Elle s'était juré de ne jamais suivre les traces de ses parents. Dix ans après avoir brisé cette promesse intime, Julie Depardieu est l'une des comédiennes françaises les plus prisées du moment. Rencontre avec une jeune femme qui aurait de loin préféré vivre au XIXe siècle et tenir salon...

Bien sûr, il y a le nom de famille. Lourd à porter. Fille de Gérard et Élisabeth, soeur de Guillaume, la cadette du clan Depardieu a suivi un parcours atypique qui l'étonne encore elle-même.

«À l'âge de 17 ans, je n'étais certaine que de deux choses dans la vie: l'une était de passer mon bac; l'autre, de ne jamais devenir actrice! déclarait Julie Depardieu au cours d'une interview accordée à La Presse il y a quelques mois à Paris. Mon bac, je l'ai raté. Et voyez ce que je fais aujourd'hui!»

L'apprivoisement de sa propre vocation ne fut pas chose aisée. Gagnant d'abord sa vie à travers de petits boulots techniques sur les plateaux de films où joue son père, la jeune femme a véritablement fait ses débuts devant la caméra dans des téléfilms.

«Très jeune, on me confiait parfois de tout petits rôles dans des productions dans lesquelles Gérard participait. Je trouvais cela plutôt marrant. Mais j'ai un jour été appelée à remplacer une actrice qui venait tout juste de déclarer forfait dans un téléfilm de Josée Dayan. J'ai accepté sans arrière-pensée, pour le plaisir de la chose. J'ai été très surprise de recevoir d'autres offres par la suite. Encore aujourd'hui, je suis toujours étonnée quand on me propose un rôle!»

Julie Depardieu n'a en effet jamais caressé de «rêves d'actrice». La perception qu'elle a de son talent est d'ailleurs tellement décalée qu'elle a même songé un temps à tout abandonner. Ironiquement, cette remise en question est survenue tout juste après qu'elle eut tenu l'un des rôles les plus marquants de sa carrière.

«La première fois que j'ai vu La petite Lili, j'ai eu envie de tout arrêter tellement je me trouvais nulle à chier. Le film était magnifique mais j'avais l'impression que je gâchais tout le travail de Claude Miller. Or, on m'a donné deux Césars pour ce rôle! Je ne sais pas comment expliquer ce décalage. C'est un peu comme si je voyais quelqu'un d'autre.»

Cette crise existentielle a quand même provoqué une prise de conscience. Depuis cet épisode, Julie Depardieu aborde ce métier de façon plus sereine.

«J'assume désormais le plaisir que je retire à jouer des personnages, explique-t-elle. J'espère m'orienter de plus en plus vers des rôles de composition. Le peu que j'ai fait jusqu'à maintenant, je l'ai fait toute seule. Et cela, j'y tiens.»

Le rôle de journaliste qu'elle campe dans Sauf le respect que je vous dois, le premier long métrage de Fabienne Godet, procède un peu de cette démarche. Cela dit, l'actrice privilégiera toujours les rencontres aux personnages.

«En raison d'un conflit d'horaires, je ne pensais pas d'abord pouvoir accepter la proposition de Fabienne. Quand je l'ai rencontrée, elle m'a tellement émue que je me suis organisée pour pouvoir jouer dans son film quand même. Je carbure aux rapports humains. J'aurais été parfaite pour tenir salon au XIXe siècle!»

Des élans passionnels

Ce rôle permettait aussi à l'actrice de donner la réplique à Olivier Gourmet. Julie Depardieu admire sans réserve celui qui, avec Paul Ahmarani, a obtenu le Jutra du meilleur acteur grâce à sa composition dans le Congorama de Philippe Falardeau. «Je ne suis pas folle des acteurs en général mais lui LUI!» dit-elle.

Dans la lignée de films comme Ressources humaines ou La raison du plus faible, Sauf le respect que je vous dois est un drame à caractère social. Gourmet y incarne un employé de bureau qui, à la suite d'un drame professionnel impliquant un ami, tente de comprendre le sens de cette tragédie. Julie Depardieu se glisse de son côté dans la peau d'une journaliste qui tentera d'aller au-delà du discours corporatiste livré par l'entreprise à la suite du drame.

«Ce personnage m'intriguait d'autant plus que Fabienne Godet l'a d'abord écrit en pensant le donner à un homme. Et puis, Fabienne est animée par une urgence de dire les choses. Et moi, j'ai l'urgence d'avoir un rapport à l'autre. Je suis très attirée par les gens comme elle.»

Très mélomane, Julie Depardieu concède avoir moins de choses à dire sur le cinéma que sur la musique. Elle affirme en revanche s'éprendre parfois de certains cinéastes de la même manière qu'elle s'éprend de compositeurs.

«Honnêtement, je ne suis pas très cinéphile, laisse-t-elle tomber. Je peux toutefois développer une véritable obsession envers certains cinéastes. Maurice Pialat (À nos amours) fait partie de ceux-là. Tout comme Nuri Bilge Ceylan (Les climats) ou Michael Haneke (La pianiste).»

Depuis le tournage de Sauf le respect que je vous dois, qui a eu lieu il y a deux ans, Julie Depardieu a beaucoup travaillé. Vue récemment dans La faute à Fidel de Julie Gavras (toujours à l'affiche à Montréal), elle est aussi de la distribution de Rush Hour 3, cette superproduction américaine dont l'intrigue est cette fois campée à Paris. L'actrice tient aussi un rôle dans Un secret, le nouveau film de Claude Miller qui clôturera le Festival des films du monde de Montréal le 3 septembre. Elle est aussi l'une des têtes d'affiche du plus récent film d'André Téchiné Les témoins (sortie montréalaise prévue le 30 novembre).

Sa vocation n'est désormais plus remise en cause.

Sauf le respect que je vous dois est présentement à l'affiche. Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.