Il y a cinq ans, Charles Bradley était un inconnu. Aujourd'hui, il est le nouveau James Brown. Un film relate la vie de ce chanteur soul américain, qui a attendu plus de 40 ans avant de connaître le succès.

«Je crois en Dieu, en moi-même et en ma mère.»

Bien installé dans le sofa en cuir de son autobus de tournée, Charles Bradley se prépare à monter sur scène. Nous sommes lundi en fin d'après-midi et il y a déjà une file devant le théâtre Corona, preuve que le buzz est bien réel autour de ce chanteur soul qui a passé toute sa vie dans l'anonymat.

Il y a cinq ans, Charles Bradley travaillait encore dans une cuisine, à éplucher des pommes de terre. Le week-end, il s'adonnait à sa véritable passion: imiter son idole James Brown dans des clubs glauques de New York.

Il aurait pu y rester si Gabriel Roth, cofondateur des disques Daptone, étiquette «revivaliste» spécialisée en rhythm'n'blues, ne lui avait donné sa chance. Après quelques simples passés dans le beurre, Bradley a lancé son premier disque en 2011 (No Time for Dreaming) puis le deuxième, Victim of Love, il y a un mois à peine. Du jour au lendemain, Bradley est devenu une célébrité dans le circuit des hipsters et des amateurs de musique soul.

«J'ai longtemps prié pour ce moment, lance le chanteur de 64 ans. J'en rêvais déjà à 16 ans. Mais je ne veux pas essayer de comprendre pourquoi c'est arrivé seulement maintenant. Dieu choisit le moment qu'il te donne.»

Grand croyant, Bradley affirme qu'il doit tout à Dieu. Son succès tardif d'abord, mais aussi son dynamisme sur scène et sa totale sincérité au micro. C'est le Créateur, en outre, qui lui permet d'aller puiser au fond de lui-même pour écrire ses paroles.

«Avant chaque spectacle, je prie, dit-il. Parce que Dieu est mon moteur. Chaque jour, je le remercie de pouvoir chanter et de pouvoir danser comme je le fais. C'est lui qui me permet de rester honnête et sincère comme entertainer...

- Et votre mère, Charles, pourquoi croyez-vous en elle?

- Parce qu'elle a vécu l'enfer et réussi à préserver l'amour autour d'elle. J'ai compris sur le tard tout ce qu'elle a eu à faire pour survivre.»

Créateur de ses costumes

L'histoire de Charles Bradley est, en effet, une histoire d'enfer et d'amour. Après une jeunesse perturbée, des périodes d'errance sans domicile fixe, une tragédie familiale (son frère a été tué par son neveu) et une succession d'emplois peu glorieux, l'homme a fini par réaliser son rêve.

Voilà le genre d'histoire qui plaît au public, et voilà pourquoi le réalisateur Poull Brien a décidé d'en faire un documentaire.

Le film s'intitule Charles Bradley: Soul of America. Mais il aurait aussi bien pu s'appeler À coeur ouvert, tant le chanteur se livre généreusement devant la caméra. Le résultat est touchant de candeur. Mais avec du recul, le principal intéressé avoue qu'il aurait peut-être dû se garder une petite gêne. «J'ai tellement tout raconté dans ce film, confie Bradley, que je ne veux pas que ma mère le voie. Ni mon oncle, d'ailleurs. Ça réveillerait de vieilles chicanes.»

Une autre chose que le film nous apprend, c'est que Charles Bradley a l'âme d'un designer de mode. Ainsi, c'est lui qui fabrique tous ses costumes de scène, à partir de vêtements scintillants achetés dans les rayons pour femmes de magasins de vêtements d'occasion.

«Les gens paient pour te voir. Tu dois leur donner quelque chose à regarder», lance celui qui a commencé à fabriquer ses costumes «parce que les habits neufs étaient trop chers».

Se disant «inspiré par Elvis, James Brown et Michael Jackson», Bradley n'est pas peu fier de ses créations vestimentaires. Chaque soir dans l'autobus, il repasse ses costumes en écoutant sa collection de vieux disques vinyle.

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Vieillir «soul»

Charles Bradley: Soul of America

Documentaire de Poull Brien. 1h15.

Vous avez aimé Searching for Sugar Man? Peut-être apprécierez-vous Charles Bradley: Soul of America.

Ce documentaire de Poull Brien raconte l'ascension du chanteur soul Charles Bradley, qui a connu le succès à l'âge de 62 ans après avoir passé sa vie dans l'anonymat.

Conçu comme un long épisode de téléréalité, le film suit Bradley dans son quotidien. On le voit répéter avec son groupe, distribuer des flyers dans la rue ou magasiner des souliers avec sa maman, des scènes de vie particulièrement délicieuses et d'une touchante humanité.

Interviewé abondamment, Bradley se dévoile avec beaucoup de générosité. Il raconte sa vie de misère (itinérance, tragédies familiales), et confie - en pleurant - l'amour immense qu'il a pour Dieu. Pas toujours évident de comprendre son anglais mâchouillé de black de Brooklyn (apportez un décodeur!), mais il est clair que l'homme en a bavé pour en arriver là.

Pour le personnage

Oui, on aime bien ces histoires de vieux chanteurs oubliés revenant sous les projecteurs. Charles Bradley: Soul of America n'est peut-être pas aussi magique que Searching for Sugar Man et ne doit surtout pas être comparé au documentaire sur Rodriguez. Mais derrière sa facture plus trash, le film révèle un personnage résolument attachant, auquel il est difficile de résister. Beaucoup de soul, en effet.

Le film est à l'affiche du Cinéma du Parc.