Alain Chabat mène plusieurs vies. Réalisateur, scénariste, producteur et acteur, l'homme de télé et de cinéma a un pied à Paris et à Los Angeles. «J'aime faire des ponts entre deux mondes», assure Chabat. L'un de ces ponts l'a mené cette semaine au Festival des films du monde où il a présenté Prête-moi ta main, à l'affiche partout au Québec dès demain.

La main, Alain Chabat l'a eue souvent baladeuse dans ses films. Collègue de bureau lourdaud dans l'onirique Science des rêves de Michel Gondry, mari macho dans le saphique Gazon maudit, Alain Chabat a la main heureuse dans Prête-moi ta main, puisqu'il demande la sienne à Charlotte Gainsbourg... pour de faux.

Dans Prête-moi ta main, Alain Chabat joue Luis, un peu Tanguy, beaucoup macho qui, à 43 ans, ne s'est jamais laissé passer la corde au cou. «Ce mec a une conception de la femme un peu préhistorique», note Chabat. Pour échapper aux pressions de sa mère (Bernadette Laffont), il décide de «louer» les services d'Emma (Charlotte Gainsbourg).

Pour Prête-moi ta main, Alain Chabat a joué les acteurs, scénaristes et également coproducteur. «Je trouvais ça marrant comme situation, un type qui, pour ne pas dire non à sa famille, échafaude un plan super compliqué à base de femmes louées, pour échapper à sa mère. Il a une façon de voir la femme idéale, et il tombe sur une nana à l'opposé. Évidemment, on sait bien qu'ils vont tomber amoureux l'un de l'autre. Mais on ne sait pas comment cela va se passer», dit-il.

Prête-moi ta main est le dernier succès en date de la carrière d'Alain Chabat. Depuis ses débuts à la télévision dans les années 80 avec Les nuls, quatuor comique devenu culte, Alain Chabat a enchaîné un parcours presque sans fautes. Acteur, il joue chez Agnès Jaoui (Le goût des autres), Yvan Attal (Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants), quand il ne se met pas lui-même en scène (Didier, Astérix et Obélix: mission Cléopâtre).

La piqûre de la comédie

«C'est un luxe que j'ai. Je peux assouvir certaines envies. Parfois, ce n'est pas de la comédie, mais tant pis. Si je pouvais, je ne ferais que de la comédie, parce que j'adore ça, mais quand il y a un bon projet avec un bon metteur en scène, un bon scénar, c'est un peu stupide de ne pas le faire», dit-il, d'une voix étonnamment calme et suave.

À Paris, Alain Chabat fait partie, aux côtés de Charlotte Gainsbourg et Djamel Debbouze, de cette caste d'acteurs portés par la critique et adulés du grand public. Après la France, le producteur essaie de conquérir les États-Unis, où il a établi la filiale de sa maison de production, Chez Wam, qui devrait produire le prochain film d'Ang Lee (Brokeback Mountain).

«Quand je suis arrivé aux États-Unis, moi je n'étais rien. Là-bas, mon nom n'est ni bankable, ni impressionnant, ni quoi que ce soit. Du coup, c'est vraiment l'idée qui parle. Si l'idée est intéressante, tu arrives à la vendre. En France, je trouve ça plus compliqué, estime-t-il. J'aime bien cette façon de bosser, et prendre le meilleur des deux mondes.»

Le défi du cinéma français, d'après lui, est de résister à la déferlante de films américains. Croit-il le cinéma français en crise, comme certains cinéastes le prétendent? «En France on aime bien se plaindre, ce n'est jamais assez bien. C'est vrai qu'il faut être vigilant, et pour cela, il n'y a pas 50 manières: il faut faire les meilleurs films possibles pour résister à l'offre américaine qui est violente. Mais je crois que le cinéma est toujours vivant, varié», tranche-t-il.

Les idées manquent rarement à Alain Chabat. Le dessinateur de BD (et voix française de Shrek), rêve aujourd'hui de faire son propre dessin animé. En production, il termine le film de deux allumés de la télé française (Nicolas et Bruno), La personne aux deux personnes. Côté cinéma, il ne dirait pas non à un film d'action. «Il faudrait que je me bouge un peu le cul, parce que j'ai 49 ans et la date limite commence à arriver très vite», précise-t-il, avec son habituel humour pince-sans-rire.

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Prête-moi ta main d'Éric Lartigau prend l'affiche demain au Québec.