain, un film en anglais pour changer. Je me suis dit que je pouvais me renouveler en faisant quelque chose de vraiment différent», a confié le réalisateur à l'AFP.

S'il est tourné en anglais, ce long métrage, qui donne une large place à la nature et aux paysages, a été filmé essentiellement au Canada, dans la province d'Alberta, avec «une production européenne et donc la liberté, le "final cut"», indique Jean-Pierre Jeunet.

Surtout, le film exploite les possibilités de la 3D, pour laquelle il a été conçu dès l'écriture, en utilisant les nombreuses illustrations, cartes ou croquis du héros, présentes dans le livre de Reif Larsen.

Une déclinaison du Petit Poucet

«La 3D, personne ne l'utilise dans l'écriture. Hugo Cabret (de Martin Scorsese, ndlr) l'utilise très bien, je pense que c'est le meilleur film en 3D. (...) Mais c'est très dur de justifier dans un film de faire flotter les choses dans l'espace. Là les créations de Spivet s'y prêtaient», explique Jean-Pierre Jeunet qui, pour son premier film en 3D, dit avoir apprécié «d'inventer un nouveau langage quasiment, avec une nouvelle technique».

«On apprend à raconter autrement. Et surtout j'ai fait un film très contemplatif, très lent, avec des plans longs, pour rendre la 3D confortable», ajoute-t-il. Les couleurs aussi sont «plus réalistes» que dans ses précédents films «parce que c'est une histoire plus contemporaine avec des gens plus normaux».

L'univers du réalisateur d'Alien: Resurrection, Un long dimanche de fiançailles ou de Delicatessen est très bien servi par la 3D, qui nourrit sa fantaisie accordant une large place à l'enfance et l'obsession.

«Je dis, en me critiquant moi-même, que mes films sont toujours une déclinaison du Petit Poucet!», plaisante Jean-Pierre Jeunet. «C'est-à-dire un gamin - il peut être adulte - qui s'en sort grâce à son imagination, et qui lutte contre un ogre. Et l'ogre, ici, c'est la culpabilité» du secret familial porté par le héros.

«C'est l'histoire idéale de la lutte du faible contre les forts. Et finalement c'est un peu mon histoire, parce que moi je n'étais pas prédestiné à faire du cinéma», souligne le réalisateur.

«J'installais des centres téléphoniques dans l'Est de la France quand j'étais jeune. Donc pour m'en sortir, je me suis servi de mon imagination», poursuit Jean-Pierre Jeunet, qui dit n'être «à l'aise que dans le milieu du travail, dans la famille du cinéma, sur un plateau».

T.S. Spivet «fait ses dessins dans son coin comme je fais mes storyboards», dit-il.